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 Dialogue


    Jacques Chopineau

 

- Rappel de quelques évidences

- Les islams

- La « guerre sainte »

- Pour une nouvelle Andalousie

 

   


Islam inconnu, méconnu

 

 

Rappel de quelques évidences

Toute une part de notre société a des origines « étrangères » plus ou moins lointaines.
La nouveauté cependant est la masse encore sentie comme « étrangère » d’une population issue, en grande partie, de régions du sud de la méditerranée. Le phénomène est récent, mais à la nouveauté s’ajoute l’étrangeté : cette population n’a pas le même héritage fait de références à l’esprit gréco-latin, aux sources chrétiennes, à la Renaissance, aux Lumières, aux sciences modernes, à la rationalité occidentale…

Bien entendu, une histoire différente n’est pas moins digne que la nôtre. En son temps, d’ailleurs, la civilisation musulmane a connu ses heures de gloire. L’Andalousie en témoigne. Cet âge d’or a été un sommet d’une civilisation tolérante où musulmans, juifs et chrétiens vivaient côte à côte. Les exclusions sont venues plus tard, avec la « reconquête ».

Pour l’heure, les origines de ces nouveaux concitoyens ne sont pas chrétiennes, certes. Mais il ne s’agit pourtant pas, aujourd’hui, d’une question proprement religieuse. Une religion n’est d’ailleurs ni une simple doctrine, ni une détermination culturelle unique. Ce n’est pas d’abord une manière de penser, mais une manière d’être.

Mais de même que l’on n’est pas chrétien parce qu’on est « d’origine chrétienne », de même, ne sont pas musulmans tous ceux qui sont « d’origine musulmane ». Une religion doit être longuement apprise, et les usages traditionnels ne sont qu’un support certes précieux mais, en quelque sorte, indicatif. C’est le support d’une sensibilité religieuse particulière, mais non –de soi- une détermination. L’indication d’un chemin, non le chemin lui-même.

Les origines culturelles ne sont pas davantage déterminantes. Ces enfants, même s’ils connaissent la langue de leurs parents, sont cependant scolarisés dans la langue du pays d’accueil. Concrètement, la langue arabe (et la vaste culture qu’elle véhicule) n’est guère connue. La richesse et la complexité de cette langue rendraient d’ailleurs nécessaire un long apprentissage à celui qui voudrait dépasser le niveau de la langue dialectale.

Dès lors, il ne reste plus que le nom et le prénom (ainsi, éventuellement, que l’apparence) pour fonder une discrimination. C’est ainsi que des européens sont l’objet de discriminations de toutes sortes, par le simple fait qu’ils perçus comme étant d’une origine « étrangère ». C’est là une anomalie que les générations qui viennent devront impérativement dépasser.

Les islams  

Par simplification (les médias aiment les simplifications rapides, les fameux
« à peu près » journalistiques plutôt que les explications, lesquelles prennent du temps), on dit : le catholicisme, le protestantisme, le bouddhisme, etc…
En réalité, il est des catholicismes, des protestantismes, des bouddhismes, etc.

L’islam n’est pas moins divers. Il y a loin d’un strict « salafisme » (souvent intégriste) à l’Islam pacifique de la grande majorité des musulmans européens. Un retour aux « pieux ancêtres » ou aux « vénérables anciens » des toutes premières générations de l’Islam (tel est le sens de l’expression
« salaf us-SâliHîna») est un rêve séoudien –si du moins l’on s’en tient au wahabisme- mais ce rigorisme est aujourd’hui répandu non seulement en Algérie, mais aussi dans nos banlieues.

Une telle « lecture » religieuse se situe donc dans la mouvance d’une lecture rigoriste des origines de l’Islam (à l’exclusion de toute innovation). Le phénomène n’est pas nouveau dans l’histoire de l’Islam, mais référence est faite habituellement à ‘Abd-el-Wahhab, dont les partisans, d’ailleurs, ne se nomment pas « wahabites » (nom d’un homme), mais « salafistes » (nom d’un retour aux origines).

Fait remarquable, ce ‘Abd-el-wahhab est un contemporain des Lumières et de la révolution française. Il est difficile d’imaginer une opposition plus absolue ! Les fils des Lumières contre les descendants du très conservateur séoudien !

Nos écoles, cependant, tentent d’inculquer quelque chose de l’esprit des Lumières à des jeunes en mal d’intégration et à la recherche d’une identité. Evidemment, ce n’est pas simple. D’autant que ces jeunes sont souvent en échec scolaire et connaissent le chômage, le mauvais logement, les discriminations à l’embauche… Bref, ils connaissent souvent une situation difficile et précaire ce qui met souvent hors de leur portée, aujourd’hui, une intégration réussie.

Dans ce contexte d’intégration mal vécue, le communautarisme répond à un besoin d’identité. On peut comprendre que les jeunes des banlieues ne soient pas attirés par l’image d’un Islam très intégré auquel ils ne participent pas. Il y a loin des banlieues à la grande mosquée de Paris.

