Philosophe de formation, Jean-Marie
Muller a élaboré durant les
trente-cinq dernières années une œuvre abondante toute entière
consacrée à la réflexion sur la non-violence et aux grandes
figures qui ont illustré ce mode d’action. Dans le même temps,
il s’est impliqué dans nombre d’actions militantes à travers
le monde. Auteur en 1988 d’un Lexique de la non-violence, il publie aujourd’hui
ce Dictionnaire dans lequel cent huit mots-clefs, d’une grande clarté malgré leur
densité, constituent à la fois « un traité de la philosophie
de la non-violence » et un « manuel pratique de l’action non-violente».
J.-M.
Muller, qui s’en explique dans l’introduction, a pris le parti
de ne faire aucune citation d’auteur, et de ne pas donner d’exemples
pour illustrer la description des méthodes de l’action non-violente,
ce qui l’a obligé à plus de rigueur dans la réflexion.
L’auteur recourt également beaucoup et avec pertinence à l’étymologie
des mots.
Toute une culture de la non-violence se trouve
ici présentée
pour dénoncer l’idéologie de la violence qui fait croire
que la violence est immanente à l’action humaine et qu’elle
est nécessaire
pour agir efficacement contre l’oppression ou l’injustice.
Ce
qui frappe à la lecture de ce traité, c’est la convergence
des définitions pour conjuguer de façon réaliste l’exigence
morale et l’attitude responsable et efficace. Comme l’écrit
l’auteur, « il existe un lien essentiel entre le mot juste,
la pensée
juste et l’action juste ». Philosophie et stratégie,
pensée
et action sont intimement imbriquées, et cette articulation féconde
demeure en filigrane de tous les articles du dictionnaire.
Cet ouvrage,
dont les articles peuvent se lire indépendamment, à petites
doses, est une mine pour l’information et pour la réflexion.
On peut certes formuler quelques regrets, pas seulement à propos
du dessin de la couverture, deux colombes au bord de l’eau… Le
concept de contre-violence, évoqué dans
les chapitres Efficacité, Nécessité, Police, Résistance,
Violence, aurait mérité un chapitre spécifique. De
même,
la communication non-violente, qui évoque un état d’esprit,
des règles, des méthodes intéressantes et utiles,
mériterait
un chapitre séparé qui reprendrait les grands thèmes évoqués
par exemple par Marshall Rosenberg ou Thomas d’Anzembourg.
Il reste que J.-M. Muller a signé un ouvrage majeur, à lire
et à faire
lire à tous ceux qui cherchent et inventent des alternatives à la
violence omniprésente dans nos sociétés.
Etienne
Godinot, 5 novembre 2005 |
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