CORRESPONDANCE UNITARIENNE | août 2003 |
Quel langage pour l'unitarisme ? | |
Un débat
ouvert par le révérend William G. Skinford, président
de l'Association unitarienne-universaliste (Prague) •
Les unitariens-universalistes dans les colonnes du New-York Times : Dans son édition du 17 mai 2003, le prestigieux quotidien
New-York Time analyse la récente proposition du président
de la Unitarian Universalist Association (UUA), William G. Sinkford,
de réformer la Déclaration des principes et propositions
de l'Association, laquelle défini les bases éthiques qui
fondent l'unité du mouvement) afin d'y inclure "un vocabulaire
de révérence". W.G. Sinkford déplore que cette
déclaration, ainsi que d'autres documents du mouvement et le langage
utilisé dans beaucoup de congrégations et sociétés
unitariennes-universalistes, est spirituellement froid et manque d'éléments
propres au langage religieux traditionnel. Cette
proposition a provoqué une forte polémique au sein de la
dénomination unitarienne-universaliste aux Etats-Unis du fait que
sa tradition et histoire se base sur l'absence d'imposition de tout credo
ou article de foi. Beaucoup tiennent cette proposition masque le désir
d'inclure des éléments doctrinaux dans la déclaration
fondamentale de l'Associatrion, comme, principalement, la croyance en
un dieu (information recueillie sur le site internet de nos amis espagnols
"Sociedad unitaria universalista de Espana" : www.suue.org,
traduction JCB) •
L'appel du révérend G. William Skinford
(sur
le site de l'UUA) Aujourd'hui l'unitarisme-universaliste est fort et vibrant. Nous continuons de recevoir l'attention des médias, et des visiteurs viennent à nos congrégations et, en plus, y reviennent, intéressés qu'ils sont par notre foi libérale. Pouvons-nous faire de l'unitarisme-universalisme un mouvement encore plus fort en adoptant un langage qui correspondra mieux à nos recherches individuelles pour la vérité et le sens de la vie. Le révérend David Bumbaugh, pasteur de notre mouvement et "humaniste religieux", a appelé ce langage "un vocabulaire de révérence" (autres traductions possibles : de respect, de vénération). Bumbaugh a écrit : "Nous sommes sur les remparts de la raison et nous sommes prêts à défendre la citadelle de l'esprit. Mais, au cours de cette évolution (…) nous avons perdu (…) la capacité de parler de ce qui est sacré, saint, et finalement - ce qui est important pour nous - le langage qui nous permettrait d'entrer en dialogue critique avec les communautés religieuses." En conséquence, afin d'encourager
vos pensées et réflexions sur la façon dont nous
pourrions avancer le dialogue et rendre compte de nos propres
histoires de foi, nous vous faisons part de ces propos afin que
vous les preniez en considération. Nous invitons les religieux
professionnels à prêcher sur ce sujet et à nous envoyer
leurs sermons. Tout document disponible est à adresser à
Deborah
Weiner, notre directrice de la Communication
électronique (traduction JCB). On l'aura
compris, l'usage peut-être abusif de Dame Raison aurait quelque
peu desséché le langage spirituel de l'unitarisme-universalisme.
Le président de l'UUA a le mérite de poser ouvertement la
question et d'ouvrir le débat - un vrai débat qui traverse
les congrégations américaines, mais aussi les nôtres.
Celui-ci est trop important pour que je me permette, à moi seul,
de le traiter dans le cadre d'un éditorial. Je répercute
donc l'appel du révérend W.G. Skinford à tous les
membres de notre réseau : qu'en pensez-vous ? Comment répondriez-vous
? Nos prochains bulletins ouvriront leurs
colonnes à vos contributions en les citant si possible en
entier. Parle-moi Aujourd'hui,
dans les pays du Nord, nombre de croyants perdent la foi. J'ai pensé
à eux en écoutant la chanteuse canadienne I. Boulay. La
parole devenue vaine, qui n'est plus moyen de communiquer avec celui qu'on
aime ; Dieu devenu silencieux ; nos cœurs sans les émotions
d'antan ; orphelins d'une culture religieuse … Ce ne sera pas
la première fois qu'un chant profane peut se lire, aussi, à
un niveau spirituel ; le Cantique des cantiques nous a habitué à ce double langage, et
avec, déjà, les doutes de trouver l'Amant et de pouvoir
le garder. "Je ne sais plus comment te dire. Je ne trouve plus
les mots. Oh, dis-moi, regarde-moi, Oh,
dis-moi, regarde-moi, Bibliographie • SAUL John Ralston, philosophe canadien : éloge
de l'incertitude "John Saul (…) a d'abord été un
romancier relativement discret, héritier de Conrad et de Malraux.
Homme d'affaires par ailleurs, il a travaillé notamment pour une
compagnie pétrolière. Il a fait irruption sur la scène
intellectuel internationale en 1992 avec la publication des "Bâtards
de Voltaire : la dictature de la raison en Occident". Cet énorme
essai (plus de 1 000 pages) dénonce la manière dont les
élites occidentales ont manipulé le concept de pensée
rationnelle pour bâtir des sociétés à leur
botte, et qui échappent aux citoyens. Avec Vers l'équilibre,
Saul propose une alternative à cette suprématie du rationnel.
