La plupart
de mes coreligionnaires non plus: nous sommes nés dans des familles protestantes,
en tout cas selon l’état-civil.
D’autres, en revanche, ont une origine
confessionnelle différente et ont choisi de se rallier
au protestantisme, ou bien de le quitter pour rejoindre d’autres
orientations religieuses, parfois sans lien aucun avec le
christianisme. Dans une société comme la nôtre,
en ce début du XXe siècle, c’est déjà
tout un choix que de rester protestant ou de "pratiquer
sa foi" comme le dit une expression dont l’origine
n’a justement rien de protestant. Nous vivons dans une
situation de post-chrétienté et la plupart de
nos contemporains semblent s’en satisfaire parfaitement.
Il ne suffit toutefois
pas de rester protestant pour n’avoir plus à choisir. Encore faut-il savoir
à quelle conception du protestantisme on entend se
rattacher. Chacune de nos églises cantonales se dit
protestante, et pourtant toutes abritent une grande diversité
de croyances doctrinales, de convictions éthiques,
de comportements sociaux et même d’attitudes spirituelles.
Je n’ai pas choisi d’être protestant, mais
chemin faisant j’ai bien dû choisir et j’en
suis venu, avec d’autres, à voir dans le protestantisme
libéral l’orientation de pensée et de
vie qui, à notre sens, correspond le mieux aux exigences
d’un christianisme bien compris.
Ce choix – car c’en est un, délibéré
– n’est pas bien vu de tous. Voilà un demi-siècle,
certains s’étaient même assigné
pour tâche d’extirper le libéralisme de
nos églises cantonales, en d’autres termes de
réduire à néant l’influence des
protestants libéraux. Y fussent-ils parvenus qu’ils
auraient à coup sûr porté atteinte à
l’une des exigences majeures du protestantisme: celle
de la liberté au sein même de la foi. Les protestants
libéraux, grâce à Dieu, n’ont pas
plié l’échine et ont ainsi préservé
nos églises d’un unilatéralisme qui les
a gravement desservies.
J’ai donc choisi
d’être non seulement protestant, mais encore protestant
libéral. Ce choix n’est pas le seul et ne doit
surtout pas chercher à le devenir, sauf à sombrer
en pleine contradiction. D’ailleurs, comme plusieurs
articles de jeunes collaborateurs du Protestant l’ont
montré ces derniers mois, la définition de ce
que cette étiquette recouvre appelle sans cesse de
nouvelles investigations et de nouveaux ajustements. Mais
une certitude s’impose: sans liberté à
l’intérieur de lui-même, le protestantisme
cesserait d’être protestant, et le christianisme
s’étiole quand il ne fait pas pleinement droit
à cette exigence-là.
Bernard Reymond, Le Protestant, novembre 2001
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