CORRESPONDANCE UNITARIENNE    mois 2005

 

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n° 47

lu à la Fondation Roger Garaudy, au centre culturel Torre de la Calahora, à Cordoba
par Louis Van Gool (Grand-Lancy, Suisse) et envoyé au Réseau le 24 décembre 2004
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Averroes, 1126-1198, le musulman

- Ibn Roschd… Ibn Roschd …
(…) la médecine, l’astronomie, toutes les sciences … Vous voulez toujours que je vous explique tout ce qu’Aristote a dit du savoir des choses de la terre. Vous ne vous posez donc jamais les questions dernières : …D’où venons-nous ? Où allons-nous ? La Création et, surtout, le but et le sens de la vie et de l’histoire ?

- un disciple : Maître, aujourd’hui …
(…) Aujourd’hui, comme toujours, notre philosophie ne servirait à rien si elle ne savant pas lier ces trois choses que j’ai enseigné d’unir dans mon “ Harmonie de la science et de la religion ”. Une science fondée sur l’expérience et la logique pour découvrir les causes. Une sagesse qui réfléchisse sur les buts de chaque recherche scientifique pour qu’elle serve à rendre notre vie plus belle. La révélation, celle de notre Coran. Car c’est seulement par révélation que nous connaissons les fins dernières de notre vie et de notre histoire.

- une femme : Mais pour nous les femmes ?
Les femmes ont les mêmes fins dernières que les hommes. Le Coran ne distingue qu’entre ceux, hommes ou femmes, qui cherchent la Loi de Dieu et ceux qui ne s’en soucient pas. Il n’y a pas d’autre hiérarchie entre les êtres humains … Mais vous, les hommes, vous considérez les femmes comme des plantes qu’on ne recherche que pour leurs fruits, la procréation. Et vous en faites des séparées, des servantes. Ce sont vos traditions : elles n’ont rien à voir avec l’islam. ”

- un étudiant : Mais nos rois …
Le Prophète nous a enseigné qu’il n’est de plus sainte guerre que de dire la vérité à un dirigeant injuste. Le tyran est le plus esclave des hommes. Il est livré à ses passions par ses courtisans, à ses terreurs parce qu’i a peur de son peuple.

- un autre étudiant : Mais qu’elle est alors la société la meilleure ?
Celle où chaque femme, chaque enfant, chaque homme, reçoit tous les moyens de développer toutes les possibilités que Dieu lui a données.

- un autre : Quel pouvoir l’établira ?
Il ne s’agit pas d’une théocratie, comme chez les chrétiens d’Europe, d’un pouvoir de religieux complices des tyrans : “ Dieu - dit le Coran - a insufflé en l’homme de Son Esprit ”. Faisons-le vivre en chaque homme !

- un autre : Quelles sont les conditions d’une telle société ?
Une société sera libre et agréable à Dieu quand nul n’agira ni par crainte du Prince ou de l’enfer ou par désir de récompense d’un courtisan ou du paradis. Et quand personne ne dira : ceci est à moi.

- un autre : Maître, encore un mot
J’en ai assez de vos questions : d’abord, je ne suis pas “ Maître ” ; Dieu seul est Maître, et l’enseignement le plus fréquent de Son Coran est de faire effort pour réfléchir par soi-même. Vous entendez, par soi-même.

Maïmonide, 1135-1204, le juif

Dans la synagogue, devant la Thora qu’il commente.

