CORRESPONDANCE UNITARIENNE | janvier 2005 |
Ce qui
se passait à Paris en mai 1968 entre chrétiens libres |
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Ce
qui se passait à Paris en mai 1968 entre chrétiens libres “ Après l’université, après la société et l’ordre politique qu’elle s’est donnée, le mouvement de contestation qui, en ce mois de mai 1968, a si fortement secoué la France et qui trouve des résonances bien au-delà des frontières de notre pays, va-t-il maintenant troubler la vie des Eglises ? Au vu d’un certain nombre de faits convergents, cette question se pose et mérite qu’on s’y arrête. Au centre Saint-Yves, à Paris, siège de l’aumônerie catholique des étudiants en droit, s’est ouvert, mercredi dernier un “ amphi permanent ” où catholiques, protestants et incroyants discutent sur le thème “ La révolution et les chrétiens ”. On y entend des orateurs affirmer : “ Nous devons être des révolutionnaires chrétiens ”. La paroisse Saint-Séverin, au pied du Quartier latin, a failli devenir la première “ Sorbonne ” des églises parisiennes. Dimanche [2 juin], une vingtaine de jeunes gens ont fait irruption dans l’édifice en réclamant une “ Eglise libre ”. Après un moment d’affolement, la messe a été célébrée normalement, mais le clergé, l’assistance et les jeunes manifestants se sont retrouvés dans le célèbre cloître qui jouxte l’église et où un grand débat s’est déroulé jusqu’à 14 heures. A Paris, toujours en ce même jour de Pentecôte, soixante-dix chrétiens, prêtres, pasteurs, laïcs, étudiants en théologie, parmi lesquels les pasteur Casalis, l’abbé Laurentin, le professeur Paul Ricoeur de Nanterre, le professeur Théodore Monod de l’Institut, ont célébré une eucharistie commune, avec communion sous les deux espèces. Cette célébration a été réalisée sans autorisation, mais les participants ont adressé une lettre à Mgr Marty, archevêque de Paris et au pasteur Westphal, président de la Fédération protestante de France. Dans cette lettre, les participants soulignent qu’ayant vécu ensemble les luttes politiques de ces dernières semaines, ils y ont “ vérifié la vérité révolutionnaire de l’Evangile ” et que, conscients de cette communion profonde dans la vie, ils ont “ été poussés à célébrer par un signe commun (leurs) nombreuses rencontres au milieu du peuple des ouvriers et des étudiants en luttant pour sa liberté. Il (leur) fallait cette fête de la rencontre universelle dans l’action de grâces et d’espérance et ne pas le faire séparément, mais ensemble ”. D’autres faits se sont produits ici et là : réunions spontanées entre clercs et laïcs, manifestations contre certains sermons ; mais la célébration commune non autorisée de Paris est appelée, plus que le reste, à avoir de profondes répercussions en raison de la personnalité même des participants et des réalités qu’elle mettait en cause. Une note doctrinale Mgr Marty est saisi de l’affaire. Un communiqué est attendu. Mais déjà, une note sur l’œcuménisme, préparée par le bureau d’études doctrinales de l’épiscopat français, dont la diffusion a été retardée par la grève, a pris une position très nette sur le problème de l’intercommunion. Si beaucoup de responsables d’Eglises, en particulier ceux de l’Eglise catholique, est-il dit dans cette note, estiment que l’intercommunion est actuellement impossible, il faut comprendre qu’il n’y a pas là une simple mesure de discipline, mais qu’il en va de la vérité qui est en cause. Parce qu’elle est par excellence le “ sacrement de l’unité ”, l’Eucharistie célébrée et reçue en commun suppose “ déjà réalisée ” en ses traits essentiels et imprescriptibles l’unité que le Seigneur a voulu pour son Eglise. “ Sinon, elle n’en serait qu’une image, une expression visible fausse et trompeuse. La participation à la même foi et l’appartenance à une même structure hiérarchique ecclésiale sacramentelle ”. Enfin, la note précise : “ Le risque que fait courir l’intercommunion est