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Bible et Liberté |
Lire la Bible - 15. L'inépuisable lecture | Imprimer |
La Bible constamment se relit elle-même et, ainsi,
se relie elle-même dans toutes ses parties. Des textes d’anciennes
lois sont relus, c’est à dire actualisés, par la voix
des prophètes. D’autres textes, souvent plus récents,
expriment la voix des sages, des lévites chantres ou enseignants,
du peuple. Il arrive plusieurs fois qu’un même événement
passé soit l’objet de jugements différents. Par exemple,
la figure du grand roi David est bien différente selon le deuxième
livre de Samuel et selon le premier livre des Chroniques. Dans le premier
cas, le grand roi n’est pas exempt de terribles défaillances;
dans le second, le grand David est le roi idéal vers l’image
duquel la piété lévitique est orientée, en
un temps où il n’y a plus ni royauté, ni indépendance
nationale, ni même de peuple réuni. De même, le terrible
exil babylonien, interprété plus souvent comme un châtiment,
fait l’objet d’un jugement tout différent selon d’autres
textes : « Tu nous livre comme petit bétail de boucherie
et parmi les nations tu nous as disséminés…Tout cela
nous est advenu et nous ne t’avions pas oublié, nous n’avions
pas trahi ton alliance...» (23). Plusieurs fois, des questions centrales comme celle de la
rétribution (le châtiment des méchants, la récompense
des justes...) font l’objet d’interrogations : « Voici
ce que sont les méchants. Toujours tranquilles, ils accroissent
leurs richesses. C’est donc en vain que j’ai gardé
mon cœur pur et que je lave mes mains dans l’innocence !» (24). Un même événement n’est pas perçu
de la même manière par tous les croyants, surtout en des
époques différentes. Un même texte n’est pas
«relu» de la même manière en des époques
différentes, dans des milieux différents. Bref, il est impossible
de réduire la Bible à une
perspective de lecture «biblique»: il n’y a pas davantage,
et c’est heureux, une
seule lecture de ces textes, valable en tous temps. Et pas davantage une méthode d’approche qui soit indiscutable,
même si elle se pare des prestiges d’une science particulière. Il n’y a jamais eu, même à époque ancienne, une seule lecture parce que toute lecture est une «relecture». Le Nouveau Testament est aussi une relecture de la Bible hébraïque! Dans la lecture chrétienne, les deux «Testaments» sont liés entre eux par une lecture unifiante. C’est la lecture qui unit les textes divers de ce corpus canonique. Et il n’existe pas de lecture qui puisse faire abstraction du lecteur. Jacques Chopineau, Lire la Bible, Ed. de l'Alliance, Lillois, 1993, p.39-40 (23) Psaume 44/12-18 |