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 Les chroniques



    Corinne Baumann

 

 

 

   

 


Le beurre et l’argent du beurre

 

 

À propos du féminisme

« Mais moi, je ne suis pas féministe ! » minaudent de nombreuses femmes, comme pour s’excuser. Comme si c’était une tare de l’être. Ca fait mauvais genre et surtout, elles ne veulent pas être assimilées aux clichés liés aux pionnières de l’émancipation : des vieilles filles moches, aigries et hystériques, qui n’ont pas trouvé de mari, qui sont allées trop loin dans leurs revendications, qui n’ont réussi qu’à se mettre les hommes à dos en cherchant de manière grotesque à les imiter.

Elles veulent oublier que même les plus féminines des poupées et les mères de famille au modèle le plus traditionnel bénéficient directement des luttes de celles qu’elles décrient. Elles veulent ignorer que les hôtesses de l’air, institutrices, pasteures, entre autres, avaient l’interdiction d’exercer leur profession après le mariage; que, si elles restaient célibataires, c’était souvent parce que leur métier leur tenait à cœur et qu’elles n’avaient pas d’autre choix.

Elles oublient que le Code Napoléon n’est pas si loin.
On peut y lire : « Les personnes privées de droits juridiques sont les mineurs, les femmes mariées, les criminels et les débiles mentaux ».

Que le droit de travailler et d’ouvrir un compte en banque sans l’accord du mari, le droit de vote, le droit à l’avortement sont des acquis qui ont à peine trente ans, voire moins. Grâce aux féministes, nous sommes des privilégiées face aux millions de femmes dans le monde qui n’ont que le droit de se taire.

Pourquoi donc des femmes nées avec le droit de vote tombé tout cuit dans leur vie ont-elles la mémoire si courte et une telle désinvolture ?
- Paresse, conformisme, peur de devoir prendre des initiatives?
- Refus de partager avec les hommes des tâches jusqu’ici dévolues aux femmes?
- Souci égoïste de préserver leur confort ?

Mystère.
Si elles ne veulent pas aller au front, grand bien leur fasse. Elles ont reçu le beurre et l’argent du beurre sans lever le petit doigt. Mais qu’elles s’abstiennent au moins de critiquer la fermière, en ayant la décence de respecter sans ricaner les engagements de ces féministes qui se sont battues et se battent encore – pour des choses qui devraient aller de soi – elles ont de quoi en être fières.

Corinne Baumann, La Vie Protestante