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Le rectangulaire de 3
Le nombre 12 (et ses dérivés)
est un des nombres souvent utilisés dans les écrits
bibliques : 12 fils de Jacob, 12 tribus, 12 apôtres,
12 portes de la Jérusalem céleste… Ce
nombre joue un rôle central. Entre parenthèses,
le drapeau européen compte également 12 étoiles.
Peu de personnes se sont avisées de l’origine
lointaine de ce qui peut paraître aujourd’hui
comme une bizarrerie…
Du point de vue formel, il s’agit d’un
nombre rectangulaire (voir sur ce site : l’introduction
aux nombres dans la Bible). C’est le rectangulaire
de 3 :
Dans les vieilles représentations, 3
réfère à la réalité verticale
(ciel, terre, enfer), ou (variante assyro-babylonienne) :
ciel, espace intermédiaire, terre. Tandis que 4 réfère
au monde horizontal :la totalité du monde humain
(les 4 points cardinaux qui sont les 4 vents de l’esprit).
4 réfère ainsi aux "quatre
parties du monde" dans la titulature des souverains assyriens
ou, dans la Bible, 4 fleuves qui sortent du Paradis et arrosent
toute la terre. Ces deux nombres, composés, donnent
12, celui du monde terrestre orienté vers le ciel.
Par addition, 3 + 4 = 7, lequel 7 est le nombre de la totalité
Dans l’usuelle numération sexagésimale
des anciens sémites (un héritage sumérien
que les akkadiens ont transmis à l’ancien monde
sémitique dont les hébreux font partie), 12 est
le cinquième de l’unité 60. C’est
symboliquement le 1/5 de l’humanité - celle qui
est distinguée, mise à part, « sauvée »…
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Les 144.000 élus
Les nombres figurés de racine symbolique
12 sont beaucoup moins connus : si le triangulaire joue relativement peu de rôle dans le cas du nombre
12, par contre, le carré (144) est utilisé.
Ou plutôt, mille fois le carré; 144.000 désignant
le nombre des élus : «
Et j’entendis le nombre de ceux qui avaient été
marqués du sceau : 144.000, de toutes les tribus des israélites.»
Apocalypse 7,4
Chiffre symbolique qui, pris à la lettre
(ce que certains font !), ne signifie rien. Il est clair
que la racine symbolique est 12, ainsi que tous alors le comprennent.
12 est la marque de cette partie de l’humanité
dont la patrie n’est pas de ce monde (4), mais du ciel
(3), tout en ayant "ici-bas" une demeure provisoire
(cf Hébreux 11,14-16).
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Le temple de Salomon
Mille fois le carré se retrouve ailleurs,
dans un contexte très différent puisqu’il
s’agit du Temple de Salomon. Le rappel qui suit ne vise
qu’à signaler une similitude dans l’emploi
de la multiplication par 1.000 (et non sur le nombre
12, évidemment) : «
La maison que le roi Salomon bâtit pour le Seigneur
avait 60 coudées de longueur, 20 de largeur et 30 coudées
de hauteur.» 1 Rois 6,2
60 x 20 x 30 = 36.000 soit : 62 x 1.000
36.000 coudées cubiques pour le Temple
qui - comme tous les temples - doit être un résumé
de la création. En 6 « jours »
fut créé tout ce qui existe.
Dans cette utilisation qualitative des nombres,
le carré exprime l’exaltation, le paroxysme,
la culmination de l’idée exprimée par
le nombre-racine. La multiplication par le grand nombre 1.000
(ou même 10.000 : voir infra)
suggère un achèvement
absolu.
