CORRESPONDANCE UNITARIENNE    septembre 2004

La foi en Jésus d'une "simple chrétienne"

Actualités
unitariennes


n° 35

“ Les forces religieuses, les courants, les traits de mentalité ne cessent de se métamorphoser,
évoluent selon des schémas qui ne sont pas toujours prévisibles.
(L’Eglise) laissera sans doute une plus grande place à l’individu
et il lui faudra trouver des formes, des stratégies pastorales adaptées
pour rejoindre les consciences de demain.
Les arguments d’autorité ne seront plus utilisables comme autrefois ”
René Rémond, historien, “ Le christianisme en accusation ”. Paris : Desclée de Brouwer

La foi en Jésus d'une "simple chrétienne"
dont la grand-mère maternelle vivait en Transylvanie
par Liliane Debaisieux-de Châtel
,
membre du groupe "La Libre Pensée Chrétienne" (LPC) de Bruxelles
et de l'Association culturelle Marcel Légaut

À Bruxelles, Liliane Debaisieux - de Châtel fait partie du groupe “ Libre pensée chrétienne ” qui se réunit une fois par mois autour d’André Verheyen, prêtre catholique. La plupart des membres de ce groupe sont d’anciens paroissiens de ce prêtre qui partagent son approche non dogmatique de la religion. Seule de son groupe, L. Debaisieux sait ce qu’“ unitariens ” veut dire, car sa grand-mère maternelle est hongroise, du village de Csiksomlyo, dans le comitat de Csik. Ce comitat, avec la Transylvanie entière, a basculé dans l’Etat roumain au lendemain de la paix de Trianon en 1920. Csiksomlyo est ainsi devenu Sumuleu-Ciuk. De cette ascendance, l’intéressée ne voit pas comment elle pourrait rassembler quelque chose d’intéressant. Elle sait toutefois que le village en question est “ un très célèbre lieu de pèlerinage annuel, archi catholique, où de grandes foules se rassemblent chaque été ”. Csiksomlyo est célèbre pour sa chapelle qui fut dotée, lors de la Contre-Réforme, d’un plafond à caissons de style baroque par un peintre franciscain d’origine italienne.

Non seulement L. Debaisieux se souvient du village de sa grand-mère maternelle, mais elle a un petit livre en langue magyar sur Ferenc David, le fondateur de l’Eglise de Transylvanie “ d’un commun accord ”, devenue, à partir de 1600, l’Eglise unitarienne de Transylvanie que l’on connaît aujourd’hui. A la fin, un bref résumé en anglais. Mais c’est la partie hongroise qu’elle a annotée “ selon mon habitude ”, puisqu’elle sait lire cette langue. “ Je me sens en accord profond avec tout ce qui y est dit, à commencer par l’anti trinitarisme et les dogmes en général, qui sont des élaborations du IVème siècle, où Constantin a voulu fixer les choses, dans un but politico-religieux. Même si je trouve chez David, ajoute-t-elle, des tendances, à mon point de vue, un peu trop rationalistes… ”.

Fabrice Tyrakowski, fraîchement promu responsable des relations extérieures de l’Association unitarienne francophone, avait, au début de 2001, publié une annonce dans la revue “ Actualités des religions ”, sollicitant des volontaires pour fonder une fraternité sur Paris. L. Debaisieux avait alors répondu … et son nom s’était ainsi retrouvée dans l’un des bulletins de l’association. Agée et ne disposant plus d’une santé suffisante, elle ne peut pas s’engager, mais elle nous encourage : “ Je trouve que l’unitarisme a une vocation de grande actualité ; il aurait tout pour plaire actuellement. Il devrait se manifester avec enthousiasme ! ”… et de nous demander : “ Est-il représenté en Belgique ? ”

L. Debaisieux a écrit sa foi en Jésus. Elle a eu l’occasion de publier deux articles dans Evangile et Liberté : “ Premier-Né d’une multitude de frères ” (janvier 1990, pp. I-IV) et “ Vous serez les Fils du Très-Haut ” (mai 1994, pp. V-VIII). Elle nous a fait parvenir deux textes : “ Foi et évolution, vision d’une simple chrétienne ”, écrit le 31 décembre 1985, et “ Et vous, que dites-vous que je suis ? ”, plus récent, daté du 1er novembre 1999. Nous en publions ici des extraits :

