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 Les chroniques



    Jacques Cécius

 

 

 

   

 


L’hyper-symbolisme en franc-maçonnerie

 

 


« La pensée rationnelle et la pensée symbolique sont-elles antinomiques ? Convient-il d’adhérer à des interprétations moralisantes du symbolisme ? Faut-il s’en tenir à des interprétations religieuses ? Voilà autant d’interrogations que les francs-maçons se sont posées depuis le XVIIIe siècle. On reste confondu devant la multitude d’approches et les conceptions extraordinairement divergentes du symbolisme, de sa signification, de son utilité ou non, qui sont apparues à l’intérieur de toutes les obédiences maçonniques » (Hervé Hasquin, in Luc Nefontaine : « Symboles et symbolisme dans la franc-maçonnerie », éditions de l’Université de Bruxelles, 1994).

Depuis que la maçonnerie existe les maçons se sont penchés, peu ou prou, sur le symbolisme et les rituels. Au départ, les rituels, mais aussi les symboles, n’avaient guère l’importance que certaines loges leur donnent aujourd’hui (à tort ou à raison). Les tenues se déroulaient autour d’une table (très) bien garnie. Le Maître de la loge s’informait sur le fait de savoir si d’autres Ateliers avaient donné de leurs nouvelles, ou si l’un ou l’autre frère était victime d’une maladie ou d’un inconvénient quelconque.

Lorsque qu’un « profane » (je déteste ce mot) était reçu franc-maçon, le Tapis de loge était dessiné à la craie à même le sol, le mobilier déplacé, et la réception expédiée en un temps raisonnable ( ?). Après quoi le nouveau frère payait, non son écot, mais le banquet !
C’est au fil du temps que les rituels sont devenus plus élaborés, et que les symboles ont pris une importance parfois exagérée (là je vais me faire des ennemis).

Je suis de ces piètres maçons qui estiment que plus un rituel est court mieux il est suivi. Trop long il lasse… Et lorsqu’une planche (conférence) sur le symbolisme est « infligée » à la loge (car certains conférenciers estiment que plus la planche qu’ils donnent est obscure plus elle est belle), on remarque que les frères (et les sœurs lorsqu’il y en a), remuent les jambes, regardent leurs baskets, ou toussent plus ou moins discrètement. Horreur ! Il arrive qu’un maçon ferme les yeux et ronfle, ce qui a au moins le mérite de faire rire.

’allez pas en déduire que votre serviteur est un adversaire du symbolisme. Comme les rituels celui-ci est éminemment nécessaire, mais point trop n’en faut. Les problèmes sociétaux ont aussi leur place, quoi qu’en disent nos frères anglo-saxons et scandinaves, dans la vie des loges.

J’avoue volontiers que je m’étonne toujours lorsque j’entends un frère, ou une sœur, affirmer que penser, dans la vie courante, à l’un ou l’autre symbole, aide à surmonter leurs épreuves… Je suis fatigué ? Je pense au maillet que je me dois de manier car la taille de la pierre brute n’attend pas ; alors, comme un manchot, je prends mon courage à deux mains. Je suis quelque peu déçu par l’évolution de notre société ? Le fait de penser au soleil qui figure sur le Tapis de loge expédie au loin la grisaille dans laquelle je me trouve. Pourquoi pas... J’ai déjà entendu ce genre de raisonnement, et je me suis dit « pourquoi pas, au fond ? ». Alors j’ai essayé. Sans le moindre résultat. Certainement je ne parvenais pas à me concentrer suffisamment.

Je termine cette méchante prose par la « prière des « flamaçons », telle qu’elle était récitée jadis en Auvergne, lorsqu’une âme risquait de partir vers des cieux plus cléments : « Ratapi, ratapo, ratapa, que par le maillet, le ciseau, l’équerre et le compas, sorte de cette maison le trépas » ! ! ! (« Les ventres jaunes », cité de mémoire). N’est-ce pas, ici, la preuve que l’hypersymbolisme peut conduire à des errements, voire au ridicule ?

Dieu merci, le symbolisme maçonnique est néanmoins chose sérieuse et utile pour encourager les sœurs et les frères à « se mettre en condition » afin que la Tenue se déroule avec tout le sérieux requis. Hervé Hasquin (op. cité) écrit au sujet des loges les plus rationalistes, au temps du positivisme et du scientisme triomphant, qu’elles n’avaient jamais abandonné le symbolisme :

« N’était-ce pas reconnaître que dépouillée de ses symboles la maçonnerie cesserait d’être elle-même, cesserait tout court ?».

Jacques Cécius. Spa, le 21 juin 2007