Nous avons l’habitude
des déclarations intempestives
de M. André-Mutien Léonard, évêque
de Namur. Ses récents propos sur l’euthanasie,
l’avortement et l’homosexualité ne devraient
donc surprendre personne. Il y a pourtant, j’en conviens,
de quoi rester pantois devant l’inadaptation de cet homme
au monde dans lequel il vit.
Je ne pousserai donc pas d’exclamations
indignées
en réponse aux déclarations de ce responsable
de l’Église catholique. D’autres l’ont
fait avant moi, y compris dans les rangs de son Église.
Par ailleurs, des associations réagissent, dans une
démarche citoyenne, en portant plainte au Centre pour
l’égalité des chances pour tenue de propos
homophobes et incitation à la violence. Je ne sais
ce que donneront ces poursuites, mais il est bon de rappeler à M.
Léonard qu’il a commis un délit.
Avant
de donner quelques pistes de réflexion pour l’analyse
des propos tenus par l’évêque Léonard,
il convient de rappeler que cet homme n’est pas un
cas unique en son genre et qu’il est couvert par sa
hiérarchie.
N’en déplaise aux catholiques progressistes,
force est de constater que les paroles de M. Léonard
s’inscrivent
parfaitement dans la position officielle de l’Église
catholique en ces matières. Le précédent
pape, M. Karol Wojtyla n’avait-il pas déclaré devant
le parlement polonais que l’avortement était
le génocide de notre époque ? « Prononcées
dans le contexte polonais, des paroles de ce genre établissent
une effroyable équation entre Holocauste et avortement,
entre une femme qui avorte et un SS qui jette un enfant juif
dans un four crématoire. » (1) On sait que M.
Joseph Ratzinger, le pape actuel, a été le
principal idéologue de son prédécesseur
et l’on
ne peut s’étonner que, sous sa direction, l’Église
catholique considère contre nature « l’avortement,
la contraception (préservatif compris), le divorce,
la recherche scientifique sur les cellules souches, l’homosexualité et,
bien sûr, l’euthanasie ou la décision
d’un
malade en phase terminale, soumis à d’indicibles
souffrances, de ne pas prolonger sa torture. Dans tous ces
domaines, qui vont en s’élargissant avec les
progrès
de la science, Joseph Ratzinger continue de répéter
qu’un parlement et un gouvernement qui approuveraient
des lois ‘contre nature’ deviendraient ipso facto
illégitimes, même s’ils ont été élus
selon les règles de la démocratie constitutionnelle. » (2)
On
le voit, l’Église catholique n’a que
faire de la démocratie. Elle s’inscrit par sa
nature même et par les positions qu’elle prend
dans la volonté d’établissement d’une
théocratie et il n’est pas étonnant de
constater que le représentant du Vatican aux Nations
Unies (3) s’aligne très souvent sur le vote
des délégués
des États théocratiques islamiques.
M. André-Mutien
Léonard est donc tranquille.
Malgré les protestations soulevées par ses
propos, il restera en place et l’Église catholique
belge n’apportera que des nuances sur la forme.
Il est
donc plus important de comprendre la position des conservateurs
de tous bords. Car ne nous leurrons pas, la
position de l’évêque
Léonard est partagée par les protestants évangéliques,
par les juifs fondamentalistes et par les musulmans dans
leur grande majorité. Le libéralisme religieux
est malheureusement minoritaire et l’utilisation de
la raison pour éclairer sa foi est un phénomène
très rare parmi les croyants.
Le conservatisme religieux
repose en fait sur l’idée
que Dieu intervient dans l’Histoire et qu’il
impose à l’homme
ses lois. C’est une sorte de renversement de la réalité historique
qui montre que les hommes se sont organisés en sociétés,
qu’ils ont pour cela créé des lois et
qu’ils
les ont sacralisées en les attribuant aux dieux qu’ils
s’inventaient. Les rois et les prêtres ont été les
castes bénéficiaires de ce système qu’elles
ont évidemment toujours cherché à maintenir.
L’évolution de l’humanité nous
conduit, depuis cinq siècles, à nous libérer
de ce système pour redonner à l’homme
son autonomie (c’est-à-dire littéralement
sa ‘propre
loi’). La Renaissance, la Réforme, les Lumières,
la Laïcité ont été autant de clartés
sur le chemin de l’autonomie de l’homme et elles
représentent autant de cibles à abattre pour
les conservateurs religieux.
Il est toujours étonnant
de constater que des hommes du 21ème siècle
acceptent que leur normes de vie soient des textes écrits
6 ou 7 siècles avant
notre ère et reposant eux-mêmes sur des traditions
orales plus anciennes encore. Il est étonnant de voir
que des occidentaux prétendent se conformer à des
usages du Proche-Orient ancien. Tout cela sans tenir compte
de l’abîme qu’il y a entre les contextes,
tant au point de vue historique que politique, géographique, économique,
etc. Mais soit. Admettons. Je sais que les textes bibliques
revêtent une grande importance pour beaucoup de chrétiens.
Encore faut-il comprendre ce qu’on lit. Cela me semble
impossible si l’on ne remet pas ces textes dans leur
contexte. À défaut de cela on peut faire dire
aux textes anciens, bibliques ou autres, à peu près
n’importe quoi. Certains ne s’en gênent
pas. M. Léonard est le pur produit d’une Église
qui s’est bâtie sur des interprétations,
des légendes et des non-sens. Le retour au texte biblique,
tel que les Réformateurs l’ont préconisé,
suppose l’utilisation de la raison et donc une lecture
critique.
Dès que ce principe d’examen du
texte biblique à la
lumière de la raison est établi, les fondements
du conservatisme religieux disparaissent. Il serait trop
long ici de remettre dans leur contexte les rares textes
bibliques
condamnant l’homosexualité, par exemple. Peut-être
un jour écrirai-je un article à ce sujet. Je
me bornerai aujourd’hui à recommander deux livres
tous deux publiés aux Éditions Labor et
Fides.
Le
premier est écrit par Thomas Römer, professeur
d’Ancien Testament à la Faculté de théologie
de Lausanne, et Loyse Bonjour, théologienne. Leur
ouvrage a pour titre : « L’homosexualité dans
le Proche-Orient ancien et la Bible ». Il s’agit
d’un
parcours historique et informatif à la recherche de
la conception que les sociétés du Proche-Orient
ancien et de la Bible avaient des relations amoureuses et
sexuelles entre hommes et du statut qu’elles leur accordaient.
Le second est un ouvrage collectif élaboré par
la Commission théologique de la Fédération
des Églises Protestantes de la Suisse. Il s’intitule
: « Qui a peur des homosexuel-les ? »
C’est
une bonne question. Patrick Hannot. Psychologue
et psychanalyste. Bruxelles, 07/04/07
(1)
Paolo FLORES d’ARCAIS,
Philosophe et directeur de la revue MicroMega, dans un article
intitulé « La croisade obscurantiste du
pape », Le Monde du mercredi 4 avril 2007
(2) idem
(3)
Puisque, rappelons-le, le Vatican est un État souverain. |