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 Les chroniques



    Béatrice Spranghers

 

 

 

   

 


L'apostasie

 

 


« Il est dangereux et il n’est pas droit d’agir contre sa propre conscience », disait Luther à l’issue de sa comparution devant la Diète de Worms, en 1521.

Il est également dangereux d’agir avec droiture en conformité avec sa conscience. C’est ce qu’expérimentent à leurs frais Messaoud Bouras issu d’une famille musulmane de Roubaix et Abdul Rahman un afgan emprisonné depuis plusieurs semaines à Kaboul.

Le premier a renié sa religion pour cause d’intolérance. Jésus pardone à la femme infidèle passible de lapidation. Le Coran ordonne de la tuer, dit-il. Messaoud Bouras a rejoint le mouvement des musulmans laïques de France et trimbale ses désillusions. Il s’estime “mort politiquement et socialement à Roubaix”.

Pour le second, le problème est nettement plus préoccupant. Sa conversion au christianisme lui fait risquer la peine de mort s’il ne réintègre pas le giron de l’Islam.

L’Afganistan, république islamique, obéit à la Charia et dès lors sanctionne l’apostasie avec la dernière rigueur. À ce sujet, la pensée du cheik égyptien, le Dr Yûsuf Al-Qaradâwî, traduit bien la position de l’intégrisme musulman :

«Le danger le plus terrible auquel est confronté le Musulman est celui qui menace son identité spirituelle, c’est-à-dire celui qui menace sa foi. C’est pour cette raison que l’apostasie — la mécréance d'après l’Islam — est le danger le plus terrible auquel la société musulmane est confrontée. Le plus grand complot ourdi par les ennemis de cette société consiste à détourner les Musulmans de leur religion, que ce soit par la force et les armes ou par la ruse et la tromperie. Le Très-Haut dit en effet : « Or, ils ne cesseront de vous combattre jusqu’à, s’ils le peuvent, vous détourner de votre religion.» (sourate 2, la Vache, Al-Baqarah, verset 217) Islamophile.org

L’hérésie risque en effet d’être contagieuse et d’égratigner la superbe autorité théocratique. D’où le bien-fondé de la sanction maximale.

Le Coran n’est cependant pas aussi intransigeant (comme le pense notamment le Pr Jamâl Al-Bannâ). Par contre, deux hadith, des paroles rapportées par la tradition, se montrent nettement plus sévères et condamnent impitoyablement l’apostat à la peine capitale. Ibn Rushd (Averroès) n’aurait d’ailleurs pas pensé le contraire (dans son livre Bidâyat Al-Mujtahid wa Nihâyat Al-Muqtasid, dans le paragraphe dédié au « jugement de l’apostat ») !

La pression internationale réussira-t-elle à fléchir la justice afghane ? Abdul Rahman pourrait bien être considéré comme dément et dès lors être interné …à vie. C’est vrai qu’il faut être passablement fou ou alors fameusement convaincu (avec vocation au martyre) pour oser changer de religion dans le contexte d’une nation théocratique aussi intolérante.

Béatrice Spranghers, Lillois le 25 mars 2006  

Abdul Rahman a été libéré de prison le 28 mars pour des raisons de procédure et des doutes sur ses "capacités mentales"... Il a réapparu en Italie où il a demandé et obtenu l'asile politique. [N.D.L.R. 31 mars 2006]