Dans ce qu’il a dit sur les sciences terrestres, Aristote reste notre maître, mais, au-delà, tous ces propos ressemblent, à peu de choses près, à des conjectures. Si pour Ibn Roschd, le Livre Saint n’est pas notre Thora mais le Coran, nous sommes d’accord, l’un et l’autre, sur l’apport de la raison et de la révélation : elles sont deux manifestations d’une même vérité divine. Il n’y a de contradiction que lorsqu’on s’en tient à une lecture littérale des Ecritures, en oubliant leur signification éternelle. J’ai donné, dans mon “ Guide des égarés ” les règles de cette lecture allégorique, et qui tient compte de l’histoire. Nos problèmes historiques doivent être résolus à partir des principes éternels : il n’y a aucune opposition entre l’absolu et l’histoire. Ces principes éternels, mon expérience de juriste m’a appris qu’ils se ramenaient à quatre, que vous retrouverez dans mon “ Commentaire ” de la Mishna ”, de notre tradition juive :

1) L’individu ne peut se développer que dans une société saine, où les devoirs viennent avant les droits.
2) Le but de toute société fidèle à Dieu est une croissance de l’homme et non la richesse. L’homme grandit quand il développe en lui la raison dans sa plénitude : une raison qui a conscience de ses limites et de ses postulats. Une telle raison témoigne de la présence de Dieu en l’homme.
3) La raison de l’homme n’est qu’une participation à la raison divine, qui nous dépasse infiniment, et qui ne se réalise que par l’accueil à la prophétie biblique.
4) Un cycle nouveau de l’histoire ne commence que lorsqu’un Prophète, comme Moïse, descend vers le peuple pour lui proposer de nouvelles lois.

Psaume de David : Pourquoi ces vaines pensées parmi les peuples ? Pourquoi les rois de la terre se soulèvent-ils contre l’Eternel et contre son oint ? Brisons leurs liens. Délivrons-nous de leurs chaînes ”.

Alphonse X, 1221-1284, le Sage

Je ne suis plus que l’ombre d’un roi qu’on appelait autrefois Alphonse X, le Sage, mais le Pape et mes propres vassaux me déposèrent en 1282. Peut-être mes rêves étaient-ils trop grands pour ce siècle ? Et pourtant nous étions au bord d’un grand éveil ? J’avais eu la chance, dans ma jeunesse, d’être élevé à Tolède, où l’évêque Raymond, avec ses traducteurs chrétiens et juifs, m’avaient initié à la culture de l’islam. J’ai fait traduire en latin le Coran et le Talmud. Vous voyez ce que fut l’acte le plus glorieux de mon règne : celui de créer, à Murcie, avec le philosophe musulman Mohammed Al Riqouti, la première école au monde où enseignaient à la fois des chrétiens, des juifs et des musulmans. A Séville, j’ai exigé que l’on enseigne dans les deux langues de mon temps : l’arabe et le latin. Ecoutez : l’un de mes pages chante l’un de mes cantiques : “ O mon Christ, qui pouvez accueillir le chrétien, le juif, le maure, pourvu que leur foi se dirige vers Dieu ”. Dans mes lois, comme dans mes prières, je n’ai jamais oublié que les mécréants sont de même sang et nature que nous. Mes légistes peuvent, avec fierté, vous lire mes codes :

“ Comme la synagogue est maison où l’on glorifie le nom du Seigneur, défendons qu’aucun chrétien ait l’audace de la détruire ni d’en emporter rien ni d’en prendre aucune chose par force ”. Et à l’égard des musulmans : “ Laisser vivre les Maures parmi les chrétiens en conservant leur foi, et en n’insultant pas la nôtre ”. Oui, sous mon règne, par les efforts des sages de nos trois religions, notre Espagne du XIIIème siècle pouvait éveiller l’Europe entière à une vraie renaissance : celle qui pouvait se faire non contre Dieu, mais avec Dieu.

Ibn Arabi, 1165-1240, le soufi

“ Ceci est interdit ! Ceci est permis ! ”, nous disent les juristes. Mais jamais : ceci est à inventer. Tu es responsable de toi-même. Réfléchis par toi-même ! Alors que le Coran nous y appelle à chaque page. À les entendre, il n’y aurait, entre Dieu et l’homme, que des rapports de maître à esclave. La foi et la philosophie commencent là où finit ce juridisme desséché !

