Les sociologues ont annoncé la
fin de la chrétienté et la désertion
des églises et temples. D’une façon générale,
l’individuation de nos sociétés modernes
n’est guère compatible avec des institutions
centralisées, dogmatiques, qui exigent une adhésion
et une pratique régulière.
Nos Eglises font partie d’une longue liste d’institutions
victimes des temps modernes ou comme certains aiment le dire
post modernes :
les syndicats, les partis politiques, etc.
Elles ne constituent nullement une exception, bien que certaines aggravent
leur cas comme l’Eglise catholique avec des mesures des plus réactionnaires
(contre la pilule contraceptive, contre le condom, contre l’euthanasie à commencé par
celui des embryons défectueux, contre le mariage des prêtres,
contre l’accès des femmes à la prêtrise, etc. - ce
qui fait beaucoup de « contre »). La plupart de nos contemporains
ont opté pour l’engagement occasionnel, la fluidité des
appartenances, le refus des luttes partisanes.
La plupart, mais non pas tous.
Certains ont encore besoin d’encadrement social et
moral, d’avoir des certitudes sur lesquelles ils puissent
s’appuyer contre un monde qui leur semble aller à la
dérive. Il faut bien reconnaître d’ailleurs
que la libéralisation des mœurs à tout
crin, qui conduit à une indifférenciation des
valeurs et au laisser-aller, aboutit, comme toute idéologie
poussée à l’extrême, à des
comportements on ne peut plus absurdes qui ne manquent pas
de faire la une des médias.
Les Eglises traditionalistes font églises pleines et l’Eglise
catholique romaine post-Vatican II a effectué un reflux prudent et mise
désormais sur l’enthousiasme d’un christianisme évangélique
où Dieu - et Jésus - redeviennent les puissances tutélaires
dont on a tant besoin dans notre vie quotidienne. L’organisation paroissiale
continuera donc à fonctionner, avec des regroupements territoriaux afin
d’assurer un effectif minimum et de faire face à ce qu’on
appelle la crise des vocations.
Ce n’est donc pas la fin du catholicisme, ni celle du protestantisme,
mais, en plus d’un dégraissage du mammouth, son recentrage sur
des valeurs sûres, plutôt conservatrices. Tant pis pour ceux qui
sont progressistes et lisent les Evangiles en tenant compte des recherches
historiques et archéologiques ! Ils partent sur la pointe des pieds,
demeurant au mieux des fidèles occasionnels pour les évènements
du cycle de la vie lorsqu’ils éprouvent encore le besoin de rituels.
Les statistiques montrent que
ces anciens pratiquants ne vont pas pour autant rejoindre
le camp des athées, mais plutôt celui des croyants
en Dieu plus sensibles aux spiritualités qu’aux
religions, plus ou moins en marge des Eglises ou du moins
des hiérarchies; une mouvance où la croyance
raisonnable, le doute raisonné, voir l’agnosticisme,
ne sont plus fustigés comme étant un manque
de foi.
C’est dans cette mouvance non dogmatique que des voix s’élèvent
pour dire leur attachement à la personne du rabbi Iéshoua’ de
Nazareth, affirmer leur identité chrétienne et leur conviction
en un dieu créateur du Monde et qui lui donne sens. C’est dans
cette mouvance que se constituent des communautés désormais libres à l’image
des premières ecclesia chrétiennes de l’Antiquité.
Et puis, ces communautés
se sont mises en réseaux, volontairement, gardant
leurs spécificités au sein de fédérations
souples. Ce sont les «
parvis » en France (la Fédération
des réseaux du parvis), les « pavés » en
Belgique (Pour un autre visage d'Église et de société),
les « nous sommes aussi l’Eglise » dans
plusieurs pays européens, etc.
À l’échelle de l’Europe en construction existe maintenant
le Réseau européen Eglise libre (REEL). Des nouveaux chrétiens
qui s’acceptent avec leurs différences, leurs divers charismes,
les complémentarités de leurs engagements temporels, l’arc-en-ciel
de leurs convictions, leurs langages multiples...
Ah, j’oubliais, ce nouveau
christianisme, en réseau, n’a nullement besoin
d’un pape ! D’ailleurs les chrétiens des
premiers siècles ne s’en sont-ils pas passé ?
Nous savons que Pierre fait premier pape est plus qu’une
légende ; l’une des manipulations les plus éhontées
de l’histoire
et pourtant toujours affirmée par le Vatican dans sa longue liste de
souverains …
Par contre ce christianisme
en réseau s’appuie avec efficacité sur
l’outil Internet : les messageries et les sites fonctionnent à plein
régime. Les écrits de ces nouveaux chrétiens
circulent comme autant d’épîtres de Pierre,
de Paul, de Jean, de Jacques, etc. Tout un travail souterrain,
quasi clandestin, commencé au lendemain de Vatican
II lorsqu’il s’avéra évident que
l’Eglise catholique arrêtait sa réforme
et son projet oecuménique. Un jour viendra, bientôt,
où ces disciples de Jésus sortiront des catacombes
pour s’affirmer en plein jour. Alors les médias,
tout étonnés, les mettront à la une
comme le vin nouveau du christianisme.
Jean-Claude Barbier,
Bordeaux le 21 novembre 2004
Secrétaire général
de l'Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens
(AFCU).
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