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 Dialogue


    Bernard Reymond

 

 

 

   


Je n’ai pas choisi d’être protestant…

 

 

La plupart de mes coreligionnaires non plus: nous sommes nés dans des familles protestantes, en tout cas selon l’état-civil.

D’autres, en revanche, ont une origine confessionnelle différente et ont choisi de se rallier au protestantisme, ou bien de le quitter pour rejoindre d’autres orientations religieuses, parfois sans lien aucun avec le christianisme. Dans une société comme la nôtre, en ce début du XXe siècle, c’est déjà tout un choix que de rester protestant ou de "pratiquer sa foi" comme le dit une expression dont l’origine n’a justement rien de protestant. Nous vivons dans une situation de post-chrétienté et la plupart de nos contemporains semblent s’en satisfaire parfaitement.

Il ne suffit toutefois pas de rester protestant pour n’avoir plus à choisir. Encore faut-il savoir à quelle conception du protestantisme on entend se rattacher. Chacune de nos églises cantonales se dit protestante, et pourtant toutes abritent une grande diversité de croyances doctrinales, de convictions éthiques, de comportements sociaux et même d’attitudes spirituelles. Je n’ai pas choisi d’être protestant, mais chemin faisant j’ai bien dû choisir et j’en suis venu, avec d’autres, à voir dans le protestantisme libéral l’orientation de pensée et de vie qui, à notre sens, correspond le mieux aux exigences d’un christianisme bien compris.

Ce choix – car c’en est un, délibéré – n’est pas bien vu de tous. Voilà un demi-siècle, certains s’étaient même assigné pour tâche d’extirper le libéralisme de nos églises cantonales, en d’autres termes de réduire à néant l’influence des protestants libéraux. Y fussent-ils parvenus qu’ils auraient à coup sûr porté atteinte à l’une des exigences majeures du protestantisme: celle de la liberté au sein même de la foi. Les protestants libéraux, grâce à Dieu, n’ont pas plié l’échine et ont ainsi préservé nos églises d’un unilatéralisme qui les a gravement desservies.

J’ai donc choisi d’être non seulement protestant, mais encore protestant libéral. Ce choix n’est pas le seul et ne doit surtout pas chercher à le devenir, sauf à sombrer en pleine contradiction. D’ailleurs, comme plusieurs articles de jeunes collaborateurs du Protestant l’ont montré ces derniers mois, la définition de ce que cette étiquette recouvre appelle sans cesse de nouvelles investigations et de nouveaux ajustements. Mais une certitude s’impose: sans liberté à l’intérieur de lui-même, le protestantisme cesserait d’être protestant, et le christianisme s’étiole quand il ne fait pas pleinement droit à cette exigence-là.

Bernard Reymond, Le Protestant, novembre 2001  

 


          

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