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Bible et Liberté |
Lire la Bible - 10. Un texte démontable ? | Imprimer |
Osons un paradoxe apparent : le sens du texte n’est pas dans le texte. Comme dans la fable du trésor caché dans le champ, il n’y a pas de «trésor» dans le champ. Mais il n’y a pas non plus de trésor en dehors du champ. Où donc est le trésor ? Il est dans le travail accompli pour retourner le champ et l’ensemencer. C’est alors que le champ se met à produire! Le sens du texte n’est pas dans le texte, mais dans
la lecture du texte. Or, il ne saurait y avoir de lecture sans lecteur.
Cela nous avertit d’emblée contre toutes les «méthodes»
qui se donneraient pour tâche de tirer du texte un sens «objectif»
ou encore (langage plus moderne) de «démonter le texte pour
voir comment il fonctionne». Un texte ne «fonctionne»
pas : la lecture le fait fonctionner. Il ne produit pas de sens, mais
la lecture, seule, du texte «produit du sens». Et sans lecteur
: y aurait-il encore une lecture ? À quoi la chose est-elle semblable ? Par contre, nous y reviendrons, le lecteur est «situé»
historiquement, culturellement, religieusement. C’est cette «situation»
qui est le contexte de la lecture. Et la lecture de la Bible comme Bible
n’est pas simplement l’étude d’un corpus documentaire.
L’étude dépend évidemment de la connaissance
des derniers travaux sur le texte, mais ce n’est pas la Bible «Parole
de Dieu» qui est l’objet d’enquêtes philologiques. On dit souvent que la lecture de la Bible nourrit la foi du lecteur. Bien sûr, mais il est vrai aussi que c’est que cette foi qui nourrit la lecture: à chaque «foi» correspond un certain type de lecture. Dis-moi quelle est ta foi, je te dirai quelle est ta lecture, savante ou non. Plutôt que le contraire. Afin de restituer au lecteur sa lecture, le premier pas
est de reconnaître au lecteur la part de son propre travail sur
le texte biblique : avec ses propres connaissances, ses propres interrogations,
ses propres limites. Pour l’essentiel, presque rien de son propre
travail ne peut être remplacé par le travail d’un autre.
De même que celui qui doit travailler son propre champ ne peut se
prévaloir du travail accompli, même avec des moyens impressionnants,
dans le champ voisin. Ainsi, les études peuvent informer, éclairer, enrichir ma lecture, mais rien ne pourra jamais la remplacer finalement. Jacques Chopineau, Lire la Bible, Ed. de l'Alliance, Lillois, 1993, p.24-25 |