mars 2007 |
Des images de notre enfance à une interprétation d’adulte | |
Ce travail n’est pas facile et même impossible pour beaucoup, d’après les confidences qui me sont faites ! Je voudrais vous partager avec vous, bien simplement, mon itinéraire. Lorsque j’étais enfant (née en 1945), l’enseignement que j’ai reçu était envahi par le merveilleux et le mystère. Chacun sait combien ces deux composantes captivent tous les enfants du monde et font d’eux un public acquis d’avance. Jésus était le Super hérosde mon enfance. Il était tout puissant, car il pouvait miraculeusement guérir, rendre à la vie, multiplier la nourriture, arrêter les tempêtes, marcher sur l’eau… Quel enfant ne rêve d’avoir un pareil
ami ? Quel enfant
ne rêve de lui ressembler ? Dans ma foi enfantine, mon adhésion à Jésus était
totale et inconditionnelle mais basée sur la toute puissance de
Jésus. (aujourd’hui, elle l’est toujours mais basée
sur le message d’amour de Jésus). Eh bien! Jésus ne les résolvait pas! Commence alors pour moi, le temps de l’information, d’abord auprès de mes professeurs de religion, de mon aumônier de patro, de la religieuse responsable de notre préparation à la communion solennelle, des prédicateurs de mes retraites… Je
ne recevais pas de réponses qui me conviennent, au contraire,
cela engendra en moi un sentiment de culpabilité. On me disait
que si j’osais poser pareille question, c’est que je n’avais
plus la foi, (on me le dit encore parfois aujourd’hui, mais peu
importe, car aujourd’hui je sais que personne ne peut mesurer la
foi d’un autre. La foi est une relation personnelle entre Dieu
et l’homme) qu’il fallait croire en bloc tout ce que l’on
m’enseignait et que ce que je ne comprenais pas, c’était
le MYSTERE DE DIEU, qui me serait révélé à ma
mort, à condition d’aller au Paradis, ce qui ne serait peut-être
pas mon cas! Il n’était pas question, sous peine de péché,
d’oser remettre en question l’enseignement du magistère
et c’est ainsi que mes éducateurs forgèrent en moi
une conscience scrupuleuse qui m’empoisonna la vie. Plus tard, vers les années 1974, c’est avec J.P. Charlier que mon ciel va s’éclairer. Voilà quelqu’un qui m’ouvre tout grand une porte, qui fait reculer mes peurs en disant parfois des choses que j’avais ressenties sans oser les exprimer à haute voix, car je m’en sentais coupable. Voilà quelqu’un qui me pousse à prendre des libertés par rapport à l’enseignement que j’ai reçu, quelqu’un qui me déculpabilise, quelqu’un qui me communique un enthousiasme fou à vouloir aller toujours plus loin dans la compréhension des textes. Et, c’est le début d’une nouvelle aventure. En premier lieu, il s’agira de se documenter pour découvrir les exégètes qui ont un langage crédible pour notre temps, ensuite lire, suivre des conférences et des cours. Recevoir leurs paroles, les manger, les digérer pour se les réapproprier afin qu’elles deviennent porteuses de sens dans ma vie, pour qu’elles me fassent vivre de l’amour de Jésus. L’évangile va devenir une Bonne Nouvelle compréhensible pour moi aujourd’hui. Quelle libération ! Quel bonheur ! Pour illustrer cela,
je prendrai dans l’évangile de Matthieu
14,22-32, l’histoire de Jésus marchant sur le lac pour essayer
de montrer comment petit à petit ce texte est vraiment devenu
une Bonne Nouvelle. Petite fille, je pensais qu’étant l’amie de Jésus-Dieu, qui était si puissant, je ne devais avoir peur de rien. Puisque je croyais en lui, comme toute ma famille, nous étions protégés et cela me rassurait, c’était une Bonne Nouvelle. Cependant, très vite, je me demande pourquoi les grands Saints dont on m’a parlé, n’ont pas marché sur l’eau, car si nous n’avons pas vraiment la foi, eux devaient l’avoir puisqu’ils sont Saints. A quoi ça sert que Jésus vienne nous montrer qu’il marche sur l’eau, si jamais personne d’autre ne pourra faire de même? En quoi est-ce une Bonne Nouvelle ? À ces questions, la religieuse qui donne le cours de religion me met à la porte en disant que je suis un élément perturba-teur. Moi, à la porte, je pleure d’être incomprise et de me sentir punie injustement! En grandissant, plein de nouvelles questions sur cette interprétation se bousculent dans ma tête. Mais les réponses qu’on me donne se cachent derrière l’assurance de mon enseignant que ma foi est petite et que j’ai douté (MT 14,31.) Ces réponses, auxquelles je crois, ne me font pas grandir dans la foi, elles me culpabilisent et me rendent malheureuse.
