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 Les chroniques



    Jacques Chopineau

 

- Brèches dans la démocratie

- Vous avez dit : Terrorisme ?

 

   

 


En démocratie surveillée…

 

 

Brèches dans la démocratie

Sait-on que les dictatures peuvent, aujourd’hui, se réjouir ? La grande démocratie américaine vient d’incorporer à sa législation, des mesures liberticides qui justifient –après coup- Guantanamo, les prisons secrètes, les interrogatoires musclés…

Et ceci, bien entendu, sans qu’intervienne un avocat, ni qu’une instruction soit ouverte. Il suffit pour cela d’être présumé terroriste. Présumé, donc soupçonné. Quasi coupable –au moins en intention. D’ailleurs, personne ne pourra officiellement mettre en doute ce pré-jugement.

Les démocrates ne s’en réjouirons pas. Par contre, les dictatures peuvent se réjouir. Leur mépris des droits de l’homme pourra toujours s’appuyer sur l’exemple de la grande démocratie américaine.

Ces horreurs ne peuvent-elles être une réalité en Europe ? On ne peut en douter. Reste à savoir dans combien de temps. L’alignement sur Washington est un réflexe acquis. Jamais les déviations de l’administration américaine ne seront contestées, ni évidemment censurées par la commission bruxelloise. L’Europe de l’OTAN ne saurait manifester durablement un quelconque désaccord officiel. Et les gouvernements européens, d’ailleurs, ne connaîtront rien de semblable.

D’autre part, on sait que le tribunal pénal dit « internationnal » n’est pas internationnal pour tout le monde. Jamais ce tribunal n’aura à juger Abou ghraïb, ni Guantanamo, ni les prisons secrètes américano-européennes.
La lutte contre le terrorisme est le prétexte vertueux, régulièrement invoqué. Même si, dans les faits, cette attitude américaine –fidèlement appuyée par l’Europe de l’OTAN et ses supplétifs- crée des « terroristes » par milliers (en Irak, en Afghanistan et ailleurs…).

Cette même « Europe » a d’ailleurs concédé à la vertueuse Amérique le droit de contrôler en profondeur tous les européens qui voyageraient vers la grande démocratie. Malheur à qui serait suspect d’être un terroriste ou complice de terroriste ! Il n’aurait droit à aucun avocat. Par contre, il pourrait disparaître, légalement, dans les oubliettes de Guantanamo ou d’ailleurs.

Vous avez dit : Terrorisme ?   

Voilà bien un terme fourre-tout : « terrorisme ». On sait que toute situation sentie comme inacceptablement injuste suscite, toujours, des résistances –violentes ou non, selon les cas.

De même, toute occupation suscite une résistance. Et ces résistants sont habituellement appelés « terroristes » par l’occupant, mais « résistants » par les occupés. Question de point de vue.

Rappelons que pendant l’occupation nazie, les résistants étaient appelés « terroristes ». De même, ces algériens qui luttaient contre l’armée française, étaient des terroristes. Aujourd’hui, palestiniens ou tchétchènes sont de dangereux terroristes, pour peu qu’ils s’opposent à l’occupant.

Evidemment, toute résistance entraîne des violences. L’occupation aussi ! C’est donc violence contre violence. Que le meilleur gagne –c'est-à-dire : le plus fort. Question : Pour combien de temps ?

Tragiquement, c’est la population locale qui se trouve prise en otage. A la fois occupée et suspecte d’être complice du terrorisme. Or, les « terroristes » aussi ont des enfants. Un dit de sagesse du grand Gibran Khalil Gibran le disait, bien plus tôt, à sa manière :

« Une femme dit : Comment est-ce que la guerre ne serait pas sainte ? Mon fils y est mort » (1)

Au malheureux peuple palestinien, donc, de se soumettre afin d’avoir la paix ! Une paix dans la soumission. Et s’il se rebelle : il sera déclaré terroriste et combattu comme tel.

En réalité, nous savons bien qu’aucune paix ne peut être fondée sur l’occupation et la spoliation. Le malheur des personnes ne conduit pas à la paix. Et la force ne construit rien de durable.

Les historiens de l’avenir se poseront sans doute des questions au sujet de cette Europe silencieuse. Eventuellement indignée par le drame du Darfour, mais étrangement (ou hypocritement) muette sur le drame Palestinien. Le moins qu’on puisse dire est que cette Europe a l’indignation sélective.

Il ne suffit pas de condamner la violence. Il faut le faire –bien sûr- mais il faut aussi, concrètement, en combattre la cause. Il serait absurde de penser que l’on combat l’incendie en proclamant que l’on est contre le feu. Les pompiers combattent concrètement –ce qui n’est pas sans travail, ni sans risques…

D’un autre point de vue cependant, le terrorisme vient à point pour remplacer l’ancienne subversion communiste –au temps de l’ »empire du mal ». Les nations civilisées (autrefois : « le monde libre ») doivent aujourd’hui s’unir contre le mal que constitue le terrorisme. S’unir derrière la grande démocratie qui lutte contre le mal.

En tout cas : s’unir et suivre. Tel semble être le maître mot de l’Europe-protectorat. Pas de contestation ! Restez groupés ! La lutte contre le terrorisme l’exige. La grande démocratie inspirée de Dieu l’exige aussi. Le Bien vaincra ! Nos intérêts aussi (ils sont dans le camp du Bien).

Pour l’heure, il est bien d’autres malheurs du monde qui remplissent les actualités. Il est deux sortes de malheurs : ceux dont on parle et ceux dont on ne parle pas. La besace de l’information a deux poches : la poche de devant (pour les malheurs dont on parle) et la poche de derrière. (pour ceux dont on ne parle pas). L’actualité commande. Non la sagesse…

Jacques Chopineau, Genappe le 5 novembre 2006

(1) Dans le texte arabe, le mot « Djihâd » n’est pas employé. Il aurait d’ailleurs un tout autre sens. Il s’agit bien de « guerre sainte » (« Harb muqaddasa »). C’est d’un terrible réflexe humain fondamental qu’il s’agit : non d’une détermination religieuse…