L'être humain, analyse-t-il, est doué de six qualités
essentielles : le sens commun, l'éthique, l'imagination, l'intuition,
la mémoire et la raison. Un équilibrage entre ces pôles
peut seul assurer un fonctionnement plus harmonieux des sociétés.
"Je ne suis ni un politicien ni un idéologue - insiste-t-il.
Je n'apporte pas des solutions, mais des outils de réflexion.
J'aime que les lecteurs me disent qu'ils avaient au fond toujours pensé
ce que j'avance. En leur proposant une formulation, je leur donne accès
à eux-mêmes". Au manichéisme de la pensée
rationnelle, ce philosophe canadien oppose dans son dernier essai la richesse
d'une réflexion plus complexe, subtil équilibre où
le doute et l'intuition trouvent aussi leur place." Pour
l'anecdote, notre philosophe se trouve être le mari de Mme Adrienne
Clarkson, gouverneur général du Canada. •
NADLER Steven, 2003 - Spinoza, une vie "(…) un ouvrage
qui nous vient en droite ligne de l'université américaine
de Wisconsin, à Madison, où professe son auteur, Steven
Nadler. Celui-ci a écrit la plus complète et la plus passionnante
des biographies de Spinoza. Outre qu'il permet de voir enfin l'homme concret,
de lui donner une chair, une allure qui confère à un personnage
d'encre et de papier son poids d'humanité, il excelle aussi à
le situer dans le milieu où il a vécu, d'abord dans l'Amsterdam
du XVIIème siècle, puis à La Haye, où le penseur
finira ses jours en polissant des lentilles de microscope et de télescope. Avant
tout, il faut savoir que Baruch Spinoza est issu d'une famille de Juifs
espagnols, dont les ancêtres ont fui en direction du Portugal, après
les conversions forcées auxquelles contraint la royauté.
Son grand-père, Isaac, émigrera ensuite vers les Provinces
unies et s'installe à Rotterdam. Enfin son père, Michael,
ira jusqu'à Amsterdam. Bien que sa famille se soit fixée
dans le périmètre juif de la ville, le jeune Baruch, qui
va naître en 1632, s'est rapidement forgé des idées
fort peu conformes aux croyances de sa communauté. Résultat
: à la veille de ses 24 ans, il est excommunié. Grâce à l'enquête méticuleuse
de Nadler, on peut désormais suivre l'itinéraire et la formation
de celui qui deviendra l'un des plus grands philosophes de tous les temps.
Notamment, on apprend que sa formation s'effectue en dents de scie. Dans
un premier temps, il est probable qu'il suit les cours élémentaires
de l'école Talmud Torah jusqu'à 14 ans et acquiert des notions
d'hébreu - qui lui permettront d'écrire sa propre grammaire.
Là-dessus, on perd sa trace. Peut-être son père a-t-il
besoin de lui à ses côtés, puisque les registres notariés
de l'époque signalent, en 1654, qu'il gagne sa vie comme "marchand
portugais". Toujours est-il que ce n'est pas de son jeune âge,
mais un peu plus tard, lorsqu'il est adulte, qu'il recevra l'enseignement
peu orthodoxe de l'ancien jésuite Franciscus Van de Enden.
Ce dernier avait ouvert dans sa maison qui borde le Singel, l'un des canaux
d'Amsterdam, une sorte d'école pour les enfants de bourgeois, rebelles
à la scolastique classique. Il proposait notamment l'étude
des auteurs de l'Antiquité gréco-romaine et de la Renaissance
- à propos desquels l'œuvre ultérieure de
Spinoza multipliera les références. Dès
1660, Baruch travaille à l'Ethique. Quelque temps après
son excommunication, ayant appris on ne sait comment l'art du polissage,
il s'est retiré à La Haye. Là, il regroupe autour
de lui un cercle de fidèles et de disciples zélés.
Il noue alors des relations avec Leibniz, avec l'astronome Huygens et surtout avec Jan de Witt,
l'un des dignitaires de l'opposition libérale, qui lui octroie
une pension. En 1670, il publie anonymement l'un des seuls textes qui
sera édité de son vivant : le Traité théologico-politique.
Il ne contient pas le meilleur de sa pensée, qui indéniablement
sera mis dans l'Ethique, mais déjà on peut pointer
quelques axes de sa réflexion. En particulier, une remise en cause
radicale des dogmes religieux de son temps. Dans ce texte, par exemple,
on lit qu'il n'existe aucune prophétie qui recouvre une connaissance
avérée. Ou : que la foi et la raison n'ont rien à
voir ensemble et n'ont rien de commun. Et encore : que la liberté
de pensée suppose une totale laïcité de l'Etat et que
chacun est libre dans sa tête. Bref, l'ouvrage fait scandale. Il
est immédiatement décrété dangereux, traité
d'impie et de pestilentiel, considéré "comme le
plus vil et le plus blasphématoire que le monde ait jamais vu".
Lorsque Spinoza s'éteint dans sa 45ème année,
le 21 février 1677, il laisse à la postérité
l'une des œuvres majeures de la philosophie universelle. Un manuel
du doute, élevé au rang de principe de vie, qui témoigne
de l'ouverture intellectuelle de son auteur, de sa rigueur morale et de
sa formidable indépendance à l'égard de tous les
dogmatismes." |
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