Le Coran nous dit “ Dieu fera se lever des hommes qu’il aimera et qui l’aimeront ” (V, 54), et aussi : “ Si vous aimez Dieu, Dieu vous aimera ” (III, 31). Dieu est unité. L’unité de l’amour, de l’amant et de l’aimé. Tout amour est désir d’union. Tout amour, qu’il en est conscience ou non, est amour de Dieu. Il y a un amour naturel dans lequel tu crois chercher à ne satisfaire que ton propre désir. Mais, il te fait sentir que tu ne suffis pas à toi-même. Même dans l’union des corps, où tu veux trouver l’extase, tu éprouves la nostalgie et le besoin de ce qui n’est pas toi. Il y a un amour spirituel quand tu n’aimes l’aimé que pour l’aimé lui-même. Tu ne vis alors qu’en te dépassant : en préférant à la tienne sa joie, sa plénitude d’être. Cet amour t’enseigne le sacrifice. Il y a un amour divin, le plus haut : tu aimes en toute chose Celui qui l’a créée, et tu n’aimes Dieu que pour lui-même. sans crainte d’un châtiment ni désir d’une récompense. Cet amour que tu portes à Dieu est un reflet de celui qu’Il te porte.

Tu ne peux t’identifier à Lui, mais agir selon le but qu’il a révélé par Son Messager. Le Prophète a dit “Quand Dieu t’aime, Il est l’oreille par laquelle tu entends, l’œil par lequel tu vois, le pas par lequel tu avances, la main par laquelle tu travailles”. Dieu a “insufflé en l’homme de Son Esprit”. Témoignage de cette présence de Dieu en toi, de l’acte de Dieu qui ne cesse de créer. L’action est l’extérieur de la foi. Tu rends visible l’invisible chaque fois que tu te dépasses : artiste, quand tu exprimes la beauté que Dieu aime, amant, quand tu vois et sers Dieu en celle que tu aimes, savant, quand tu découvres des vérités nouvelles, chef, quand tu créés pour chacun les conditions de son épanouissement.

Voir en chaque être l’acte qui l’a créé et soumettre sa vie entière à la volonté de ce Créateur, c’est ce qui unit tous les hommes de foi. Tout homme est appelé par Dieu. Ne méprise pas ceux qui, en le cherchant, croient Le voir en ce qui n’est pas Lui. L’islam reconnaît tous les prophètes comme messagers du même Dieu. Apprends à découvrir en chaque homme le germe, en lui, du désir de Dieu, même si sa croyance est encore confuse, et parfois idolâtre, pour l’orienter vers la pleine Lumière.

J’écrivis, dans un poème d’amour (avec luth) : “ Mon cœur est devenu capable d’entrer dans toutes les formes : pâturage pour les gazelles et couvent pour le chrétien ; temple pour les idoles et pèlerins de la Ka’ba ; tables de la Thora et livre du Coran. Ma religion est de l’amour : quelque soit le chemin que prenne la caravane de l’amour, ce chemin est celui de ma foi ”.

libres propos

Avis de Michel Guillaume, soufi
lettre du 17 juin 2005

" Merci du n°5 des "Cahiers Michel Servet" dont j'ai admiré le sérieux et la sincérité des propos (…) En tout état de cause, aussi bien ces "Cahiers" que "Correspondance unitarienne" témoignent d'une poussée nouvelle de l'esprit religieux, d'un dépoussiérage des clichés devenus sans pouvoir à force d'être ressassés et ânonnés. Avec toute ma sympathie et mes encouragements".

Prier et agir, Dieu et nous, même combat
texte envoyé au réseau par Edouard Mairlot, juillet 2005

Je me promène dans les quartiers, j’entre dans les maisons, les prisons, dans le métro, dans les baraquements, dans les salons obscurs et solitaires… Je regarde le monde. Les yeux et les cœurs se tournent vers Moi avec des questions pleines d’angoisse, de solitude, de besoins, de désorientation… et je veux donner des réponses.