Si le nombre-racine symbolique est 12, les « 144.000 élus » (mille fois le
carré de 12) sont la multitude affectée du chiffre
12 (joignant ciel et terre): la totalité de l’église…
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La pêche miraculeuse
Notons que la même totalité est
suggérée d’une toute autre manière
dans un passage de l’Evangile de Jean (ce qui montre
que l’utilisation qualitative et symbolique des nombres
n’a rien à voir avec une utilisation quantitative
et arithmétique des mêmes nombres) : il s’agit
du récit de la pêche miraculeuse (Jean 21. Et
peu importe ici de savoir quel est l’auteur ou la date
de cette tradition, notre souci est de comprendre l’intention
du texte : « Simon Pierre
monta dans le bateau et tira à terre le filet, plein
de 153 gros poissons…» Jean 21,11
Ce nombre 153 a suscité bien des tentatives
d’explication, quelques unes sont fantaisistes et parfois
délirantes. La réalité paraît cependant
simple : ces 153 gros poissons désignent la totalité
de l’église.
Quelques anciens (dont St Augustin) avaient
bien vu que ce nombre est un triangulaire (153 = T17), mais
pourquoi 17 ? Il faut ici faire la figure pour visualiser
ce qui est signifié. Soit un grand triangle qui comporte
dix-sept lignes. De 1,2,3…. 15,16 17 cailloux.
Première et deuxième lignes (1
+ 2) forment un petit triangle de trois cailloux figurant
le sommet et la pierre angulaire de l’ensemble.
Les trois lignes suivantes (3 + 4 + 5 = 12)
désignent les douze apôtres dépendant
de la pierre angulaire et appuyés sur elle. Notons
que la mesure des côtés du triangle "cosmique"
des pythagoriciens aurait comme mesures ces mêmes nombres :
3 (petit côté), 4 (grand côté) et
5 (hypoténuse). Ces dimensions sont connues empiriquement
(en Égypte, par exemple) longtemps avant que Pythagore
ne formule son fameux théorème…
Les 12 lignes suivantes (de 6 à 17) figurent
la multitude de l’église appuyée sur les
12 apôtres, lesquels se fondent sur la pierre angulaire.
Au total, le triangle compte 153 cailloux, lesquels
- dans le récit de Jean 21 - sont 153 « gros
poissons ». La figure du grand triangle donne la
signification du récit, au delà de la lettre…
L’arithmétique n’est ici intéressante
que dans la mesure où le symbole est perçu.
Mais rien n’empêche, évidemment, de lire un texte "au premier degré"…
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Ninive, la grande
Le livret de Jonas présente un cas de
nombre 12 affecté du très grand multiplicateur
10.000 : «… Ninive,
la grande ville, où il y a plus de douze myriades d’humains
qui ne savent pas distinguer leur gauche de leur droite…»
Jonas 4,13
Beaucoup de traductions restituent : 120.000.
Le texte original dit cependant « douze myriades »
(12 x 10.000), ce qui est arithmétiquement identique,
mais symboliquement tout différent. La grande ville
sauvée de la destruction est marquée du chiffre
12.
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Le bateau du Livre des Actes
Pour en revenir aux nombres figurés,
signalons un cas d’hexagonal fourni par un passage du
livre des Actes : « Nous
étions dans le bateau 276 personnes en tout »
Actes 27,37
La racine symbolique est 12 (H12 = 276), ce
qui est un nombre bien approprié ici puisqu’il
s’agit des passagers destinés à être
sauvés. La nef est aussi, dans ce contexte, une figure
de l’église.
Il faut évidemment se souvenir de la
manière très simple par laquelle on trouve les
nombres figurés. Le calcul se fait de tête tant
il est facile, pour autant qu’on sache ce qu’il
convient d’additionner. Le nombre-racine 12 a pour triangulaire
78, pour carré 144, pour pentagonal 210 et pour hexagonal
276. Le gnomon de la
série est ici 66 (= T11), soit le triangulaire du nombre
précédent (Tn-1).
Ce qui est clair est que ce qui est signifié par le nombre 12 est symboliquement important, même
si une signification identique est indiquée par un
nombre différent. L’exactitude symbolique pèse
ici d’un poids plus lourd qu’une exactitude arithmétique.
Jacques Chopineau,
Genappe, le 26 juillet 2003
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