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                                        Bible et Liberté  

Lire la Bible - 15. L'inépuisable lecture Imprimer


Jacques Chopineau

La Bible constamment se relit elle-même et, ainsi, se relie elle-même dans toutes ses parties. Des textes d’anciennes lois sont relus, c’est à dire actualisés, par la voix des prophètes. D’autres textes, souvent plus récents, expriment la voix des sages, des lévites chantres ou enseignants, du peuple.

Il arrive plusieurs fois qu’un même événement passé soit l’objet de jugements différents. Par exemple, la figure du grand roi David est bien différente selon le deuxième livre de Samuel et selon le premier livre des Chroniques. Dans le premier cas, le grand roi n’est pas exempt de terribles défaillances; dans le second, le grand David est le roi idéal vers l’image duquel la piété lévitique est orientée, en un temps où il n’y a plus ni royauté, ni indépendance nationale, ni même de peuple réuni. De même, le terrible exil babylonien, interprété plus souvent comme un châtiment, fait l’objet d’un jugement tout différent selon d’autres textes : « Tu nous livre comme petit bétail de boucherie et parmi les nations tu nous as disséminés…Tout cela nous est advenu et nous ne t’avions pas oublié, nous n’avions pas trahi ton alliance...» (23).

Plusieurs fois, des questions centrales comme celle de la rétribution (le châtiment des méchants, la récompense des justes...) font l’objet d’interrogations : « Voici ce que sont les méchants. Toujours tranquilles, ils accroissent leurs richesses. C’est donc en vain que j’ai gardé mon cœur pur et que je lave mes mains dans l’innocence !» (24).

Un même événement n’est pas perçu de la même manière par tous les croyants, surtout en des époques différentes. Un même texte n’est pas «relu» de la même manière en des époques différentes, dans des milieux différents. Bref, il est impossible de réduire la Bible à une perspective de lecture «biblique»: il n’y a pas davantage, et c’est heureux, une seule lecture de ces textes, valable en tous temps. Et pas davantage une méthode d’approche qui soit indiscutable, même si elle se pare des prestiges d’une science particulière.

Il n’y a jamais eu, même à époque ancienne, une seule lecture parce que toute lecture est une «relecture». Le Nouveau Testament est aussi une relecture de la Bible hébraïque! Dans la lecture chrétienne, les deux «Testaments» sont liés entre eux par une lecture unifiante. C’est la lecture qui unit les textes divers de ce corpus canonique. Et il n’existe pas de lecture qui puisse faire abstraction du lecteur.

Jacques Chopineau, Lire la Bible, Ed. de l'Alliance, Lillois, 1993, p.39-40

(23) Psaume 44/12-18
(24) Psaume 73/12s