CORRESPONDANCE UNITARIENNE | Juillet 2003 |
Urgent !
des communautés de base, bon dieu ! pour ne pas laisser tomber nos lieux de culte | |
"Il est écrit
au début de l'évangile de Jean : La Parole est devenue
chair. En septembre 2002,
le mouvement Jonas (qui s'inscrit dans le réseau des Parvis) avait
lancé un appel à rédaction partant du constat suivant
: "Jonas, Parvis, des théologiens, des sociologues, etc.,
ce que vous dites est juste dans les analyses mais quelles décisions
aidez-vous à prendre ?". Avec mon "esprit unitarien", je me suis empressé
de traduire à ma façon : "et si les chrétiens
passaient à l'action sans plus attendre les directives de leur
hiérarchie ?" Vous trouverez ci-dessous la réponse
que j'avais faite alors et qui vient d'être publiée dans
un hors-série de Parvis "Des chrétiens responsables
de leur avenir". Je suis persuadé que nous pouvons faire beaucoup,
en compagnonnage avec d'autres sensibilités religieuses, pour qu'émergent
des communautés de base "chrétiennes" ou, plus
largement, "croyantes", ou encore plus largement "spirituelles".
Ne restons pas isolés dans notre coin ! Relions nous aux autres
! Mettons-nous en réseaux ! Notamment, mettons à profit tous ces lieux de culte
délaissés, toutes ces vieilles pierres saintes de plus en
plus abandonnées, pour les faire revivre, mais cette fois-ci tous
ensemble, dans un élan de prière, d'œcuménisme,
ou tout simplement pour une interrogation sur le destin spirituel de l'homme
et de la Création toute entière. Jean-Claude Barbier, chrétien
unitarien, à Jonas, Gradignan, le 24 août 2002 Le mouvement réformateur auquel vous participez est
important pour que l’Eglise toute entière soit plus vivante.
Les réformateurs catholiques préparent un Vatican III. Nous
nous impatientons tous légitimement face au conservatisme affligeant
de la Curie romaine. Vous-mêmes, “ Nous sommes aussi
l’Eglise ” et autres mouvements ont déjà
dit l’essentiel sur ces réformes qui tardent et vous avez
parfaitement raison de vouloir passer à l’action. J’ai
à dire ceci : s’il est important de passer à
l’action “ par en haut ”, il est important,
aussi, de passer à l’action “ par le bas ”. Je pense qu’il nous faut refuser le regroupement des
paroisses avec offices dominicaux tournants entre plusieurs lieux de culte.
Les paroisses actuelles sont des unités de voisinage, inscrites
dans la cité, dans une histoire et une géographie locale.
Les lieux de culte, rappelons le, appartiennent aux mairies et sont entretenus
par elles. Ils font désormais partie d’un patrimoine collectif.
C’est à nous de les faire vivre. C’est de notre responsabilité.
S’il n’y a plus assez de prêtres pour les desservir
d’une façon cléricale, eh bien c’est aux populations
concernées de s’organiser en conséquence. Qu’elles
débattent de ce qu’il convient de faire dans cette situation
nouvelle ! En appliquant les décisions cléricales de regroupement
prises au sein des “ synodes diocésains ”
qui ont été mis en place (par en haut) dans les années
90, on ne fait que retarder la prise en main par les laïcs de leurs
lieux de culte et de leur responsabilité. Le prêtre moins
présent, c’est l’excellente occasion pour que les laïcs
prennent enfin le relais, par nécessité – puisqu’il
faut parfois des contraintes pour que bouge le peuple ! L’enterrement de ma mère tombant un lundi,
il a bien fallu nous organiser avec les laïcs de la paroisse chargés
de l’accompagnement des familles en deuil. Cela c’est très
bien passé et ma famille a pris ses responsabilités. Dans
cette paroisse des environs de Nantes, c’était la première
fois qu’un office d’enterrement (sans eucharistie) se faisait
avec un officiant laïc ! Celui-ci, en toute humilité,
m’a semblé ravi de l’aubaine d’une telle promotion. Déjà, la plupart de nos paroisses disposent
de laïcs compétents qui peuvent animer des cérémonies,
assurer le suivi des familles, donner des sacrements (même si c’est
pour l’instant par procuration comme pour l’eucharistie),
etc. Par ailleurs, nos lieux de culte correspondent à des unités
de peuplement à échelle humaine. Les pratiquants se connaissent
ou peuvent se connaître, nouer des relations, s’entraider.
