CORRESPONDANCE UNITARIENNE | janvier 2004 |
Je crois en la laïcité de l'Église | |
“Les
chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni
par le langage, ni par le vêtement… Je
crois en la laïcité de l'Église ... […] J'aimerais rappeler que la question de la laïcité
se pose à l'intérieur de l'Église avant de régler
les relations avec l'État.
La laïcité est une question théologique que le concile
Vatican II a abordée avec audace même si, aujourd'hui, des
courants divers cherchent à brouiller les cartes. Nous ne pouvons oublier l'origine du mot " laïc
" qui s'oppose d'abord à " clerc ". Le débat
premier est là : l'Église est-elle un corps clérical
qui enseigne et conduit un peuple ou est-elle un peuple au service duquel
des ministres sont institués ? On sait que le dernier concile a
clairement tranché au bénéfice de la seconde proposition
: l'Église est le peuple de Dieu. La laïcité est d'abord
ce choix d'être un peuple. Ce peuple n'est pas défini par l'histoire et la culture
comme les autres peuples. Il ne fait pas nombre avec les autres, même
si la tentation est grande de l'assimiler en décrivant ses institutions
et ses moeurs. Chaque homme qui entre dans ce peuple demeure dans celui
où il est né. Ce peuple n'est pas opposé à
un autre puisque l'acte de foi qui y introduit affirme que Dieu aime tous
les hommes et qu'il n'y a pas de privilégiés. L'histoire
parle de civilisation chrétienne, de nations chrétiennes,
de familles chrétiennes, mais on est en droit de se demander si
c'est légitime. L'acte de foi n'est pas l'adhésion à
une institution ou la réception d'un patrimoine spirituel. Elle
est la réponse libre à une Parole adressée à
tout homme, un choix personnel qui ouvre sur une solidarité sans
frontière. Bien entendu, chercher à se compter est une tentation
permanente. Toute autorité, même si la Bible lui en fait
reproche, aime les recensements et les statistiques. Le Vatican publie
chaque année les nombres de baptêmes et mesure la progression
numérique des catholiques. Mais qui peut mesurer la foi, vérifier
le sens, peser la confiance, évaluer l'amour ? Ces baptisés
sont-ils croyants ? Sont-ils croyants comme Dieu les attend ? Et, parmi
les non-baptisés, qui dira ceux qui entrent dans le secret de Dieu
? Parmi la foule, chacun s'inscrit dans son club, dans son école,
dans son église. Chaque groupe s'organise avec ses adhérents
et ses hérétiques, avec son administration, ses règlements
et ses cotisations. Pour être visible, l'Église catholique
entre dans le jeu et défend ses positions. Ce faisant, elle développe
ses institutions comme les autres. Elle devient association comme les
autres associations ! Religion comme les autres religions ! Elle a pu
développer dans l'histoire son esprit de conquête, de rivalité,
d'expansion. Elle a pu refuser à ses fidèles tout contact
bienveillant avec les autres. La conviction d'avoir la vérité
l'a conduit souvent à l'intolérance, ou à une simple
tolérance politique ? C'est alors que son cléricalisme est
particulièrement odieux. Pour ma part, comme chrétien,
disciple de Jésus, mon peuple est l'humanité entière.
Ma référence est un exclu crucifié. Le Fils de l'Homme,
sur la croix des esclaves, est mon Dieu. En me reconnaissant de son Royaume,
je ne me sépare de personne. Je me solidarise avec tous et chacun
: grec et juif, esclave et homme libre, homme et femme, croyant ou pas.
La croix que je porte sur moi n'est pas un signe d'appartenance à
une Église : elle est le refus de m'en tenir à une appartenance
particulière. Je m'identifie par une croix ! Je suis un "
X ", un inconnu, un n'importe qui ! Je signe d'une croix comme un
illettré sans culture. Certes, barré par ma croix, je garde
de nombreux signes d'appartenance. Je reste français en étant
chrétien. Ce serait illusion de se croire déjà dans
le Royaume de la fraternité universelle. Mais si je me débats
au milieu des clubs et des familles, des cultures et des religions, assumant
bon gré mal gré la honte de leurs crimes et la fierté
de leurs exploits, je suis disciple du Christ, le Fils de l'Homme, membre
de l'Humanité. Quand je prône la laïcité, c'est
celle-là que je vise. Et cette laïcité-là est
au coeur de ma foi ! Tout homme, fut-il mon ennemi déclaré,
demeure mon frère. Tout fils d'homme est fils de Dieu ! |
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