-->
Bible et Liberté |
Lire la Bible - 11. La diversité des textes | Imprimer |
On sait que toutes les pages du Nouveau Testament contiennent
allusions, réminiscences ou citations de ce que nous appelons l’Ancien
Testament. Et de même qu’on ne construit pas une maison en
commençant par le deuxième étage, de même,
on ne peut comprendre le Nouveau Testament sans lire et relire ce qui
en fait le fondement, la base, la référence permanente :
les Écritures! De quel genre de texte s’agit-il ? Une lecture ne peut jamais avoir lieu sans référence
au statut du texte, pour un lecteur donné. Certes, le même
texte peut avoir des statuts différents selon les lecteurs. Tel
texte peut être poétique pour les uns et sacré pour
les autres. Homère ou Dante ont été lus de manières
différentes au cours de l’histoire, et parfois comme des
textes religieux. Inversement, l’étonnante création
littéraire qu’est le Coran n’est texte religieux que
pour les croyants musulmans. La Bible, de même, n’est qu’un
corpus documentaire pour tel spécialiste de l’ancien Moyen-Orient. Dès lors, va-t-on pouvoir dire «scientifiquement» comment le texte «produit du sens» : peut-on attendre d’un non-musulman qu’il dise à des musulmans comment le Coran produit du sens ? Ou qu’un non-chrétien enseigne aux chrétiens comment un texte de la Bible produit du sens ? Cela ne pourrait se faire qu’en restant à la surface du texte et par un exercice de réflexion, en faisant abstraction du lecteur. De même, la lumière est réfléchie par une surface sans pénétrer à l’intérieur de ce qu’elle éclaire. Et qu’est-ce-que le sens d’un texte ? Dans le langage juridique, l’univocité (13)
de l’énoncé est, en principe, visée sinon atteinte.
Jamais atteinte absolument puisqu’il faut toujours à nouveau
interpréter l’intention du législateur. D’ailleurs,
les lois changent selon les temps et les lieux. Et l’interprétation
des textes, de même, change selon les états de la société.
Il reste qu’en principe un texte a un seul sens. Un sens qu’il
convient cependant de déterminer en fonction d’un cas particulier.
On voudrait parfois que la Bible soit lue comme s’il
s’agissait d’un texte juridique: une loi générale
dont il faudrait éventuellement extraire le sens particulier dans
une situation historique donnée. Les institutions ont toujours
eu une tendance légaliste! Et que dire du langage poétique ? Ou bien
la Bible est-elle un simple répertoire de «contenus»
comme semble le supposer une certaine théorie dite de «l’équivalence
dynamique»? Dans ce cas, la Bible pourrait être traduite en
faisant abstraction des formes dans lesquelles elle est transmise. C’est
alors qu’une traduction pourrait être considérée
comme source et fondement d’enseignements doctrinaux, lesquels à
leur tour pourraient être traduits… Mais si la Bible n’est pas un livre scientifique, ni juridique : quel est donc le statut de cette bibliothèque pour ceux qui s’y réfèrent ? Nous parlons à présent de la Bible en tant que texte lu par des croyants : un texte qui a le statut de «parole de Dieu»… en langage humain. Ce qui commande la lecture de la Bible est évidemment le statut de la Bible pour le lecteur. Jacques Chopineau, Lire la Bible, Ed. de l'Alliance, Lillois, 1993, p.26-28 (12) Obvie : évident, qui se présente
tout naturellement à l'esprit. ndlr. |