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 Les chroniques



    Jacques Chopineau

 

Le paradoxe de Noël

La fête de la lumière

 

   

 


Le Noël des marchands

 

 

Le paradoxe de Noël

Le paradoxe de Noël est ce qui nous occupe ici. C’est, bien sûr, la fête de la naissance de Jésus. Nul ne connaît, en fait, ni le jour, ni l’année, mais la tradition fait que cette fête est célébrée le 25 décembre.

Fête « oecuménique » -non au sens d’un oecuménisme chrétien, mais en ce sens que le solstice est le solstice pour tout le monde ! Mithra, Dieu solaire (le « sol invictus », ce « soleil invaincu », titre repris par la liturgie romaine et appliqué au Christ) naissait également le 25 décembre.

En tant que fête de la lumière, Noël est analogue à la fête juive de Hanouka. Après le solstice, la lumière renaît, et avec elle –symboliquement- la vie.

Image universelle que celle du solstice d’hiver…. Il ne s’agit donc guère d’une fête « chrétienne » à l’origine (la grande fête était celle de Pâque -fête liée à l’équinoxe de printemps), mais c’est une fête qui a connu un grand développement –surtout en Europe du nord, à partir du Moyen-âge.

Noël est, au fil du temps, devenu la grande fête chrétienne. Au point qu’aujourd’hui, le sapin de Noël (création récente !) est de coutume en des lieux où il n’a jamais fait partie de la tradition et parfois doit être importé à grands frais, selon une coutume semblable à celle de tel grand voisin développé (cas du Mexique, par exemple).

Le paradoxe consiste en ceci que cette fête qui célèbre l’humble naissance de Jésus est, en même temps la fête de la consommation –et donc, aussi, la fête des vendeurs. A aucun moment de l’année, dans les pays qui en ont les moyens, on ne dépense autant pour consommer.

Bien sûr, dans notre monde marchand, toute fête a ces deux visages : une occasion de vente (d’où ces « fêtes » toujours plus nombreuses, au fil des ans) et une motivation familiale et festive. Un visage heureux et un visage commercial.

« Il y a une demande », dirait un vendeur. Parents et enfants ont besoin d’une occasion de réjouissances. Il faut donc répondre à la demande.

Il reste qu’à Noël, nous célébrons, officiellement, la naissance de Jésus. Lequel est né, dit-on, non dans un palais, mais dans une étable ! En même temps, il s’agit bien, chez nous, de la fête de la grande consommation.

Mais il se trouve que la consommation est très inégalement répartie dans ce monde…. Rien n’est plus conforme à l’esprit du christianisme que de penser à cette misère du monde dans lequel Jésus est né, pauvre entre les pauvres.

La fête de la lumière

Cependant, Noël est aussi la fête des enfants, et donc des familles. Si Noël n’existait pas, il faudrait certainement l’inventer. Même la Russie soviétique –athée en diable- a fêté le « père Gel » afin de rester dans l’orbe d’une pratique populaire ancienne.

Pourtant, dans beaucoup de pays du monde, une telle fête est inconnue. Soit parce qu’elle ne fait pas partie des coutumes, soit parce que sa célébration est hors de la portée de ceux qui n’ont rien.

Beaucoup, sur cette terre, ne savent rien de cette ancienne fête du solstice. Et –parmi ceux qui savent- beaucoup, ici et là, n’ont aucun moyen d’accéder aux grandes réjouissances. D’ailleurs, le cœur de l’hiver est funeste aux sans-abris.

D’autre part : qu’en est-il, aujourd’hui, du Noël des enfants palestiniens ? Qu’ils soient chrétiens ou musulmans, la fête est loin !

On songe aux paroles de la chanson (connue dans tout le monde arabe), chantée par la grande Fairûz (« madînatu s-salâT » : « la ville de la prière » –qui est Jérusalem):

« L’enfant dans la grotte
Et sa mère Maryam
Leurs deux visages pleurent »

La suite de la chanson est tragique. Elle reflète bien la situation actuelle. Que ceux qui ont la chance de se réjouir durant cette fête, aient une pensée pour la misère de ce monde où Jésus est né. Le paradoxe de Noël est là. Une fête de la lumière en un temps de grande obscurité. Une célébration de l’humble naissance de Jésus et une fête de la grande consommation.

Jacques Chopineau, Genappe, le 27 novembre 2004