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 Les chroniques



    Jean-Claude Barbier

 

- La fin des illusions

- Des réseaux de libres croyants

 

   

 


Le christianisme post-confessionnel

 

 

La fin des illusions

En dépit d’une déchristianisation qui frappe les pays occidentaux, en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, les Eglises les plus confessantes se portent bien si l’on en croit le succès du christianisme évangélique conservateur, la vogue des charismes pentecôtistes, le maintien des Eglises biblistes dogmatiques, le prosélytisme toujours actif des Témoins de Jéhovah, le renouveau - après Vatican II - des Eglises catholiques traditionalistes et du culte marial, etc. Par contre, si ces courants s’accrochent à des identités confessionnelles qui pour elles sont exclusives les unes des autres, les Eglises protestantes multidunistes et/ou libérales admettent en leur sein la cohabitation de plusieurs courants théologiques.

Mieux, depuis plusieurs années, suite aux désillusions causées par une hiérarchie catholique conservatrice, sinon réactionnaire par rapport à l’élan que le concile de Vatican II avait insufflé, de nombreux mouvements catholiques réformateurs, après s’être mobilisés en vue de réformes souhaitables au sein de leur Eglise, ont élargi le champs de leur réflexion et se réfèrent désormais au christianisme des origines. Ce faisant, ils rejoignent les grandes réformes protestantes, anabaptistes et anti-trinitaires du XVIème. Sans renier leur origine catholique, ni leur catholicité, ces mouvements ne s’intitulent pas « catholiques », mais « chrétiens », voire même « croyants ». Ils acceptent le doute des agnostiques et ne mettent plus en avant les credo. Les opinions individuelles, les convictions issues du vécu, les recherches spirituelles, l’intérêt pour d’autres grandes sagesses du monde peuvent dès lors s’exprimer librement. Les confessions d’origine ne sont plus des encadrements comportant des limites à ne pas franchir, des référents obligatoires sous risque d’excommunication - ou du moins de perte d’identité. Elles sont vécues comme des familles spirituelles qui nourrissent nos réflexions, mais non plus comme des appartenances globales et totalitaires.

Un protestant a le droit de s’intéresser au rôle de Marie, tout en restant protestant ! un catholique de croire que Jésus a eu des frères de même mère, un unitarien de conserver son baptême catholique ou protestant, un musulman ou un juif de s’intéresser à Jésus, … et un agnostique ou un athée de s’occuper de religion. Désormais, un théologien, un exégète, un prêtre ou un pasteur, un écrivain, etc., valent d’abord pour la qualité de leurs travaux et non pour leur appartenance religieuse, encore moins d’une quelconque imprimatur de leurs hiérarchies respectives. Les appartenances complémentaires sont mieux acceptées : on peut être catholique et franc-maçon (la « Lettre aux catholiques amis des francs-maçons » publié 4 fois l’an par Paul Pistre, un catholique de Toulouse, touche régulièrement pas moins de 150 personnes), protestant libéral et chrétien unitarien (comme en témoigne le site « Profils de libertés », chrétien et initié au bouddhisme, etc.

Des réseaux de libres croyants   

Dès lors, l’œcuménisme n’est plus un problème puisque, d’emblée, les chrétiens ne mettent pas en avant leurs différences théologiques, ecclésiales ou pastorales. Celles-ci sont maintenant des choix personnels et non plus des enjeux interconfessionnels. L’œcuménisme se fait à la base, devient relationnel entre personnes et n’est plus l’objet de négociations entre experts. Mais ceux-ci peuvent continuer en vain leurs dites conférences ! D’ailleurs, l’Eglise catholique et d’autres Eglises conservatrices ont tout fait pour saborder l’aventure œcuménique par le haut, avec en prime l’hypocrisie de faire prier le brave peuple chrétien, durant la semaine de l’Unité, pour que le Saint-Esprit réalise celle-ci par un coup de baguette magique !

Ces mouvements se coordonnent au sein de réseaux et de fédérations : en France, la Fédération des réseaux du Parvis, en Belgique, la Fédération des réseaux des Pavés (« Pour un autre visage de l’Eglise et de société »), etc., et au niveau européen, le Réseau européen Eglise de liberté. C’est le christianisme en réseau dont nous avons déjà souligné le rôle d’avenir. Ces réseaux vont de l’avant sans plus attendre quoique ce soit des diverses hiérarchies cléricales : celles-ci suivront ou ne suivront pas ! Ils ne veulent pas se constituer en une nouvelle Eglise - il y en a déjà suffisamment - mais vivre l’Eglise « autrement », une Eglise où les laïcs, hommes et femmes, sont participants et non plus le troupeau de moutons encadré par des clercs. Il s’agit d’une Eglise totalement décléricalisée, « libre », d’une Eglise qui réunit tous les chrétiens indistinctement de leur origine confessionnelle et qui est ouverte à tous les hommes de bonne volonté qui se réfèrent à Jésus.

Ce n’est nullement un schisme - même l’affaire des prêtres ouvriers, celle de Mgr Gaillot qui a suscité nombre de ces mouvements, et bien d’autres encore, n’ont pas généré de division - mais par contre la naissance d’un christianisme alternatif, hors Eglises, sur les « parvis » et sur les « pavés » de nos espaces publiques. Ce christianisme n’est pas agressif et ne veut plus s’acharner à réformer les Eglises existantes. Il veut tout simplement vivre un christianisme libéré des pesanteurs confessionnelles que l’histoire nous a léguées, aller de l’avant au nom de la liberté que les Evangiles nous ont annoncée et qui a été trop souvent confisquée par les Eglises.

Jean-Claude Barbier, Bordeaux le 20 janvier 2005