Je regarde le monde et je me tourne vers toi, homme, pour te prier, pour te demander et te convoquer, pour te mettre sous les yeux toutes ces réalités, pour que tu voies avec mes propres yeux et que tu sentes avec mon propre cœur

J’ai besoin de tes oreilles parce que je veux écouter les histoires de Rosario qui compte 80 ans, et lui donner un sourire pour qu’elle sache qu’elle n’est pas seule, qu’elle n’est pas de trop.
J’ai besoin de tes bras parce que je veux embrasser et protéger l’enfant qui regarde apeuré le monde qui l’agresse.

J’ai besoin de tes paroles parce que je veux saluer et appeler par son nom José, celui qui mendie à la porte du métro et est invisible aux yeux de ceux qui passent en courrant contre la montre.
J’ai besoin de tes mains parce que je veux serrer la main de David pour l’encourager, lui qui, malgré ses rechutes, a tenu bon 15 jours déjà sans consommer.

J’ai besoin de ton travail parce que je veux mettre la main à la poche et aider Maria, qui travaille sans arrêt, et à son mari Manuel qui porte 5 ans de chômage. Ils ont trois enfants.

J’ai besoin de ton coeur parce que je veux accueillir Reinaldo, qui a dû quitter son pays parce qu’il n’y avait pas d’avenir et qui est devenu un sans papiers

J’ai besoin de toi parce que je veux leur expliquer, à Marta et à Juan, que bien qu’ils ne puissent acheter un appartement, J’ai pour eux un message d’amour et de liberté. J’ai besoin de toi parce que je veux donner de l’affection à qui ne reçoit pas de tendresse, appeler par son nom qui n’a pas de nom, crier avec l’oublié, chanter avec celui qui est heureux et lutter avec qui combat pour la justice.

J’ai besoin que tu leur dises qu’ils constituent le centre de mon Royaume; je te prie pour que tu sois mes mains, mes yeux, mes oreilles et ma bouche.

(DE DIOS = PRIERE DE DIEU, par JOAQUÍN AUTRÁN, jautran@ole.com, MADRID.ECLESALIA, 07/07/05)

“ J’essaierai de vous aider, Dieu, à stopper le déclin de mes forces, bien que je ne puisse en “ répondre à l’avance. Mais une chose devient de plus en plus claire à mes yeux : à savoir que “ vous ne pouvez nous aider. Hélas, il ne semble guère que vous puissiez agir vous-même sur “ les circonstances qui nous entourent, sur nos vies. Je ne vous tiens pas pour responsable. “ Vous ne pouvez nous aider, mais nous, nous devons vous aider à nous aider, nous “ devons défendre votre lieu d’habitation en nous jusqu’à la fin ”.

(De la revista 'Parroquia de Guadalupe'. Madrid, octubre 2004. Enviado por el autor ; Extrait d’un journal écrit par une jeune juive d’Amsterdam Etty Hillesum, entre 1941 & 43, année où elle fut déportée puis mise à mort)

Informations

Rendez-vous à Montréal, au Québec, en septembre 2006

À la suite du Parlement des religions du monde qui s'est tenu à Barcelone en 2004 (notre n° 34 d'août 2004), aura lieu un congrès international portant sur "Les religions du monde après le 11 septembre" / World's Religions After September 11, A Global Congress, à Montréal, au Convention Center, du 10 au 15 septembre 2006. Ce sera pour nous l'occasion de rendre visite à l'Eglise unitarienne de Montréal et à l'équipe francophone qui anime le site du Mouvement universaliste et unitarien au Québec (MUQ), ww.uuqc.ca (voir nos n° 28 de février 2004 et n° 31 de mai 2004). Renseignements : http://www.WorldsReligionsAfter911.com, info@WorldsReligionsAfter911.com, pour réserver un emplacement d'exposition : http://www.sorelcomm.ca

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