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 Bible et liberté



    Jacques Chopineau

 

- Un psaume acrostiche

- Louanges

- Bref commentaire

 

 

   

 


Psaume 111

 

 

Un psaume acrostiche

Les 150 psaumes (en cinq livres) sont de divers genres littéraires : louanges, lamentations, plaintes (individuelles ou collectives), hymnes……. Les dates de composition sont d’ailleurs aussi diverses que les formes.

D’autre part, de nombreux textes, dont la source est ancienne, ont été revus et modifiés à une époque tardive et se font écho de préoccupations et d’affirmations relatives à une nouvelle époque historique.

D’autres psaumes, comme le psaume 111, sont dits « de sagesse ». Cette appellation habituelle devrait être précisée. C’est d’enseignement qu’il s’agit. Un enseignement traditionnel, considéré comme fondamental. En ce domaine, il importe d’offrir à chacun un enseignement adapté à son âge, à son milieu, à sa sagesse expérimentale particulière.

Parmi ces textes, destinés à être connus par cœur, un point d’appui pour la mémoire est parfois constitué par l’alphabet. De là, cette forme acrostiche, utilisée ailleurs (Psaumes 112, 119 et autres… ). Chaque vers, ou hémistiche, ou strophe, devra commencer par une lettre de l’alphabet, dans un ordre fixe, connu dès l’enfance.

Un fidèle dont la mémoire est, depuis longtemps, entraînée, pourra savoir par cœur un texte long où chaque strophe commence par une lettre de l’alphabet (ainsi l’immense Psaume 119).

Dans le psaume 111, par contre, chaque hémistiche commence par une lettre de l’alphabet. De sorte que la mémorisation est facile. Il suffit de savoir l’alphabet pour que les mots et les versets se suivent, grâce à ce point d’appui. Le texte s’incruste dans la mémoire du fidèle, ce qui n’étonnera que des modernes peu habitués à utiliser les ressources fantastiques de la mémoire.

Cette destination vers un enseignement fondamental pour un public jeune est souvent méconnue par les modernes études savantes. Il est vrai que, dans la suite des temps, cette destination première aura moins d’importance. Le texte, en effet, sera lu comme un enseignement fondamental pour tous, du fait de son inclusion dans le grand répertoire des textes sacrés.

Ainsi, le grand commentateur Rachi citera un verset de ce psaume 111, pour justifier par l’Ecriture, la conquête du pays de Canaan par les hébreux sortant d’Egypte. Pourquoi la Bible commence-t-elle par le récit de la création ? C’est que la terre appartient à Dieu : Il la donne à qui Il veut !

« Pour leur donner l’héritage des nations »Psaume 111,6

Par parenthèse, il est intéressant de noter qu’à l’époque de Rachi (champenois du 11ème siècle), se posait déjà la question des terres conquises jadis.

Ne voir là, cependant, aucun argument en faveur de l’actuelle politique de l’état d’Israël. Le commentateur invoquait le récit biblique de la création du monde et non la force des armes. Les temps changent….

Louanges 

On sait que les « psaumes » (mot gréco-latin) sont, en hébreu, des
« louanges » (tehillim). Et ainsi commence le psaume 111 : « je louerai » (ce qui commence par la première lettre de l’alphabet : aleph).

C’est la même racine (hll) qui est celle du mot « halleluya ». Ce dernier mot –bien connu des chrétiens- est l’impératif pluriel du verbe « louer » en hébreu, auquel est ajoutée l’abréviation du nom divin (Yah).

Ce même mot, d’ailleurs, figure en tête des psaumes 111 et 112. « Halleluya » signifie exactement : « louez Dieu ». Voilà bien un verbe dont le sens est étranger aux modernes ! Dans les siècles précédents, on a loué le Panthéon, l’empereur, le roi… De nos jours, on louera le pouvoir inspiré, le grand chef charismatique….. voire la réussite matérielle.

Mais « louer Dieu » a un sens différent. La louange n’est jamais dirigée vers le passager, le mortel, le provisoire. Quelle que soit sa grandeur actuelle, toute domination est destinée à passer. Les empires sont mortels. Les civilisations passent. Les puissances n’ont qu’un temps.

Concrètement, on peut bien se réjouir de la réussite de tel ou tel plan, de telle entreprise, de telle « juste » domination… Tout cela est, d’ailleurs, une manière de se louer soi-même. Mais la louange biblique n’est dirigée que vers l’immortel. En cela, elle est largement étrangère à nos ambitions.

Le monde a un sens. Son organisation provisoire n’en a pas. Comme le disait un sage : il y a un but, mais pas de chemin. Ou bien : son chemin n’est pas visible, ou ne l’est que le temps d’un éclair !

Bref commentaire  

Les commentaires sont nombreux. Il n’est sans doute pas utile d’en ajouter un. Sauf cependant pour attirer l’attention sur la finale : les trois derniers hémistiches (rèch, sin, taw) :

Crainte de Dieu : commencement de la sagesse
Bon sens de tous ceux qui s’en inspirent
Sa louange dure à jamais

Aussi peu « actuelle » que la louange, la crainte de Dieu est étrangère à nos conceptions. Cependant, dans le langage biblique, les deux vont ensemble. Notons que le grand « hymne à la sagesse » (Job 28) termine par cet éloge de la crainte de Dieu.

Il est, pour nous, habituel de craindre la guerre, la souffrance, la pauvreté, les contraintes des puissants… bref, les craintes sont nombreuses, mais la crainte de Dieu signifie tout autre chose.

Rappelons qu’il ne s’agit pas de peur, mais de crainte révérentielle. C’est pourquoi les croyants étaient désignés sous le titre de « craignants Dieu ». Et cette « crainte » a pu les conduire à ne pas craindre le roi ou l’empereur.

Loin de tous les dogmatismes et intégrismes, cette religion n’écarte personne. Et la « crainte » est le commencement de ce long chemin dont la fin s’appelle « sagesse ». Pas de sagesse sans crainte ; pas d’avancée sans louange. C’est ce que rappelle la finale de ce psaume : « Sa louange » (tehillato) dure à jamais », prolongeant l’halléluya du titre.

Dans ces textes anciens, c’est là un lien fondamental qu’il est impossible de ne pas percevoir. Nous pouvons, certes, changer de vocabulaire. Surtout si ce vocabulaire nous semble trop lié à une conception religieuse qui nous est étrangère –voire adverse. L’histoire ne peut être refaite.

Mais notre réalité humaine n’est pas bornée au seul vocabulaire, ni aux événements de notre passé. Le corps n’est pas le vêtement. Et si le vêtement gêne : ôtons-le. Que l’essentiel, cependant, soit préservé, en tous temps.

Jacques Chopineau, Genappe, le 21 août 2007