que l’on donne naissance à des “ communautés œcuméniques ” se situant à côté et au-delà des Eglises : une visée mal éclairée d’unité aboutirait à des divisions nouvelles ”. Nonobstant, le même Mgr François Marty qui ne voulait pas la pagaille dans les rangs de ses ouailles, n’était nullement fermé aux aspirations humaines qui se manifestaient alors au sein de la société civile. Comme quoi vérité pour les autres, mais erreur pour le sérail ! Dans le même journal, le même jour, nous lisons “ Mgr Marty : Nous avons perçu des appels authentiquement évangéliques ”. En voici le texte : “ Concélébrant la messe de la Pentecôte à Notre-Dame avec ses principaux collaborateurs, Mgr Marty, archevêque de Paris, a fait allusion à la situation actuelle en ces termes : “ Certes, nous souhaitons la tranquillité et le calme. Nous devons tout faire pour éviter les affrontements, nous voulons que tout s’arrange, rien ne se construit dans l’anarchie, mais la paix du Christ n’est pas démission devant les responsabilités ou fuite en vacances, elle n’est pas un apaisement facile après le bouleversement de l’orage, elle est surtout solidité intérieure. Nous avons été inquiets, nous le restons, mais nous avons vu s’exprimer des aspirations profondément humaines. Nous avons perçu des appels authentiquement évangéliques. Quels que soient les défaillances, les erreurs et le péché, nous reconnaissons des germes de bien dans le cœur et la pensée des hommes. En effet, aujourd’hui plus qu’hier, par des chemins souvent obscurs, beaucoup cherchent, au-delà de la satisfaction de leurs besoins pécuniaires et immédiats, la reconnaissance de ce qu’ils sont, c’est-à-dire des fils de Dieu. Ils veulent mieux vivre pour être plus hommes. Que ceux qui, en ces jours, sont tentés par le désespoir ou pris par la lassitude, sachent que l’Esprit travaille le cœur des hommes. Avec eux et par eux, Dieu veut construire. A la paralysie de la peur, le chrétien répondra par la persévérance de l’engagement, car son idéal a un visage, Jésus-Christ ; il a un nom, la charité vraie, c’est-à-dire la communion de tous les hommes dans le même amour ”. * * * Mgr. Marty sera nommé cardinal le 28 avril 1969. Quant à nous, nous sommes fiers que le Professeur Théodore Monod ait été participant de l’événement, lui qui, de 1986 à 1996, sera président d’honneur de l’Association unitarienne française (AUF), qui deviendra “ francophone ” en 1992, puis de l’Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU), de 1996 à sa mort en 2000. L’appel lancé en juin 2004 par des catholiques réformateurs, des protestants libéraux et des chrétiens unitariens ,après qu’une première célébration entre une quarantaine de chrétiens libres ait eu lieu à Paris, relance publiquement le débat. Le dernier week-end du mois de novembre dernier, la Fédération des réseaux des Parvis, réunie pour son assemblée générale annuelle, célébra dans la liberté pour la 3ème année consécutive, c’est-à-dire sans consécration, sous les deux espèces, et sans présidence cléricale. Cette même année, à Nancy (avec le groupe “ Ecoute Partage ”, www.ecoutetpartage.fr.st), à Bordeaux (dans le cadre de veillées de partage spirituel entre chrétiens unitariens et baha’is), à Orléans (avec “ Chrétiens autrement ” au Centre de Recouvrance, tél. 02 38 54 13 58), à Nantes avec la Communauté La Traversière, et dans bien d’autres lieux notamment là où se réunissent des “ communautés de base ”, d’autres repas chrétiens ont été ainsi organisés. Comme le firent les premières communautés chrétiennes “ Ils partagent le pain à la maison et prennent la nourriture avec exultation et simplicité de cœur ” (Actes des apôtres, 2 : 46). Pour vous donner des idées
et vous encourager sur cette voie, le premier des Cahiers Michel Servet est
consacré au “ Culte
chrétien de maison ” (12 p., 5 euros). Les infos de janvier sont à la page suivante |
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