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 Bible et liberté



    Jacques Chopineau

 

- Simplicité

- Se connaître et connaître Dieu

- Permanence du religieux

 

 

   

 


Augustin-Calvin

 

 

Simplicité

Aucun penseur des origines chrétiennes n’a autant marqué les réformateurs que Saint Augustin. Luther était d’ailleurs, à l’origine, un moine augustin. Devenu guide d’une nouvelle église, il dit : « En dehors du seul Augustin, l’aveuglement des Pères est grand ! ».

Mais c’est à Calvin qu’il est ici fait brièvement référence. Le grand réformateur français a beaucoup lu et médité les écrits de Saint Augustin. Ce Calvin qui affirmait ne rien dire qui n’ait été dit, déjà, par Saint Augustin. Quoiqu’il en soit de cette opinion, relevons simplement qu’elle a été exprimée par un réformateur qui entendait –après des siècles de doctrine et d’église souveraine- revenir aux sources du christianisme.

Les points de contact sont évidemment nombreux entre le maître (Saint Augustin) et le disciple (Calvin). Un seul point est ici envisagé : le premier pas de ce long chemin appelé « connaissance ».

Ce retour à l’essentiel est –avec la nécessaire simplicité de l’expression- une préoccupation permanente des réformateurs. L’essentiel doit toujours pouvoir être dit simplement. Comme lorsque Jésus préchait.

Les ajouts des siècles postérieurs doivent tous pouvoir être examinés de façon critique - à la lumière de l’intellect. Et une pensée claire ne doit pas être exprimée en un langage obscur. D’autre part, cependant, la simplicité peut être profonde. Le silence même l’est parfois.

Se connaître et connaître Dieu   

On cite souvent le fameux « noverim me noverim te » (« que je me connaisse ; que je te connaisse ») de Saint Augustin. Mais on a souvent oublié le contexte de ces paroles. Il s’agit d’un « soliloque » dans lequel Saint Augustin, parlant avec lui-même, dans un moment difficile, exprime ce qui
est - à ses yeux - la prière la plus essentielle :

- R: Prie donc, le plus brièvement et le plus parfaitement qu’il te sera possible.
- A: Dieu, toujours le même : Fais que je me connaisse et que je te connaisse. Prière est faite.
(1)

Double connaissance qu’aucun discours, jamais, n’épuise. Sans source, fleuve et estuaire n’existeraient pas. Et donc sans « connaissance » aucune « foi » ne peut exister. Religion n’est pas doctrine. L’habit n’est pas le corps. Revenons toujours au premier pas.

Une œuvre essentielle du jeune Calvin est l’«Institution de la religion chrétienne ». Première édition (latine) en 1536 (à Bâle) ; première édition française en 1541. A l’âge de 26 ans, Calvin entreprit cette « Institution » qu’il dédia au roi de France (François 1er).

En ces temps troublés, le jeune réformateur veut dire ce qu’il lui paraît essentiel de rappeler, le plus clairement possible. Citons le début du premier chapitre de cette œuvre :

« Toute la somme presque de notre sagesse, laquelle, à tout compter, mérite d’être réputée vraye et entière sagesse, est située en deux parties : c’est qu’en cognoissant Dieu, chacun de nous aussi se congnoisse. Au reste, combien qu’elles soyent unies l’une à l’autre par beaucoup de liens, si n’est-il pas toutesfois aisé à discerner laquelle va devant et produit l’autre » (2)

Se connaître afin de connaître Dieu ou bien connaître Dieu afin de se connaître ? Le réalisme de Calvin lui interdit de dire laquelle de ces deux connaissances engendre l’autre. Ce serait d’ailleurs une définition purement verbale.

Calvin ne fait que dire, en français, ce qu’Augustin disait en latin -chacun dans son style propre (et la concision latine ne peut être imitée !). Au-delà des siècles, et malgré des cultures parfois bien différentes, l’un et l’autre se réfèrent au même enseignement biblique et à la même personne de Jésus.

Permanence du religieux  

Evidemment, la religion actuelle n’est pas celle des siècles passés. Et la religion de Calvin est datée –au moins dans son expression. D’ailleurs, l’intransigeance du réformateur serait, aujourd’hui, très inactuelle. La tolérance n’était pas une attitude courante, en ces temps de guerres des religions. Cependant, plusieurs fois, Calvin a mis le doigt sur l’essentiel. Les termes peuvent être datés, mais la réalité est la même. Et chez un profond penseur, la simplicité n’exclut jamais la justesse de vue.

Mais aujourd’hui, les dogmatismes sont devenus étrangers à notre manière de percevoir le religieux. En sorte que « pour » ou « contre » relèveraient
l’un et l’autre de combats d’arrière-garde. Les affirmations doctrinales font, certes, partie de l’histoire, mais elles ne sont plus guère senties comme essentielles.

Certes, un Calvin ne pouvait pas, à son époque, penser Dieu autrement que comme une sorte de super-être distinct du monde des hommes. Et donc, il ne pouvait qu’exclure quiconque n’adhérait pas à cette vue. Revenons à la source –c’est-à-dire au premier pas de cette « connaissance ».

Ce « premier pas » est en nous et hors de nous. Tout à la fois. Non pas comme une pensée (qui est unidirectionnelle), mais plutôt comme une sensation. Tournée vers moi et –dans le même temps- vers ce qui n’est pas moi. Et peu importe ici que cet Autre soit défini (par la pensée) de telle ou telle manière.

Croyants et incroyants sont ici logés à la même enseigne. Les représentations « religieuses » traditionnelles sont aujourd’hui de peu de poids –lors même qu’elles ont jadis été déterminantes.

L’erreur - aujourd’hui comme hier - serait de croire que cette « connaissance » est de l’ordre de la pensée. Ce qu’on appelle « foi » n’est pas de caractère discursif. La foi n’est pas une croyance particulière. Pas plus que le vêtement n’est le corps - que, pourtant, il habille pour le regard. De même, la prière n’est pas dans les paroles qui apparemment la portent.
Il importe de revenir à la source ou - pour le dire autrement - au commencement.

Jacques Chopineau, Genappe le 10 août 2006  

(1) Citons le texte latin :
- R: Itaque ora brevissime ac perfectissime quantum potes
- A: Deus semper idem, noverim me noverim te. Oratum est ».

Soliloquia II,1,1.
(2) Jehan Calvin : Institution de la religion chrétienne, Tome I, chapitre 1 (Paris 1859 -Edition Meyrueis)