CORRESPONDANCE UNITARIENNE    juillet 2005

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n° 45

Bibliographie

Le protestantisme libéral ; vers un christianisme d'ouverture,
Pierre-Jean Ruff, Théolib 2005, hors série n° 1, année 8, juin, 120 p.,

Ce premier hors série de la revue Théolib est la réédition de l'ouvrage publié en 1993 aux éditions du Foyer de l'âme (Eglise réformée de la Bastille). Paul Abéla, l'un des principaux animateurs de la Fédération des réseaux du Parvis et auteur d'un ouvrage qui a fait date, "Je crois, mais parfois autrement" (voir notre bulletin n° 19, mai 2003), a ajouté une préface. C'est dire que le libéralisme théologique intéresse non plus seulement les milieux protestants, mais aussi, de plus en plus, la mouvance des catholiques réformateurs, laquelle s'éloigne à la fois de sa hiérarchie et des dogmes fondateurs. Le dernier bulletin de cette Fédération s'ouvre d'ailleurs sur un article de Pierre-Jean Ruff à propos du "christianisme libéral" et relègue aux oubliettes le fameux péché originel. Nous sommes, sans nul doute, à un tournant historique où les frontières confessionnelles sont désormais traversées. Nous qui avions appelé à cette transgression (voir notre Lettre à nos amis protestants (n° 25, novembre 2003) et agi en conséquence, nous ne pouvons que nous en réjouir ! Le pasteur P.-J. Ruff est par ailleurs auteur d'un récent livre sur Marie de Magdala dont nous avions signalé la parution (n° 38, décembre 2004).

Documents

Le ministère "de la parole spirituelle"
par les groupes d’un commun accord (“ Covenant Groups ”)
une innovation de l'unitarisme-universalisme, présentée par Bruce Epstein, membre de l'UUFP

Afin de répondre aux besoins de ses membres de se réunir, en plus de l’office de dimanche, pour poursuivre dans un contexte plus “ intime ” leurs quêtes spirituelles, l’UUA propose la mise en place de "Covenant groups". Ces groupes sont de petite taille afin de faciliter les relations de face à face. Ils se composent de 8 à 12 personnes, lesquelles prennent l’engagement de se rassembler de façon régulière pendant plusieurs mois afin d'établir des relations approfondies, de se développer spirituellement, et de rendre des services à la congrégation unitarienne. Leur but est de favoriser le partage et l’échange entre les participants.

Chaque réunion dure entre une et deux heures et son déroulement est le suivant : on allume la flamme du calice, qui est le symbole des unitariens, chacun dit brièvement où il en est dans sa vie depuis la dernière réunion, l'animateur du groupe lit un texte à partir duquel les uns et autres échangent, un dernier tour de table recueille les réactions finales, on lit un texte de clôture, puis on éteint la flamme. La réunion est éventuellement suivie d'une collation.

Comment parvenir à un réel partage ? Lorsqu’une personne prend la parole, les autres écoutent attentivement sans interrompre. Chacun propose simplement ses propres idées, sentiments, façons de voir, etc. Il ne s’agit en aucun cas d’un débat, d'une discussion ou de présenter une argumentation. Si la parole de l’un peut provoquer une réaction, celle-ci se voudra d'abord compréhensive et complémentaire et non l'expression d'un rejet. L’honnêteté et la sincérité sont bien entendus indispensables. La franchise est de règle ; il est inutile de s’excuser pour ses idées. Le silence est acceptable. La confidentialité est garantie ; tout ce qui se dit en réunion ne se répète pas en dehors.

L’UUFP expérimente actuellement deux types de ces groupes : le Small Group Ministry (SGM ou “ Le ministère de la parole spirituelle en sous-groupe ”) et le Spiritual Practice Circle (SPC ou “ Sous-groupe de pratique spirituelle ”). Le SPC se centre sur la méditation et la réflexion. Le SGM invite ses membres à réagir en toute spontanéité à un thème qui n’est présenté qu'au début de la réunion, afin de recueillir des pensées “ à vif ”. Les membres de l'UUFP sont nombreux et enthousiastes et confirment ainsi tout l'intérêt de ces innovations.

Pour en savoir plus : “ Covenant Group Manual ” de l’UUA

Ndlr : "Covenant" signifie que le groupe est fondé sur un pacte. Nous avons repris l'expression de notre Eglise historique de Transylvanie qui se disait, à ses débuts (en 1568), "Eglise des chrétiens d'un commun accord" Ce n'est qu'à partir de 1600 qu'elle sera dite "unitarienne".

Pèlerinage aux tombes ancestrales

Ô ! mes ancêtres bien-aimés,
ceux de ma famille, de mon village, du pays où je suis né,
mes parents et amis dont je pleure l'absence,
que ferais-je pour louer vos existences ?