Devenue adulte, j’apprendrai enfin, entre mille autres choses, que les miracles sur la nature ne sont pas historiques Que les auteurs les utilisent pour faire passer un message. Que nous devons en avoir une lecture symbolique. Quelle libération pour moi ! Quel travail aussi, dépasser ma culpabilité pour oser avoir une foi libre et personnelle. Mais pour cela, il me faudra sérieusement me mettre à l’étude. J’apprendrai que Matthieu qui écrit son évangile vers les années 80 pour la communauté juive veut convaincre celle-ci que Jésus est le nouveau Moïse et qu’avec lui, c’est toute l’histoire d’Israël qui recommence. En effet, dés le début on peut y découvrir de très nombreux passages où il y a un parallèle entre la vie de Jésus et celle de Moïse. Dans le passage qui nous occupe (MT 14,22-32), nous pouvons aussi remarquer le parallèle que devaient certainement comprendre les contemporains de Jésus. Dans un commentaire d’évangile (1987), Hyacinthe Vulliez disait à peu près ceci :
Cette interprétation est beaucoup plus riche que celle qui me fut enseignée étant enfant et, on peut comprendre qu’elle était parlante et porteuse de sens pour la communauté juive contemporaine de Matthieu. L’auteur leur démontrait en s’appuyant sur leur tradition biblique que Jésus était bien le nouveau Moïse, le fils de Dieu. Il voulait déculpabiliser les juifs qui avaient quitté le judaïsme orthodoxe pour devenir disciples de La Voie de Jésuset convaincre les sceptiques de rejoindre la nouvelle communauté. En effet, il leur fallait une grande foi pour remettre en question toutes leurs traditions et affronter les persécutions dues à leur choix. Une autre interprétation est de "dire l’importance de la foi en Jésus, ainsi que la difficulté de s’y maintenir. Sans une foi à toute épreuve, plus forte que tous les vents contraires, même le chef des apôtres ne pouvait poursuivre sa marche." (Evangiles de l’Acébac) La barque représentant l’Eglise qui devra subir des persécutions, des mésententes, des schismes, …mais qui grâce à la foi de ses fidèles traversera les temps sans encombre jusqu’à l’autre rive (la fin des temps.). Ces interprétations, ne me sont pas suffisantes pour être Bonne Nouvelle pour moi aujourd’hui et ici. Elles ne me semblent pas non plus porteuses de sens pour les enfants d’aujourd’hui. En lisant le texte, toute une série de questions surgissent : Les
disciples sont invités à passer sur l’autre rive. Les disciples sont invités à monter dans la barque. Il leur faudra traverser
la mer, combattre les vents mauvais. Vers la fin de la nuit, autrement
dit au petit matin Jésus apparaît. Les disciples prennent
Jésus pour un fantôme. Pierre est capable de
marcher sur l’eau. Pierre s’enfonce dans l’eau. Pierre crie. Jésus étendit
la main et le saisit. Les disciples disent : « Tu
es vraiment le Fils de Dieu. Jésus qui marche sur l’eau est comme un guide qui montre le chemin aux hommes pour traverser la vie, d’une rive à l’autre, de la naissance à la mort. La mer et les vents mauvais vont nous harceler, comme tous les malheurs qui assaillent les hommes ; guerre, pauvreté, injustices, violences, indifférences… Tous nous seront confrontés un jour ou l’autre avec la souffrance. Face à elle, si nous sommes en demande, la foi dans les valeurs évangéliques va nous permettre de sortir la tête hors de l’eau. Si l’on crie, quelqu’un d’autre pétri de ces valeurs va nous tendre la main en nous donnant une parole de réconfort, un geste de tendresse, une écoute attentive, une présence chaleureuse, voire une aide matérielle. Mais nous-mêmes, si nous sommes remplis de Jésus, à notre tour, nous entendrons le cri de celui qui se noie et nous pourrons lui saisir la main. Ce texte m’apprend que d’une rive à l’autre, tout au long de ma vie, je serai tour à tour le demandeur et le donneur. Aux soirs d’incertitude, j’espèrerai des bras accueillants qui veillent sur mes pas, mais aux jours de clarté, je pourrai être lumière, chaleur et sens sur la route où cheminent tous ceux de ma barque. Et cela, en proclamant que Jésus est le chemin du Royaume de Dieu ici et maintenant. C’est pour moi, compris ainsi, un évangile Bonne Nouvelle. Christiane Van den Meersschaut-Janssens |
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