Jean Paul II a achevé hier son ultime voyage. Paix à son âme.
Reste à savoir quand s'apaisera le tsunami médiatique déclenché par
le départ du Saint-Père. La semaine qui vient de s'écouler
laisse redouter le pire...
La diversité de la presse en a pris un sale
coup depuis samedi dernier. Comme si Radio Vatican s'était emparée
de l'ensemble des ondes et de leurs relais imprimés.
En Suisse romande,
cette prise de pouvoir prend un tour particulièrement pontifiant, sous
la férule de saint Darius ou sainte Esther, à l'heure de la grand-messe
du «19.30». La Radio suisse romande n'a pas voulu être en reste.
Il fallait se pincer hier, sur les ondes de la Première, à l'écoute
des «Petits zèbres», pour réaliser qu'on n'était
pas dans une église. En invité spécial, MgrGenoud s'est
vu offrir un plein quart d'heure de prosélytisme. On a ainsi pu entendre
l'évêque de Lausanne, Genève et Fribourg expliquer à nos
chères têtes blondes que «nous ressusciterons tous à la
fin des temps». Sans que l'animateur ne juge utile de rappeler qu'il s'agissait
là d'une croyance que tous ne partagent pas. La SSR a visiblement oublié sa
mission de service public émettant dans un Etat laïque. Les citoyens
qui renoncent à payer leur impôt ecclésiastique devront peut-être
bientôt songer à demander aussi leur exemption de la redevance...
Ce phénomène d'emballement médiatique
n'est certes pas nouveau. Il atteint toutefois une ampleur
qui fournit une nouvelle occasion de s'interroger
sur cette promptitude des médias à se courir les uns après
les autres pour tous entonner les mêmes trompettes. Généralement
avec un esprit et un recul critiques inversement proportionnels à la
précipitation
mise à suivre la meute. La mort du prince Rainier vient de fournir,
quoique à moindre échelle,
un autre exemple de cet engouement des médias pour la monoculture hagiographique
des icônes dont les marchands d'images savent leur public friand. Hors
sujets incontournables et pensée unique, point de salut. Les mass médias,
nouvel opium du peuple?
Nous laisserons la question ouverte, malgré l'agacement
suscité par
cette omniprésence papale dans l'actualité d'un monde qui n'a
pas cessé de tourner depuis la disparition de Jean PaulII. Mais notre
propos ne saurait être de manquer de respect à celles et ceux
qui se reconnaissent dans la foi catholique ou le message de son Eglise.
Ni de nier l'intérêt
public légitime de la communion quasi planétaire qui a suivi
la mort du pape.
Reste à savoir si, dans cette tempête émotionnelle,
peut survivre un espace pour les vraies questions.
Nous n'en relèverons
qu'une, suggérée par l'image des présidents étasunien
et iranien Bush et Kathami réunis jeudi autour de la dépouille
du défunt pape. Plusieurs de nos confrères lisent un message
d'espoir dans la réunion de ces deux intégristes menaçant
dangereusement la paix du monde auprès du corps d'un homme dont
le conservatisme a contribué à des
millions de mort du sida en Afrique.
Nous sommes moins optimistes. En soulevant
cette interrogation: que nous enseigne la mort du pape –et, surtout,
l'hystérie
collective qui s'en suit– sur les valeurs fondatrices de nos sociétés
occidentales si promptes à s'inquiéter du fondamentalisme
musulman ?
Didier ESTOPPEY, samedi,
09 avril 2005
Cet article provient, avec son aimable autorisation
de Le
Courrier
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