“ De nombreux textes des Hébreux révèlent le saisissant pressentiment que leur peuple allait engendrer celui qui portera l’humain à son accomplissement. Ieschoua de Nazareth, fils campagnard de ce peuple, pétri de la géniale intuition de celui-ci, a été perçu par ses adeptes comme réalisant en sa personne cette plénitude. Pour eux, tout ce qui jusqu’à lui était parole s’est, en lui, fait chair vivante, parole effective. En lui, l’humain coïncide avec le bien absolu transcendant qui est sa “ vocation ”. Dans sa vie et dans sa mort, il a accompli la plénitude de la beauté, jusque par-delà la mort, acceptée dans la beauté morale pardonnante, non violente, dans la foi totale que “ Dieu est Vie et Amour ”, que Vie et Amour ne font qu’un.

Résolument perçu comme vivant après sa mort, nous pouvons à présent considérer, avec l’outil de la pensée moderne, que ce Jésus a accompli en sa personne l’ultime mutation du vivant, l’ultime libération, celle qui libère de la mort et fait naître, par l’adhésion vitale à sa personne, à un type d’existence radicalement nouveau, régi par l’unique “ loi du plus aimant ” ; qu’il brise les limites de l’histoire et de la mort ; qu’il est “ le premier-né d’une création nouvelle ”, hors des coordonnées de notre vie sur terre ; qu’il est “ le terme de l’évolution ” (Theilard de Chardin).

C’est chaque personne qui, depuis Jésus, est appelée à se conformer à lui, mue par l’énergie spirituelle de Vie (l’Esprit) qui agit. En Jésus, il y a passage du “ peuple ” (loi) à la “ personne ” (amour). Il est l’avènement de la personne et des relations interpersonnelles. Les relations très fortes qui se nouent autour de lui et par lui sont d’un type et d’un niveau jamais atteints, dans la transparence, la vérité et la liberté des êtres. La beauté relationnelle qui émerge autour de lui est à l’image de la beauté absolue nommée Dieu, vécue comme source de toute relation d’amour. L’homme moderne peut dire que, au-delà de l’énergie du soleil qui fait naître et se développer la vie sur Terre, l’avènement de la personne au terme de l’évolution a surgi par l’action de la force d’amour personnelle que Jésus nomme son Père […]

… en Jésus tout est dit, tout est accompli. En recevant sa parole - pain de vie -, nous intériorisons son être d’amour ; nous participons à sa “ mutation ” ; nous nous y incorporons ; nous orientons notre vie dans la seule direction où elle demeure : l’amour. Cela irradie le monde, où que l’on soit ” (1985).

“ En Jésus et par Jésus se trouve consacrée la personne humaine, toute personne humaine sans exclusion. Chacun est appelé par lui à la “ naissance d’en haut ” ; cette naissance à soi qui transcende le biologique et engage à choisir librement le Bien. Les Evangiles, dans leur diversité, ont mis en route la réflexion des humains sur l’identité de Jésus et, par là, sur leur propre identité. […] Paradoxalement, c’est l ‘élaboration des dogmes qui a conduit à la nouveauté radicale et inépuisable du concept de la personne. Ce concept, censé expliquer Dieu, a agi comme ferment libérateur. L’homme, “ créé à l’image de Dieu ”, se trouvait profondément concerné par ce concept, lequel a conduit notre humanité du 20ème siècle à affirmer le caractère absolu et unique de chaque personne humaine ” (1999).

Et en ajout, l’auteur précise : “ En rencontrant tout un chacun dans sa singularité, sans exclusion, Jésus a ouvert la voie à la reconnaissance universelle de la dignité de chaque personne humaine ; vaste chantier encore bien inachevé… ”

“ Nous éprouvons le Christ ressuscité à l’intérieur de nous-même.
Croire en lui, c’est vouloir lui ressembler en ce qu’il a été ici-bas ;
c’est souhaiter d’être inspiré par lui pour l’accomplissement de la justice et le triomphe de l’amour ”
Michel Servet, texte communiqué par Robert Bordin à La Lettre des Amis, mars 2004 p. 9