CORRESPONDANCE UNITARIENNE | juin 2003 |
La communion
chrétienne est-elle un repas sectaire ? |
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"La Cène,
un symbole dont ils font une superstition. Et demain, je vais m'y présenter
… moi, l'incrédule, moi, contestant le titre de chrétienne,
moi qui confonds leur Bible avec le Koran, les Védas, l'Avesta
et bien d'autres, moi qui dissèque l'Evangile, ris de leur théologie,
hais leurs dogmes cruels, moi qui refuse de plier le genou devant cet
homme de Galilée qu'ils ont divinisé. Je profite de ce bel élan d'Alexandra David-Neel vers Ièshoua pour interroger nos cènes ou eucharisties. Disons d'abord que les chrétiens n'ont pas le monopole de la communion. Souvent en situation d'anthropologue, combien de fois n'ai-je pas pratiqué la communion dans un contexte coutumier autour de l'ancêtre protecteur d'une famille, d'une divinité qui avait été appelée à la rescousse de nos malheurs humains, voir même d'un génie animateur d'une association secrète, qui donne la force aux membres de celle-ci. En aucun cas, on ne m'a demandé d'affirmer un credo, de dire ma foi, d'être à jeun, de confesser au préalable mes péchés, de me convertir, de me mettre en position d'adorant. Nous étions tous là, réunis par un rite simple et fraternel, faisant circuler entre nos mains l'alcool fort ou encore le poivre du Guinée ou autre chose piquante. L'ambiance était conviviale et n'avait rien à voir avec les états d'âme et les convictions individuelles et légitimes des uns et des autres. J'ai aimé ces moments là qui réunissent les hommes. Et nous, qu'avons nous fait de Ièshoua qui nous a
proposé son corps et son sang comme rite communiel fondateur de
son Eglise ? Paul a commencé par dire qu'il ne fallait pas se comporter
comme des gloutons et qu'il valait mieux se rassasier l'estomac avant
de venir au repas du Seigneur. Egalement avec raison, il nous a rappelé
que cette fraternité rituelle ne doit pas être hypocrite
mais réelle et qu'elle suppose préalablement une fraternité
humaine : vas d'abord te réconcilier avec ton frère …Et
puis, l'Eglise en a rajouté. Il nous fallut avoir l'âge de
raison, supposée commencer seulement à 7 ans, jeûner
au préalable, passer à la confession auriculaire auprès
d'un prêtre, suivre un catéchisme, etc. … et tout cela
pour n'avoir droit, chez les catholiques, qu'à une sorte de petite
galette diaphane appelée hostie, réplique d'une plus grande
présentée en adoration lors de séances dites du Saint
Sacrement. Mieux, avant Vatican II, on devait tirer la langue afin de
ne pas tripoter de nos mains sales la dite hostie toute immaculée.
Point de vin pour les fidèles, car il est réservé
au prêtres ! Quelle absence de repas ! Chez les protestants, on
est guère mieux servi. Peu d'abondance, le strict minimum, une
petite bouchée de pain, une petit rasade de vin, et c'est tout
- et encore pas à tous les offices : une fois par mois dans le
meilleur des cas. Ce sont les orthodoxes qui sont finalement les plus
généreux : une bouchée de pain trempée dans
du vin, et à la fin de la célébration, une distribution
de pain (plutôt de gâteau) béni. On nous dit depuis Vatican II qu'il s'agit bien d'un repas.
Mais où sont nos assiettes, ou sont nos verres ? Et les tables
que servaient les diacres d'antan ? Par contre, si la nourriture est chiche,
nous sommes abreuvés de discours théologiques pléthoriques.
Paul ayant dit que c'était aussi un sacrifice à Dieu en
réparation de nos péchés, l'Eglise s'empressa de
reproduire ce sacrifice sur un autel, avec des prêtres qui officiaient
le dos au peuple. Les théologiens, qui ne sont point de vulgaires
paysans (producteurs de ce pain et de ce vin), mais qui ont fait des études
dites supérieures, se demandèrent doctement comment l'instigateur
de ce rite se trouvait apparemment, substantiellement, réellement,
chimiquement, physiquement, symboliquement, en mémoire de, etc.
…, dans le pain et le vin. Tout le monde s'y mit : Thomas d'Aquin,
Luther, Calvin, et bien d'autres. Pourtant les choses me semblent simples.
Quand on perd un être qui nous est cher, il reste pour nous fortement
présent par les souvenirs qu'il nous laisse, ses objets personnels
ou utilitaires, les arbres qu'il a plantés, les paysages qu'il
a contemplés, l'intonation de sa voix, la chaleur de ses mains,
ses écrits, les récits de ses amis - et s'il était
artiste - quelle joie de découvrir ses oeuvres ! Est-ce si compliqué
à comprendre ? Je ne pense pas qu'on ai besoin d'une théologie
bavarde en ce domaine. Le repas fraternel institué par Ièshoua perpétue
sa présence parmi nous. Nous refaisons ses gestes, nous redisons
ses paroles puisées dans les Evangiles, nous sentons sa présence.
Que voulons nous de plus ? Et s'il y a des enfants puisque les repas se
font pour la plupart dans un contexte familial, pourquoi leurs dirions
nous d'aller se coucher alors que c'est la fête ? Et s'il y a avec
nous des voisins qui n'ont pas la foi, pourquoi allions nous nous excuser
et leur demander de se retirer ? Que chacun mange ce repas rituel avec
ses propres convictions. En aucun cas, ce repas ne doit être sectaire
comme l'étaient les repas juifs entourés d'interdits alimentaires.
Au nom de Ièshoua, il se doit d'être universel, ouvert à
tous, sans à priori. Pour les uns ce sera un simple moment de fraternité
(et ce sera déjà beaucoup), pour d'autres, cette fraternité
sera due à l'enseignement de Ièshoua,
pour d'autres enfin, Ièshoua sera là, présent
à sa façon (de grâce, laissons-lui cette possibilité
!). Les chrétiens trinitaires le glorifieront en leur cœur
et lui rendront culte. Que chacun parle alors selon le langage religieux
qu'il a appris et les sentiments qu'il éprouve réellement. J'ai eu le bonheur d'organiser de
tels repas à Porto-Novo, au Sud-Bénin, où je vécus
avec ma famille durant 4 ans, en réunissant des amis de diverses
confessions ou sans confession. Des non croyants y ont participé.
Je sais que Ièshoua, sur son nom, est capable de nous réunir
tous si nous n'y mettons pas nos barrières d'intellectuels. Il
y avait du vrai poisson, du vrai pain, du vrai vin (et du jus de raisin
pour ceux qui ne prennent pas de boisson alcoolisée) et, lorsque
ce fut le jeudi saint, de l'agneau grillé, des herbes amères
et du pain azyme, et nous nous sommes tenus debout, la taille ceinte d'une
corde végétale, prêts au départ selon le beau
texte de l'Exode. |
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