CORRESPONDANCE UNITARIENNE    mars 2006

Écoute, Israël

Actualités
unitariennes


n° 53

« L’Eternel, du haut des cieux, regarde les fils de l’homme,
Pour voir s’il y a quelqu’un qui soit intelligent,
Qui cherche Dieu » (Psaumes 14:2).

Écoute, Israël
par Bernard Biro,
chrétien unitarien, chargé au sein de l’AFCU des relations
avec le Réseau européen des protestants libéraux (ELPN)

Yeshoua bèn Iosseph, connu sous le nom de Jésus, enseignait la Torah dans les synagogues (Mt 13 :54 ; Mc 1 : 21 ; Mt 21 : 23 ou Mc 11 :27 ou Lc 20 :1 ; Lc 13 : 10 ; Lc 21 : 37 ; Jn 7:14 ; Jn 8:2), tous les jours (Lc 19 : 47), y compris aux docteurs de la Loi (Lc 5 : 17). La connaissance de Yeshoua pouvait être mise à l’épreuve par les spécialistes des textes sacrés (Mt 22 : 34 ; Lc10 : 25), il était glorifié par tous (Lc 4 : 15). A supposer que nous ne nous fondions que sur le raisonnement, nous pouvons admettre la validité de la parole d’un tel enseignant lorsqu’il synthétise audacieusement tous les commandements de Dieu à la seule sentence : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, et de toute ta pensée » (Mt 22 : 34). Quel est donc ce Dieu ?

Yeshoua bèn Iosseph n’annonce pas d’autre Dieu que celui de Moshè (Moïse). A contrario, il ne pouvait tenir d’autre enseignement dans les synagogues. Les évangiles montrent que Yeshoua prend du champ avec la collectivité cultuelle juive jusqu’à entrer en hérésie et le payer de sa vie. Il n’est pas sans pertinence de soutenir que Yeshoua ait, à une certaine heure, rejeté la pratique cultuelle des juifs (cf. commentaires de l’ouvrage de Marcel Légaut « Méditation d'un chrétien » dans « Quelques nouvelles » n° 185, Janvier 2006) . Pour autant, les versets précités montrent que Yeshoua poursuit quotidiennement ses enseignements dans les synagogues après son retour du désert (Mt 4 : 1 et suiv.). Par ailleurs, il évolue dans la culture juive qui est sienne (« Chema Israël … » « Ecoute Israël… » cf. Mc 12 :29). A cet égard, il est distrayant de constater qu’il répond, dans la grande tradition dialectique juive (appelée « pilpoul »), à une question par une autre question : « Je vous poserai moi aussi une seule question, et si vous m’y répondez je vous dirai […] » (Mt 21 : 23-24) . Yeshoua ne nous invite pas à rechercher d’autre Dieu que celui des patriarches. Il remonte à sa source en partant de la Galilée pour rejoindre au Jourdain (Mt 3 :13) celui qu’annonçait le prophète Isaïe (Mt 3 : 3).

La première caractéristique de ce Dieu est d’être unique. Unique et non démembrable. Le premier texte annonçant le récit évangélique apparaît en l’an 150 et est attribué à Marc. Il a été écrit vers 60-70, au moment où les légions romaines détruisirent le Temple de Jérusalem. S’inspireront de ce texte les récits de Matthieu (en 80 ?), puis celui de Luc (en 90 ?). Celui de Jean est le plus tardif, il aurait été écrit en 100-110 ( ?). Trois des évangélistes, Matthieu, Luc et Marc exposent l’épisode au cours duquel un scribe interroge Yeschoua à propos du premier des commandements (Mt 22 : 34-40 ; Lc 10 : 25-28 ; Marc 12 : 28-34). Seul, celui attribué à Marc, qui a inspiré les deux autres, introduit la notion d’unicité de Dieu (Mc 12 : 28 à 34). À la question du scribe, Yeshoua répond : « Voici le commandement le plus important : Ecoute, Israël, l’Eternel est notre Dieu, il est le seul Dieu » (Mc 12 :29) . Observons que la réponse est exprimée dans les termes mêmes du deutéronome (« Chema Israël Adonaï elohenou, Adonaï ehad» au Dt 6 : 4 qui peut se traduire par : « Ecoute, Israël, l’Eternel est notre Dieu, l’Eternel est Un »). « Maître, lui dit le spécialiste de la Loi, tu as dit vrai : il n’y a qu’un seul Dieu (1) , il n’y en a pas d’autre que lui (2) » (Mc 12 : 32).

Nous avons ici la première validation par un expert de l’écriture sacrée de l’unicité de Dieu, telle qu’elle ressort des textes mosaïques. De manière quelque peu juridique, elle se fonde successivement, d’abord sur Dt 6 : 4 (précité), puis sur Dt 4 : 35 (« l’Eternel est Dieu, il n’y en a point d’autre »). Une deuxième validation provient avec autorité du rabbi Yeshoua bèn Iosseph qui considère que l’intelligence de cette réponse approche son auteur du royaume de Dieu (Mc 12 : 34). Ceci laisse sans voix les contemporains du maître (Mc 12 : 34).

