CORRESPONDANCE UNITARIENNE | juillet 2006 |
Faut-il frayer avec les catholiques ? | |
Faut-il
frayer avec les catholiques ? Il arrive que, dans certains milieux unitariens qui vivent l’unitarisme comme une nouvelle religion, le simple fait d’avoir un passé catholique fasse l’objet de soupçon. L’unitarisme sectaire proclame : « n’est plus unitarien qui fraye avec les catholiques fussent-ils libéraux ! ». De son côté, le christianisme unitarisme frileux préfère s’en remettre à ses amis sûrs : « ne frayons qu’avec nos amis protestants ! ». Dès son lancement, en octobre 2002, notre réseau s’est au contraire prononcé pour un unitarisme ouvert, sans complexe malgré sa taille (en France) de Petit Poucet, établissant des relations avec toutes les autres mouvances libérales au-delà des seuls protestants. Si notre série de bulletins peut s’enorgueillir de la collaboration d’auteurs protestants, elle le peut aussi pour des auteurs catholiques (même un évêque et un aumônier national !), baha’is et soufis. L’Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU) a rejoint cette attitude et vient d’adhérer à la Fédération des réseaux des Parvis. Et pourquoi donc les catholiques seraient-ils les seuls a être « épargnés » par la sécularisation et l’individuation qui marquent nos sociétés modernes ? Comme tous les autres corpus religieux, le champ catholique s’est fortement diversifié, sinon fissuré : intégristes et progressistes, piétistes et rationalistes, classiques et charismatiques, etc. Tout catholique n’est pas (plus) forcément un suppôt du pape ! Il n’est pas non plus un obéissant aveugle des dogmes. Cette vision est par trop réductrice. Il a lui aussi le droit de penser individuellement comme tout un chacun ! Nonobstant les rappels à l’ordre de Benoît le XVIème et depuis belle lurette, les catholiques ont adopté le menu à la carte. Y compris certains prêtres frondeurs, voir évêques, qui se libèrent encore plus à la fin de leur carrière. Avec Témoignage chrétien et Golias, nombre de catholiques ont appris la contestation radicale. La mouvance catholique libérale qui s’est enflée après Vatican II et la mise à l’écart de Mgr. Gaillot en 1995 (http://reseaux.parvis.free.fr/histoire.htm) a rejoint la Réformation protestante – Réformation qui est fêtée chaque année par l’Eglise réformée de France et qui est entendue non plus seulement comme l’événement historique que furent les Réformes datant du XVIème siècle, mais comme un effort constant pour rendre l’Eglise toujours plus conforme à l’enseignement de Jésus. Elle le fait sur un double terrain : un réformisme qui consiste à rénover l’Eglise catholique romaine afin que celle-ci s’adapte mieux au monde d’aujourd’hui, donc une action interne qui concernent principalement les seuls catholiques ; mais aussi une réflexion sur un christianisme d’avenir, rénové, plus fidèles aux Evangiles et aux premières communautés chrétiennes – ce qui implique une critique des déviations qui ont pu historiquement se produire. En s’ouvrant à des organisations protestantes et unitariennes, sans nullement trahir sa tradition catholique mais la vivant avec intelligence, faisant fi des frilosités confessionnelles, la Fédération des réseaux des Parvis est en train de proposer la Réforme que notre siècle attendait. A terme c’est un christianisme résolument moderne, dégagé de scories, plus fondamental, trans-confessionnel sinon post-confessionnel, qui se dessine. Les chrétiens unitariens ne peuvent que s’y sentir à l’aise. En France, l’anti-trinitaire Michel Servet, en 1553, préconisait déjà la « restitution du christianisme », ce qui lui valut son martyr. En Transylvanie, au XVIème siècle, Ferenc David, voulant être toujours plus fidèle au corpus évangélique, glissa de la foi catholique de ses parents à la luthérienne, puis à la calviniste pour s’affirmer enfin unitarien (Dieu Un et Jésus homme). Comme disent volontiers nos amis de l’Eglise unitarienne de Transylvanie, « nous sommes les benjamins de la Réforme » ! Dans cette Réforme, critique et exigeante, l’aile avancée des catholiques n’est plus en retard. Mieux, le bulletin du Parvis, par exemple, est en pointe sur le culte (célébrations libres), le christianisme trans- ou post-confessionnel (au-delà des identités), l’ecclésiologie (la décléricalisation, la non discrimination sexuelle dans l’accès aux responsabilités), etc. Le catholicisme libéral apporte son nombre, ses multiples mouvements et communautés de base – dont la plupart sont bien loin de la houlette des évêques. Il apporte aussi sa générosité, son militantisme, sa dimension européenne avec le réseau « Eglises et libertés ». Les unitariens ont toujours été très actifs dans les relations entre chrétiens libéraux. Avec d’autres chrétiens libéraux, américains et anglais, ils furent en mai 1901, à Londres, à l’origine de l’ancêtre de l’actuelle International Association for Religious Freedom (IARF) : l’ International Council of Unitarian and Other Liberal Religious Thinkers and Workers (ICUOLTW). En Grande-Bretagne, suite à l’influence d’un James Martineau (1805-1900), les congrégations unitariennes s’unirent en 1928 avec les « Free Church » pour former la General Assembly (GA) of Unitarian and Free Christian Churches. En France, Albert Blanchard-Gaillard, avec son groupe de Digne-les-bains, mena en 1997, au sein de l’AFCU, une réflexion sur la dénomination de chrétiens libres. Nos Eglises historiques de Roumanie et de Hongrie, ainsi que la GA britannique furent cofondatrices, en 1998, du Réseau européen des protestants libéraux (ELPN). De même, au delà du seul champ chrétien, les unitariens sont à l’origine d’instances qui réunissent tous les croyants comme le Parlement des religions du Monde (fondé à Chicago en 1898) et l’IARF (qui aujourd’hui comprend des bouddhistes et des soufis, etc.). La Sociedad unitaria universalista de España (SUUE) a participé très activement à la IVème réunion de ce Parlement qui eut lieu à Barcelone en juillet 2004 et à ses suites locales comme le 2ème Parlement catalan des religions qui vient de se tenir à Manresa, les 27-28 mai sur le thème « Religions et humanisation ». L’unitarisme isolationniste est assurément un anachronisme. Pourquoi en France certains auraient-ils la tentation de la tour d’ivoire ? |
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