Par contre, ils peuvent être réceptifs à la prédication « fraternelle » de ceux qui sont présents sur le terrain. Or ceux qui sont présents sur le terrain des banlieues sont des « salafistes » (parfois très déconnectés de la réalité européenne) ou des « frères musulmans » (qui ont une origine toute différente des « salafistes », mais peuvent être présents sur le même terrain).

Dans les deux cas, les paroles entendues peuvent être violentes. Le succès d’une lecture extrémiste est d’ailleurs une conséquence de l’exclusion et du racisme.

Ajoutons à cela une mauvaise image de l’Islam donnée par les médias. L’ignorance est parfois colossale et, souvent, nos informations renforcent les préjugés. De là, ces citations (entendues à la télévision), tendancieuses, hors contexte, d’un texte coranique mal connu et non explicité. Les approximations habituelles sont parfois choquantes pour les croyants.

Pire encore : cet amalgame absurde : Islam-Islamisme-terrorisme. L’injustice est patente. L’Islam –religion de paix et de vérité- devient alors, dans l’opinion, un fanatisme violent. Il importe de dénoncer de tels amalgames.

La guerre « sainte »  

Un usage courant fait du mot « djihad », un synonyme de « guerre sainte ». De là, le féminin : « la » djihad. Le mot est masculin en arabe. Le changement de genre est significatif ! « La » djihad devient ainsi, par le pouvoir de l’amalgame, le synonyme de « lutte armée »…

Rappelons cependant que le terme arabe ne signifie pas cela, mais que la racine du mot suggère l’effort (« djahd » signifie « effort » et « ijtihâd » est
« le fait de s’efforcer » -particulièrement ici dans l’interprétation des textes sacrés).

D’autre part, s’il est vrai que cet « effort » pour faire connaître l’Islam, ou pour répandre l’Islam, peut aller jusqu’à la lutte armée (surtout jadis -aux temps de l’expansion musulmane), cela ne correspond pas nécessairement à la situation actuelle. De sorte que traduire « djihad » par « guerre sainte » est un amalgame, voire une caricature.

La théologie musulmane a d’ailleurs développé le thème du djihad spirituel
(« el-djihâd en-nafsî »), la « guerre sainte » contre soi-même…. Mais, malgré les approches médiatiques qui ignorent ce vocabulaire religieux, cette
« guerre sainte » n’aurait évidemment rien à voir avec une lutte armée.

Pour une nouvelle Andalousie  

C’est une Andalousie inverse qui, peu à peu, difficilement, se met en place. Mais si, jadis, cette société andalouse, tolérante, ouverte, à la pointe des connaissances, se fondait principalement sur un Islam triomphant, aujourd’hui le moteur est une société occidentale, laïque, technicienne, etc…

De fait, le multiculturalisme s’appuie, dans nos pays, sur un monde majoritairement laïque et scientifique. C’est dans ce cadre qu’un Islam européen est appelé à se développer. Certes, cela aura lieu, mais les progrès sont présentement trop lents.

Il n’est pas question de nier l’existence de différences culturelles. Mais dans le même temps, et quelle que soit l’origine des étudiants, tous sont formés aux mêmes exigences scolaires et universitaires. C’est ainsi qu’une société nouvelle se met en place et s’enrichit de ses différences.

Laissons ici le vaste sujet de l’incompréhension de certains hauts responsables politiques qui semblent penser que le terrorisme est une sorte de continuation de l’ancienne guerre froide et doit donc être combattu avec les mêmes armes. Il est vrai que pour certains (surtout dans l’Amérique profonde) le monde est divisé entre « alignés » et « voyous ». Et qui n’est pas avec nous est contre nous.

De là, cette erreur massive qui pense pouvoir réaliser une lutte contre un
« terrorisme » multiforme avec des armes puissantes, mais inadaptées. Ainsi, cette lutte contre une hydre nébuleuse appelée « el qaida » qui a, en fait, des tentacules dans nos banlieues (à Paris, comme à Londres ou ailleurs…). Autant vouloir tuer des fourmis avec une mitrailleuse, ou détruire les moustiques avec un marteau !

D’ailleurs, le souci de la vérité invite à se poser la question de savoir si une telle organisation nommée « el-qâ’ida » existe en tant qu’organisation centralisée et structurée. Ou bien si une telle « organisation » diabolique n’est pas une création de la propagande de ceux qui voudraient remplacer l’ancienne « subversion communiste» par un autre démon (à défaut
d’ « empire du mal », un « axe du mal » et une organisation subversive unique et, donc, bien repérable….).

Abandonnons cette vision manichéenne, bien que la religion « produit blanc » de nos médias ignore de telles subtilités. La vérité finit toujours par triompher. Il arrive seulement que le chemin soit long.

Jacques Chopineau, Genappe, le 5 janvier 2005  

 


             

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