Les évangiles montrent que Yeschoua pouvait réagir avec une très grande sévérité. S’il n’avait pas approuvée pleinement et sans réserve cette interprétation, que n’aurait-il fustigé ! L’unicité de Dieu telle qu’exprimée dans Dt 6 : 4 est une mitsva (un commandement de Dieu) dans l’enseignement juif : « Le saint béni soi-Il, Créateur de toutes choses, Maître du monde, est Un, sans partage, sans associé […] ne pas reconnaître cette vérité essentielle, c’est nier le principe même de l’existence de Dieu […] c’est porter atteinte à la perfection de Dieu, à son autorité, que d’admettre qu’il existe un pouvoir à côté de Lui ! » (Le livre des 613 commandements. Traduction du Sefer Ha’Hinou’h « Les bases de l’éducation juive » par Robert Samuel, Ed CLKH, mitsva n° 416). Force est de constater que le disciple de Jésus se doit de reconnaître le Dieu des patriarches, le Dieu unique de Moshè tel que l’ont enseigné les juifs, tel que l’a enseigné le rabbi Yeschoua.

Pour un peu de temps, les disciples de Jésus-Yeschoua n’interrogeront pas ce fondement de la foi. Cette brève période n’a duré que jusqu’à l’été 325, date à laquelle les raisons d’un empereur ont brouillé le discernement de générations de disciples. En effet, du 20 mai au 25 juillet 325, se réunit à Nicée sur l'initiative de l'empereur romain Constantin le premier concile dit oecuménique ou universel, c'est à dire ouvert aux patriarches ou évêques d'Antioche, de Jérusalem, d'Alexandrie et de Constantinople, ainsi qu'aux évêques du monde entier. Le concile de Nicée est convoqué par Constantin pour des raisons éminemment politiques, voire géostratégiques, afin de mettre fin aux troubles que pourraient engendrer les divisions au sein de l'Eglise d'Orient. Celle-ci est en effet déchirée, en Egypte surtout, à cause de l'arianisme, doctrine propagée par un prêtre d'Alexandrie, Arius. L’empereur, dont l’histoire dit qu’il (ne) s’est converti (que) sur son lit de mort, à moins que ses conseillers n’aient construit de toute pièce cet avatar, n’est guère préoccupé des méandres théologiques sur lesquels s’écharpent les religieux. A l'issue des débats, les thèses d'Arius sont condamnées. Mais la notion de débat, à cette époque de l’histoire humaine, n’a guère le sens qu’on lui connaît au XXIème siècle. Quiconque s’oppose à l’empereur est dépossédé de tout ce qu’il peut avoir et est exilé aux marches de l’Empire, c’est-à-dire bien souvent remis aux mains de ses ennemis.

C’est dans ce contexte que, sommés par l’empereur d’en finir avec leurs tergiversations théologiques, nos prédécesseurs ont été saisis de la « révélation » de l'unité et la consubstantialité des trois personnes de la sainte Trinité : Père, Fils et Saint-Esprit. A partir de ce jour de juillet 325, Dieu n’était donc plus ce que l’on en avait dit jusqu’alors… L’affaire, on ne le sait que trop, a fait des victimes en grand nombre. Forts de leur orthodoxie, autorités religieuses et politiques ont concurrencé dans l’horreur la crucifixion de Yeschoua.

L’apôtre Paul écrit notamment : « La colère de Dieu se révèle du ciel contre […] toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive » (Rm 1 :18). Marc Rey commente ainsi le propos de Paul précité : « Le danger encore aujourd’hui est « de changer la vérité concernant Dieu contre le mensonge » (Rm 1 : 25), en nous représentant Dieu selon notre mesure, notre logique, notre pensée, nos traditions… Adorons Dieu en Esprit et en vérité, tel qu’il s’est révélé à nous. Cherchons à le connaître tout à nouveau, en restant sensibles aux multiples moyens qu’il met en œuvre pour se manifester à nous » (Marc Rey, Ligue pour la lecture de la bible, commentaire du verset Ro 1 :18-32 du mercredi 4 janvier 2006). Pour celui qui lit ces lignes, la vérité n’est désormais plus captive : Écoute, Israël, l’Eternel est notre Dieu, l’Eternel est UN ! Chema Israël Adonaï elohenou, Adonaï ehad !
(1) Dt 6.4. (2) Dt 4.35 ; Es 45.2.

Dans le cadre de la rencontre annuelle organisée à Paris par l’Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU), vous êtes invités à apporter des fleurs pour le culte qui aura lieu le dimanche 5 mars à 9 heures (et qui comportera la cérémonie unitarienne de l’échange des fleurs avant le partage de la parole, du pain et du vin). Ces fleurs seront ensuite déposées au pied de la statue de Michel Servet en face de la Mairie du XIVème arrondissement en présence d’un représentant du Maire de cet arrondissement, à 17 heures de l’après-midi (informations : jp.babin@wanadoo.fr). Venez nombreux, venez fleuris ! Les cultes que nous organisons sont des lieux d’expression.