A eux de gérer leur communauté de base. A eux de mettre
leurs compétences au service des autres. Dans la logique de l’Evangile,
reconnaissons tout simplement les charismes qui existent et facilitons
leur expression au sein de nos communautés. Ils préexistaient
en tout cas, au sein de l’Eglise primitive, aux ordinations ecclésiales
de toute sorte. Les prêtres connaissent bien leurs ouailles :
il est important qu’ils reçoivent le feu vert pour aller
solliciter les uns et les autres pour de “ vrais ”
responsabilités. Je suis sûr que de nombreux chrétiens
répondront présents. Ensuite, les prêtres pourront
passer pour encourager les communautés de base sans surcharge de
travail, à leur rythme. Théologiquement, que je sache, la
présence d’un prêtre n’est pas obligatoire pour
un baptême, un mariage ou un enterrement – et nombre de chrétiens
pensent aussi qu’il n’est pas obligatoire pour la célébration
de la Cène. Mais en s’en tenant aux trois premiers sacrements
cités, cela allègerait déjà considérablement
le travail de nos prêtres. Les familles qui veulent des cérémonies
n’ont qu’à les organiser elles-mêmes. Elles savent
d’ailleurs parfaitement le faire chez elles. A l’église,
pourquoi auraient-elles besoin d’un prêtre comme faiseur de
cérémonies, distributeur de sacré, garant du bon
ordre ? Les chrétiens du Tiers-monde sont bien souvent obligés
de s’organiser eux-mêmes. Le passage d’un prêtre
est toujours une fête, un événement, mais non la quotidienneté.
A son passage, il est choyé, bien nourri, bien logé, adulé
… Le maintien des communautés de base est également
l’occasion d’ouvrir celles-ci à l’œcuménisme.
Si les catholiques d’un village ou d’un quartier ne se sentent
plus assez nombreux, eh bien n’est-ce pas là l’occasion
de s’ouvrir aux autres chrétiens, de prier ensemble, de fêter
conjointement le ou les calendriers liturgiques, de catéchiser
en commun leurs progénitures, de s’échanger les prédicateurs,
etc. Et puis, dans de plus en plus de villages, des péri urbanisés
viennent s’ajouter aux villageois, comme autant de nouvelles ressources
pouvant régénérer nos paroisses. L’obstacle
majeur est celui de l’inter communion, la hiérarchie catholique
refusant pour l’instant la célébration de l’eucharistie
avec des non catholiques. Qu’à cela ne tienne, de telles
célébrations peuvent se faire dans les maisons, à
l’initiative personnelle de laïcs, sous la forme de “ repas
chrétiens ” comme dans l’Eglise primitive - mais
en l’absence de prêtres catholiques afin que ceux-ci ne se
fassent pas “ crosser ” par leur hiérarchie
(mais il peut y avoir des pasteurs, des prêtres d’Eglises
indépendantes, etc.). Au Bénin, où je travaille périodiquement,
j’ai eu l’occasion d’organiser de tels repas comportant
une imitation des gestes cultuels du Christ : le lavement des pieds,
le repas pascal juif et la Cène du jeudi saint, le repas dominical
des premiers chrétiens avec la fraction du pain, etc. Pour la Cène,
il suffit de lire les paroles de l’Evangile pour ne pas heurter
les traditions religieuses des uns et des autres : que chacun prenne le
corps et le sang de Jésus selon ses propres convictions, selon
son rapport personnel et intime à Jésus. Si un ordonné est présent, il sera bien sûr
sollicité ; la communauté ne manquera pas de reconnaître
son rôle et de lui confier spontanément certains gestes sacrés
– bien que ceux-ci peuvent tout aussi être faits par des laïcs.
La liberté religieuse qui préside à ces agapes chrétiennes
fait que des non pratiquants, voir des agnostiques peuvent être
invités – et découvrir ainsi que le Christ est réellement
vivant au sein de nos communautés, que le christianisme n’est
pas un encadrement idéologique mais d’abord la liberté
de l’Exode, des enfants de Dieu … Et si les chrétiens de toute confession ne sont plus
assez nombreux pour faire vivre les vieilles pierres de leur lieu de culte,
eh bien qu’ils apprennent à partager ces lieux avec d’autres
croyants d’autres religions : des juifs, des musulmans, des
bouddhistes, des bahaïs, etc. Peut-être que d’autres
seront plus doués, plus assidus, plus convaincus pour louer Dieu !
