CORRESPONDANCE UNITARIENNE | septembre 2003 |
Message
aux catéchistes : ne plus mettre la charrue avant les bœufs ! | |
n° 23 "C'est à
vous ! Deux garçons attendaient leur maman catéchiste.
Ils étaient catholiques et préparaient leur première
communion. La maman ne venant pas, je les ai ramenés chez eux.
J'en ai profité pour tester leur discours de foi : "C'est
qui Jésus ?". La réponse fut immédiate : "Jésus
est le Fils de Dieu". Puis après plus rien ! J'ai insisté
: quel fut son pays ? sa famille ? son métier ? qu'est-ce qu'il
a fait durant sa vie ? Bref toute information qui peut aider à
identifier une personne. Le démarrage avait été fulgurant,
mais les commentaires suivants tardèrent à venir ! Depuis plus d'un siècle, à partir de cette
"haute christologie" que nos Eglises historiques nous ont transmise
- et qui semble suffire à beaucoup -
nos exégètes mettent des bémol à nos
credo, élaguent les textes au nom de l'authenticité historique,
repèrent les constantes et variantes, tendent vers un christianisme
primitif dépouillé des ajouts ultérieurs, détectent
les oripeaux idéologiques des Eglises, mettent en garde vis-à-vis
des théologies obsolètes, etc. Il semble qu'avec la source
Q (de l'allemand quelle = source),
qui est un ensemble de paroles (et de gestes ?) du rabbi Iéshoua
de Nazareth, recueillis par les premiers disciples, et dont Matthieu et
Luc se sont inspirés, nous y soyons arrivés. Nous disposons
aujourd'hui d'un christianisme minimaliste, réduit aux propos (les
logia) qui apparaissent les plus authentiques de l'enseignement
du Maître. Nous pouvons maintenant remettre les boeufs devant la charrue
afin de repartir dans le bon
sens ; cette fois-ci à partir d'une base relativement fiable, pas
à pas, en n'agrégeant que ce qui nous semble acceptable
selon le Discours de la méthode de Maître Descartes et avec
l'aide des exégètes : les apparitions de Jésus après
sa résurrection ajoutées à la fin de l'évangile
de Marc (qui lui s'arrête au constat du tombeau vide), les "évangiles
de l'enfance" que Luc dit avoir recueillis sur enquête, les
noces de Cana qui ouvrent la vie publique de Jésus selon Jean,
la résurrection de Lazare dont seul le même Jean parle, etc.
Et puis, il y a les épîtres de Paul, celles de Jean l'Ancien
(épîtres II et III de Jean), et celles qui sont attribuées
aux uns et aux autres (Paul, Pierre, Jude, etc.) ... Pour nous, unitariens, ce parcours s'avère particulièrement
exigeant : faut-il en rester à l'évangile (apocryphe) des
Eboniens, réfugiés au-delà du Jourdain, à
Pallas, après la défaite juive de 70 ? à celui (également
apocryphe) des Hébreux qui semble avoir eu leur faveur ? Ou accepter
le Christ de Paul qui est le fils d'Elohîm, "issu de la semence
de David selon la chair, déclaré bèn Elohîm
avec puissance selon le souffle sacré, par son relèvement
d'entre les morts, Iéshoua' le messie, notre Adôn" (Romains
I, 3-4, traduction A. Chouraqui) ? Ou encore adhérer au Fils avec
un grand F de Jean l'Ancien dans les 2ème et 3ème
épître de Jean qui est en duo avec le Père ? Au Verbe
incarné du prologue de Jean et de la 1ère épître
de Jean ? Au christ arien préexistant avant tous les siècles
du même Prologue ? A l'Agneau de l'Apocalypse de Jean de Patmos
? Nous savons que nombre de nos frères chrétiens, non unitariens,
iront jusqu'au Fils de la Trinité que les conciles de Nicée
et de Chacédoine essayèrent de définir ultérieurement
à partir de la formule ternaire des premiers écrits : le
Père, le Fils et le Saint-Esprit, formule elle-même postérieure
à celle qui invoquait le seul nom de Ièshoua. Mais alors
qu'ils le fassent en connaissance de cause, en sachant que Iéshoua,
