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 Les chroniques



    Jean-Claude Barbier

 

 

 

   

 


Le christianisme en réseau

 

 

Les sociologues ont annoncé la fin de la chrétienté et la désertion des églises et temples. D’une façon générale, l’individuation de nos sociétés modernes n’est guère compatible avec des institutions centralisées, dogmatiques, qui exigent une adhésion et une pratique régulière.
Nos Eglises font partie d’une longue liste d’institutions victimes des temps modernes ou comme certains aiment le dire post modernes : les syndicats, les partis politiques, etc.
Elles ne constituent nullement une exception, bien que certaines aggravent leur cas comme l’Eglise catholique avec des mesures des plus réactionnaires (contre la pilule contraceptive, contre le condom, contre l’euthanasie à commencé par celui des embryons défectueux, contre le mariage des prêtres, contre l’accès des femmes à la prêtrise, etc. - ce qui fait beaucoup de « contre »). La plupart de nos contemporains ont opté pour l’engagement occasionnel, la fluidité des appartenances, le refus des luttes partisanes.

La plupart, mais non pas tous. Certains ont encore besoin d’encadrement social et moral, d’avoir des certitudes sur lesquelles ils puissent s’appuyer contre un monde qui leur semble aller à la dérive. Il faut bien reconnaître d’ailleurs que la libéralisation des mœurs à tout crin, qui conduit à une indifférenciation des valeurs et au laisser-aller, aboutit, comme toute idéologie poussée à l’extrême, à des comportements on ne peut plus absurdes qui ne manquent pas de faire la une des médias.
Les Eglises traditionalistes font églises pleines et l’Eglise catholique romaine post-Vatican II a effectué un reflux prudent et mise désormais sur l’enthousiasme d’un christianisme évangélique où Dieu - et Jésus - redeviennent les puissances tutélaires dont on a tant besoin dans notre vie quotidienne. L’organisation paroissiale continuera donc à fonctionner, avec des regroupements territoriaux afin d’assurer un effectif minimum et de faire face à ce qu’on appelle la crise des vocations.
Ce n’est donc pas la fin du catholicisme, ni celle du protestantisme, mais, en plus d’un dégraissage du mammouth, son recentrage sur des valeurs sûres, plutôt conservatrices. Tant pis pour ceux qui sont progressistes et lisent les Evangiles en tenant compte des recherches historiques et archéologiques ! Ils partent sur la pointe des pieds, demeurant au mieux des fidèles occasionnels pour les évènements du cycle de la vie lorsqu’ils éprouvent encore le besoin de rituels.

Les statistiques montrent que ces anciens pratiquants ne vont pas pour autant rejoindre le camp des athées, mais plutôt celui des croyants en Dieu plus sensibles aux spiritualités qu’aux religions, plus ou moins en marge des Eglises ou du moins des hiérarchies; une mouvance où la croyance raisonnable, le doute raisonné, voir l’agnosticisme, ne sont plus fustigés comme étant un manque de foi.
C’est dans cette mouvance non dogmatique que des voix s’élèvent pour dire leur attachement à la personne du rabbi Iéshoua’ de Nazareth, affirmer leur identité chrétienne et leur conviction en un dieu créateur du Monde et qui lui donne sens. C’est dans cette mouvance que se constituent des communautés désormais libres à l’image des premières ecclesia chrétiennes de l’Antiquité.

Et puis, ces communautés se sont mises en réseaux, volontairement, gardant leurs spécificités au sein de fédérations souples. Ce sont les « parvis » en France (la Fédération des réseaux du parvis), les « pavés » en Belgique (Pour un autre visage d'Église et de société), les « nous sommes aussi l’Eglise » dans plusieurs pays européens, etc.
À l’échelle de l’Europe en construction existe maintenant le Réseau européen Eglise libre (REEL). Des nouveaux chrétiens qui s’acceptent avec leurs différences, leurs divers charismes, les complémentarités de leurs engagements temporels, l’arc-en-ciel de leurs convictions, leurs langages multiples...

Ah, j’oubliais, ce nouveau christianisme, en réseau, n’a nullement besoin d’un pape ! D’ailleurs les chrétiens des premiers siècles ne s’en sont-ils pas passé ? Nous savons que Pierre fait premier pape est plus qu’une légende ; l’une des manipulations les plus éhontées de l’histoire et pourtant toujours affirmée par le Vatican dans sa longue liste de souverains …

Par contre ce christianisme en réseau s’appuie avec efficacité sur l’outil Internet : les messageries et les sites fonctionnent à plein régime. Les écrits de ces nouveaux chrétiens circulent comme autant d’épîtres de Pierre, de Paul, de Jean, de Jacques, etc. Tout un travail souterrain, quasi clandestin, commencé au lendemain de Vatican II lorsqu’il s’avéra évident que l’Eglise catholique arrêtait sa réforme et son projet oecuménique. Un jour viendra, bientôt, où ces disciples de Jésus sortiront des catacombes pour s’affirmer en plein jour. Alors les médias, tout étonnés, les mettront à la une comme le vin nouveau du christianisme.

Jean-Claude Barbier, Bordeaux le 21 novembre 2004
Secrétaire général de l'Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU).