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 Bible et liberté



    Jacques Chopineau

 

 

 

 

   

 


Qui me sonde ?

 

 

« Le Seigneur sonde le juste et le méchant » Psaume 11,5
« Seigneur, tu m’as examiné à fond, tu me connais » Psaume 139,1

Nombreux sont les versets (tant dans la Bible que dans le Coran) qui mentionnent cette omniscience de Dieu. C’est là, dans tous les cas, le point de départ de toute perspective religieuse –même si, d’autre part, il est bien des manières de concevoir ce « religieux ».

« Ton Père, qui voit, là, dans le secret…. » Matthieu 6,18

Il n’existe pas de gouffre obscur où les actions humaines pourraient être cachées. Pas de pensée secrète ; pas de comportement caché. Bien sûr, ce sont là des paroles de croyant. Apparemment, elles sont très inactuelles.

Qui me sonde ? pourrait demander un moderne citoyen. N’est-ce pas l’état qui sait qui je suis, où j’habite, combien je gagne ou –même- ce que je pense. De plus en plus, de mieux en mieux, l’état sait tout cela –non seulement par son omnisciente (voire omnipotente) administration, mais aussi par le biais de ces véritables prothèses que sont les téléphones portables ou les cartes de crédit. Encore ces prothèses sont-elles « primitives » par rapport aux envahissantes puces électroniques ou ces cartes RFID promises à un bel avenir. Dans un état moderne, rien ne sera secret aux yeux du pouvoir.

Autrement dit, en termes actuels : Qui donc te sonde et te connaît, citoyen ? La réponse est claire : seul l’état a les moyens de te connaître. Ses lois sont LA loi. Certes pas vu, pas pris , mais –c’est la marche du temps- il sera de plus en plus difficile de n’être pas vu. D’ailleurs, de plus en plus, des caméras te surveillent. Grâce à elles, les gendarmes pourront te retrouver. Surtout en ces temps de lutte contre la mouvance démoniaque nommée « terrorisme ». Dans cette sainte lutte, les anciennes libertés individuelles ne pèseront sans doute pas lourd.

Car « connaître », c’est également conduire. Tels sont les troupeaux : on ne peut les conduire sans les connaître. Tous les bergers vous le diront. Quel est ton troupeau, citoyen ?

Le secret

Ainsi, à la racine de toute approche religieuse, il y a la conviction que rien de ce que pense ou fait l’homme n’est inconnu de Dieu. Ce thème est abondamment illustré dans une approche religieuse de la réalité. On peut se borner ici à ces courants religieux dont les sources scripturaires sont la Bible (juive ou chrétienne) ou le Coran.(et le Hadîth).

Dans notre monde occidental, la perspective biblique est peut-être mieux ( ?) connue que celle de l’Islam. C’est donc sur cette dernière qu’il convient ici d’insister un peu (très peu d’ailleurs –au regard de l’immense littérature sur le sujet). Mais la méconnaissance de l’Islam est telle, dans nos médias, qu’un simple rappel peut être utile.

« Nous avons créé l’homme
Nous savons ce que son âme lui suggère
Nous sommes plus proche de lui que sa veine jugulaire
»
Sourate Qaf (50,16)

De même, ces messagers de l’au-delà que sont les anges (les « veilleurs ») sont souvent mentionnés :

« Voici, des veilleurs sont au dessus de vous
des êtres nobles écrivants
ils savent ce que vous faîtes…
»
Sourate de la rupture (82,10-12)

Le degré suprême (la « tendance au mieux » : ‘al-iHsân) est indiqué dans le célèbre « Hadîth » qui rapporte comment le Prophète répondit à une question de l’ange Gibril : « Qu’est-ce-que le iHsân ? C’est que tu serves Dieu comme si tu le voyais. Et si tu ne le vois pas, Lui : Il te voit ».

Voilà ce qui doit être rappelé à ceux qui (jeunes ou moins jeunes) se réclament d’une tradition religieuse (juive, chrétienne ou musulmane). C’est ainsi, croyant : tu peux, parfois, tromper le gendarme, mais tu ne peux pas tromper ton Dieu. Dans cette perspective, le pas vu-pas pris serait une impiété.

En sorte qu’une telle religion pratique révèle la mesure de toute piété véritable. Là où elle fait défaut, la loi de la jungle seule est régnante. Et la multiplication des gardiens de la loi –tâche sans fin- est une garantie provisoire et toujours faillible. De fait, la loi véritable est celle qui est écrite dans les cœurs…. C’est cela que l’affirmation d’une « veille » divine rappelle aux croyants, pour le profit de tous les membres de la société –croyants ou non.

Jacques Chopineau, Genappe le 3 juin 2006