Tant pis pour nos catholiques endormis s’ils ne sont pas dignes
des lieux de culte que la République française leur a confiés
(après, c’est vrai, leur avoir confisqué !).
Le principal n’est-il pas que Dieu le créateur soit loué ?
N’abandons pas nos églises ! Sinon, ayons la franchise
de les rendre aux mairies pour d’autres usages. Parallèlement à ces communautés “ paroissiales ”,
liées à des lieux de culte de proximité – que
nous devons maintenir et régénérer – il existe
maintenant une pléiade de groupes de chrétiens “ libres ”,
auxquels le réseau des Parvis propose une mise en relation. Au
niveau de ces groupes les innovations peuvent être plus rapidement
introduites puisque la plupart s’organise selon un mode congrégationaliste
et décide de sa propre organisation et de son fonctionnement. La
mise en réseau de ces groupes est toutefois très importante
de façon que ceux-ci vivent à la fois une communauté
fraternelle selon leurs propres convictions, mais aussi savent accepter
d’autres communautés pouvant être organisées
différemment et mettant en avant d’autres sensibilités
religieuses, voir d’autres croyances. Le christianisme arc-en-ciel,
porteur de toutes les couleurs de l’humanité ; un christianisme
enfin inculturé où chacun peut y puiser inspiration et expression. Ces deux types de communauté chrétienne doivent
pouvoir se rencontrer lors de grands regroupements – dont des manifestations
à caractère festif. Les hiérarchies ecclésiales
des diverses Eglises chrétiennes ont ici un rôle important
à jouer lors de ces rencontres qui affirment l’existence
du peuple de Dieu. Les communautés conviviales dont nous venons
de parler sont comme des familles – familles de voisinage, familles
d’esprit. Elles ont à s’inscrire dans l’Eglise
avec un grand E. Elles le feront d’autant plus volontiers qu’elles
vivent déjà le christianisme à leur façon
et n’attendent pas tout de la hiérarchie ! C’est de la liberté et de la diversité
dont nous avons besoin, et non d’un même moule – même
s’il est très bien pensé, il le restera pensé
par certains (technocrates) pour les autres. Au nom de la pastorale, “ pour
ne pas heurter les fidèles ”, la hiérarchie conservatrice
amoindrira d’ailleurs très vite les changements, les vidant
de leur contenu dynamique, comme elle a su si bien le faire après
Vatican II. Les changements “ par le bas ” feront
mieux leur chemin, sans clivage entre conservateurs et progressistes,
chacun étant libre de fréquenter la communauté de
son style. Laissons les gens exprimer leur foi en Dieu et leur adhérence
à l’enseignement et à la personne de Iéshoua
le Nazaréen, à leur façon, selon leur langage, leur
culture, leurs traditions religieuses (même si certains estiment
celles-ci parfois obsolètes – qu’importe ! c’est
la foi qui compte et non le style). Demandons leur seulement de se prendre
en charge et de se coordonner d’une façon positive avec les
aux autres communautés religieuses, catholiques, chrétiennes
et autres croyants. Je milite pour un christianisme décentralisé, appliquant le principe de subsidiarité, coordonné au sein de patriarcats (dont celui d’Occident) à la mode orthodoxe et de fédérations à la mode protestante, engagé dans l’unité mais non l’uniformité, international mais non mondialisé, respectueux des cultures et des traditions religieuses de tout horizon dès lors qu’elles respectent l’humain et soient tolérantes. Je milite pour un christianisme de proximité, nourri de convivialité et de charité, à l’imitation de ce que fut le Jésus historique auquel nous nous référons. Il nous faut sortir du moule clérical actuel, qui a tant sclérosé les laïcs occidentaux, pour retrouver une liberté d’action nécessaire. En Afrique noire où je travaille en qualité de sociologue, je constate que les laïcs africains sont bien en avance sur nous, notamment au sein des Eglises indépendantes (les Eglises séparées des missions, les Eglises prophétiques ou de réveil, etc.). Des laïcs fondateurs de nouvelles paroisses, animateurs de leur communauté, parfois statutairement président ou vice-président de leur Eglise, etc. Que Jésus nous unisse et que nos prêtres ne nous divisent point ! Jean-Claude Barbier |
|
|