CORRESPONDANCE UNITARIENNE    janvier 2004

Je crois en la laïcité de l'Église

Actualités
unitariennes


n° 27

 “Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par le vêtement…
Ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde.
L’âme est répandue dans tous les membres du corps comme les chrétiens dans les cités du monde.
Si noble est le poste que Dieu leur a assigné qu’il ne leur est pas permis de déserter”
Epître à Diognète (auteur inconnu), fin IIème siècle,
cité par Gabriel Ringlet, Communiquer l'intelligence de la foi, Lille, mars 1993, VIVRE 93/
2

Je crois en la laïcité de l'Église ...
par Mgr Jacques Noyer, évêque catholique émérite d'Amiens
Témoignage chrétien, n° 3075, septembre 2003, rubrique “ Chronique ”,
extrait adressé au réseau par Pierre Castaner (Café “Courant d’air”)
et publié avec l’accord de l’auteur et du journal.

[…] J'aimerais rappeler que la question de la laïcité se pose à l'intérieur de l'Église avant de régler les relations avec  l'État. La laïcité est une question théologique que le concile Vatican II a abordée avec audace même si, aujourd'hui, des courants divers cherchent à brouiller les cartes.

Nous ne pouvons oublier l'origine du mot " laïc " qui s'oppose d'abord à " clerc ". Le débat premier est là : l'Église est-elle un corps clérical qui enseigne et conduit un peuple ou est-elle un peuple au service duquel des ministres sont institués ? On sait que le dernier concile a clairement tranché au bénéfice de la seconde proposition : l'Église est le peuple de Dieu. La laïcité est d'abord ce choix d'être un peuple.

Ce peuple n'est pas défini par l'histoire et la culture comme les autres peuples. Il ne fait pas nombre avec les autres, même si la tentation est grande de l'assimiler en décrivant ses institutions et ses moeurs. Chaque homme qui entre dans ce peuple demeure dans celui où il est né. Ce peuple n'est pas opposé à un autre puisque l'acte de foi qui y introduit affirme que Dieu aime tous les hommes et qu'il n'y a pas de privilégiés. L'histoire parle de civilisation chrétienne, de nations chrétiennes, de familles chrétiennes, mais on est en droit de se demander si c'est légitime. L'acte de foi n'est pas l'adhésion à une institution ou la réception d'un patrimoine spirituel. Elle est la réponse libre à une Parole adressée à tout homme, un choix personnel qui ouvre sur une solidarité sans frontière.

Bien entendu, chercher à se compter est une tentation permanente. Toute autorité, même si la Bible lui en fait reproche, aime les recensements et les statistiques. Le Vatican publie chaque année les nombres de baptêmes et mesure la progression numérique des catholiques. Mais qui peut mesurer la foi, vérifier le sens, peser la confiance, évaluer l'amour ? Ces baptisés sont-ils croyants ? Sont-ils croyants comme Dieu les attend ? Et, parmi les non-baptisés, qui dira ceux qui entrent dans le secret de Dieu ? Parmi la foule, chacun s'inscrit dans son club, dans son école, dans son église. Chaque groupe s'organise avec ses adhérents et ses hérétiques, avec son administration, ses règlements et ses cotisations. Pour être visible, l'Église catholique entre dans le jeu et défend ses positions. Ce faisant, elle développe ses institutions comme les autres. Elle devient association comme les autres associations ! Religion comme les autres religions ! Elle a pu développer dans l'histoire son esprit de conquête, de rivalité, d'expansion. Elle a pu refuser à ses fidèles tout contact bienveillant avec les autres. La conviction d'avoir la vérité l'a conduit souvent à l'intolérance, ou à une simple tolérance politique ? C'est alors que son cléricalisme est particulièrement odieux.

Pour ma part, comme chrétien, disciple de Jésus, mon peuple est l'humanité entière. Ma référence est un exclu crucifié. Le Fils de l'Homme, sur la croix des esclaves, est mon Dieu. En me reconnaissant de son Royaume, je ne me sépare de personne. Je me solidarise avec tous et chacun : grec et juif, esclave et homme libre, homme et femme, croyant ou pas. La croix que je porte sur moi n'est pas un signe d'appartenance à une Église : elle est le refus de m'en tenir à une appartenance particulière. Je m'identifie par une croix ! Je suis un " X ", un inconnu, un n'importe qui ! Je signe d'une croix comme un illettré sans culture. Certes, barré par ma croix, je garde de nombreux signes d'appartenance. Je reste français en étant chrétien. Ce serait illusion de se croire déjà dans le Royaume de la fraternité universelle. Mais si je me débats au milieu des clubs et des familles, des cultures et des religions, assumant bon gré mal gré la honte de leurs crimes et la fierté de leurs exploits, je suis disciple du Christ, le Fils de l'Homme, membre de l'Humanité. Quand je prône la laïcité, c'est celle-là que je vise. Et cette laïcité-là est au coeur de ma foi ! Tout homme, fut-il mon ennemi déclaré, demeure mon frère. Tout fils d'homme est fils de Dieu !