Me voici devant vos tombes.
Vous êtes retournés à la glèbe (1) après avoir vécu,
comme nous-mêmes, ainsi, nous ferons.

Faut-il de vos mânes élever un culte
et vous demander protection et faveurs ?
Ceux qui savent - prêtres de sanctuaires (2) ou d'églises, pasteurs ou imams -
disent que vous êtes quelque part aux cieux,
des survivants en lieu inconnu, ou encore près du bon Dieu ;
que, là, vous êtes heureux.

Que vos corps tout entier, d'autres le pensent,
ont retrouvé l'immense et généreuse nature,
afin de donner autant de semences
aux générations futures.

Qui croirai-je ?

Ô mes ancêtres d'Afrique,
enduits d'huile rouge,
nourris de bouillie de mil,
abreuvés du sang de poulet.
Ô mes ancêtres bien-aimés.

Je laisserai mon coeur parler,
tout palpitant de chagrin,
plein d'admiration pour ce que vous fîtes
et de reconnaissance éperdue pour la vie transmise.

Je veux vous chanter, du temps jadis,
les mélodies que j'ai apprises
de mon enfance, de ma coutume,
et qui sont d'abord les vôtres.

Je veux vous louer sur la harpe de David,
avec les si longues trompes (3) des lévites du temple de Jérusalem.
Je veux tourner autour de vos tombes,
comme derviches anatoliens (4) au soleil levant,
afin qu'elles deviennent, pour notre famille, autant de pierres noires (5).

Je veux m'y asseoir pour méditer, de la vie, le grand mystère,
comme firent les penseurs grecs - Leucippe, Démocrite, Epicure (6)- ,
voyants de leurs temps, qui eurent
l'intuition des atomes dispersés mais sans cesse recomposés.
Ou encore y boire la bière de mil de ma tradition,
comme le savant perse Omar Khayyam (7) buvait le vin en sa taverne.

Je voudrais tant pouvoir vous ressusciter,
comme le rabbi juif Ièshoua de Nazareth le fit,
par grande compassion, pour son ami Lazare (8).
Vous adresser un ultime salut. Vous dire un adieu.

Je parlerai de vous en toute occasion.
Je montrerai vos tombes,
à mes enfants et à mes petits enfants,
à mon mari, à toute ma famille.
Je les garnirai de plantes vivaces et de fleurs des champs.
Ceci est mon serment.

Pourquoi parler de culte puisqu'il s'agit, tout simplement d'amour ?

Jean-Claude Barbier, Bordeaux, le 10 août 2003

notes :
(1) "IHVH Elohîm forme le glébeux - Adâm, poussière de la glèbe - Adama. Il insuffle en ses narines haleine de vie : et c'est le glébeux, un être vivant" (Gn 2,7, traduction A. Chouraqui 1989)
(2) y compris bien entendu les sanctuaires des religions coutumières.
(3) les fameux sophars qui firent tomber les murailles de Jéricho (Josué, 6,4)
(4) les derviches tournoient sur eux-mêmes et dessinent de grands cercles. Ils constituent une confrérie soufi, qui fut fondée au XIIIème siècle en Asie mineure, au sein du sultanat des turcs seldjoukides de Rum. L'Anatolie provient d'un mot grec qui désigne le levant ; son nom est souvent donné à l'Asie mineure.
(5) allusion à la Kaaba de la Mecque. Rappelons que la pierre noire de ce sanctuaire musulman fut un autel préislamique.
(6) Ils furent les premiers philosophes de l'atomisme : Leucippe (vers 460-370 avant Jésus-Christ), fondateur présumé de cette théorie, son contemporain et disciple Diogène Laërce ou de Laërte, à ne pas confondre avec Diogène le Cynique, - prolongeant Leucippe, il réduit la nature à un jeu d'atomes en évolution dans un vide infini, et propose une morale empreinte de modération et de quiétude, il influença l'épicurisme - , enfin Epicure (341-270 av. J.-C.). Plus tard, le poète latin Lucrèce (vers 98-55 av. J.-C.) reprendra ces idées dans son poème didactique De natura rerum.
(7) Omar Khayyam (vers 1047- vers 1122) fut un grand savant - astronome, géomètre, algébriste, physicien - protégé par le calife turc de Bagdad. Par ailleurs poète, il prôna dans ses célèbres Quatrains, face à la mort, la jouissance immédiate de la vie. Non pratiquant et agnostique, il eut des démêlés avec les autorités islamiques de son époque. A l'espérance d'un paradis, il préférait le retour à la nature : "Quand je mourrai, lavez mon corps avec du vin / Pour prières, louez pour moi les coupes pleines / Au jour de la résurrection, si vous désirez me revoir / Tamisez la poussière du seuil de la taverne".
(8) épisode relaté par Jean seul (Jn 11, 1-46).