lui, ne s'est jamais déclaré tel. La tentation peut-être grande qu'à chaque pas ne s'affirme de nouveau un credo : j'adhère à telle représentation de Ièshoua et je renie les autres figures. L'histoire, qui vient de nous délivrer des gangues théologiques, peut alors de nouveau nous diviser. La tolérance est ici plus que nécessaire et l'histoire doit accepter la relation existentielle que nous avons, personnellement avec Iéshoua, et qui ne passe pas toujours par l'exégèse : "Pour vous, qui suis-je ?" - nous savons qu'à cette question les disciples répondirent en désordre, mais peu importe puisqu'ils restèrent ensemble, avec leur Maître. Que nous fassions de même et restions avec Iéshoua ; cette fois-ci en essayant d'être plus conscients de la nature de notre attachement à lui. Jean-Claude Barbier Note bibliographique
: voir entre autres, Gregory J. Riley, 2002 - Un Jésus, plusieurs
christ, Genève : Labor et Fides
(voir la présentation de ce livre par Béatrice Spranghers
sur le site internet Prolib.net) ; Frédéric Amsler, 2002
- l'Evangile inconnu, Genève : Labor et Fides - traduction annotée
de la source Q) ; les travaux de Roger Parmentier et du mouvement ACTUEL
; etc. Dionysos, héros grec et Iéshoua, héros chrétien : un bon exemple de relecture de nos évangiles, ici les noces de Cana … Par delà Dionysos, par Béatrice Spranghers, Lillois (Belgique) 12 août 2003 Dans les histoires de héros
de l'Antiquité, on trouve des naissances virginales, des signes
célestes, des guérisons, des miracles, des souffrances imméritées,
la résurrection, l'ascension. Certains groupes chrétiens
des premiers siècles interprétaient la personne de Jésus
en fonction de ces histoires, tout en affirmant péremptoirement
l'indubitable supériorité du messie sur les héros
grecs. L'Évangile de Jean est rédigé tout
à la fin du 1er siècle. C'est l'époque
où apparaît le docétisme : Jésus a une apparence
humaine, mais il est habité par l'Esprit de Dieu. “ J'ai
vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et s'arrêter sur
lui ” Jean 1, 32. Aussi Jean inaugure-t-il le ministère
de Jésus par le prodigieux récit des noces de Cana. Le vin
vient fâcheusement à manquer ? Discrètement, Jésus
fait remplir six jarres d'eau qui, dès servie, se révèle
un vin délicieux. Certes l'histoire est belle. L'eau si précieuse en
pays chaud est transformée en nectar de fête. Les paroles
que Jésus annonce sont la vie même, la qualité de
vie à laquelle il veut nous initier de la part de Dieu. En qualité
et en quantité : 600 litres de vin, quelle abondance ! Il y a de
quoi saouler tous les invités. Le culte de Dionysos était bien connu en Galilée
et de nombreuses fêtes lui étaient consacrées dans
le calendrier romain. Dionysos était le plus divin des dieux-hommes,
né d'une vierge fécondée par Zeus. Lors des cérémonies
qui lui étaient dédiées, il changeait l'eau en vin
dans ses temples. Jean utilise manifestement le prestige de Dionysos pour
camper le personnage de Jésus qu'il décrira ensuite comme
unique chemin vers Dieu, vie et lumière du monde. L'Ancien Testament
regorge lui aussi d'emprunts semblables aux cultures avoisinantes. Ceux-ci
sont utilisés, appropriés, orientés pour démontrer
que Dieu est celui qui surclasse toute divinité païenne. Le
miracle de Cana utilise la célébrité de Dionysos
pour clamer l'insurpassable envergure de Jésus. Cette évidence
ne pouvait échapper à aucun lecteur d'alors. N.B. ce texte fait suite à un compte-rendu du livre
de Gregory J. Riley, Un Jésus, plusieurs christ : "Au
risque de la recherche". |
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