Prétendre
lutter contre le terrorisme et tendre une main généreuse à un
groupe terroriste et de faire libérer un de leurs
chefs. Méthode stalinienne ou mobutiste ?
Après la mort,
dans des circonstances peu claires, de onze élus
locaux, otages des FARC depuis cinq ans, l'ancien vice-président
libéral Humberto de
la Calle critique
l'internationalisation du conflit colombien et surtout l'ingérence
de Nicolas Sarkozy dans les affaires de son pays.
Sarkozy, go home * Rarement
tribune aura été aussi difficile à écrire.
D'une part, il faut éviter que l'indignation après
l'assassinat des onze députés [ces membres
de l'Assemblée régionale du Valle, otages des
FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie)
depuis cinq ans, sont morts le 18 juin, selon la guérilla "au
cours de tirs croisés avec un groupe militaire non
identifié" alors
que l'armée colombienne nie avoir effectué toute
opération pour les sauver] ne vienne nuire à l'esprit
critique. D'autre part, il faut respecter la douleur des
familles [des députés], une douleur qui, on
peut le comprendre, les pousse à exagérer la
responsabilité du
gouvernement dans cette saga affligeante.
Une chose est sûre,
la perception de ce qui s'est produit, surtout dans la communauté internationale,
aura un coût très élevé pour
notre pays, car tout se passe comme si la Colombie était livrée à l'anarchie.
Au-delà des divergences internes sur
la gestion de cette crise, au-delà aussi
de la controverse sur un éventuel accord humanitaire [la guérilla
réclame depuis longtemps un "échange humanitaire" :
l'échange
dans des conditions très précises de 56 otages politiques qu'elle
détient contre des guérilleros incarcérés], c'est
l'une des situations dans lesquelles il faut être du côté du
gouvernement, sans pour autant donner dans un patriotisme outrancier ni dans
une rhétorique enflammée.
L'accord humanitaire est une option
prévue dans le cadre du droit international.
Il ne faut pas l'écarter. Mais on ne saurait parvenir à un
tel accord dans les circonstances actuelles. Après le massacre des
députés,
il ne serait pas normal que nous exigions immédiatement un échange
dans les conditions fixées par les FARC [notamment la démilitarisation
d'une zone]. Compte tenu de l'angoisse des familles de ceux qui sont encore
retenus en otages, la société ne peut pas accepter cet échange à genoux.
Elle ne peut pas non plus se laisser aller à un syndrome de Stockholm
collectif, ce qui reviendrait à oublier que les FARC sont les seules
responsables de ce qui s'est passé.
L'autre réalité,
c'est que notre conflit a pris une dimension internationale qui n'est
pas toujours dans l'intérêt de notre pays. Après
le geste que Nicolas Sarkozy a demandé à Alvaro Uribe [dès
son élection, Nicolas Sarkozy, qui a promis de faire libérer
Ingrid Betancourt, citoyenne franco-colombienne enlevée par les
FARC il y a plus de cinq ans, avait demandé à son homologue
colombien de libérer
Rodrigo Granda, considéré comme le ministre des Affaires étrangères
des FARC dans le but évident de négocier un échange],
le ministère des Affaires étrangères français
a émis
un communiqué inacceptable, totalement déplacé.
Celui-ci condamnait tout sauvetage militaire [Le gouvernement d'Alvaro
Uribe prône
quant à lui une "main de fer" pour récupérer
les otages des FARC] sans avoir cherché à connaître
la position du gouvernement colombien et en donnant immédiatement
du crédit
au communiqué d'une fraction de la guérilla. Nous apprécions
l'intérêt des pays amis, mais avec des amis comme ça…
D'ailleurs,
il n'y a toujours pas d'explication à l'attitude de M. Sarkozy.
Il appartient à la droite française, celle-là même
qui a fait preuve d'une dureté extrême avec les immigrés,
et pourtant il décide de tendre une main généreuse à un
groupe terroriste et de faire libérer Granda. Il y a là une
contradiction évidente
qu'on ne peut expliquer que par le désir proverbial qu'ont de
nombreux Européens de laver leur mauvaise conscience en adoptant
des positions de gauche à l'extérieur, tout en poursuivant à l'intérieur
une politique de droite sans concessions.
Si le président Sarkozy voulait
bien s'effacer, cela nous ferait le plus grand bien et nous permettrait de retrouver
l'autonomie nécessaire pour
gérer nos affaires intérieures.
Humberto de la Calle El
Espectador sábado, 30 de junio de 2007 |