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Lire la Bible - 4. Les études modernes Imprimer


Jacques Chopineau

La Renaissance et la Réforme ne sont pas seulement l’époque d’un grand mouvement de traduction de la Bible : c’est aussi le point de départ des études modernes de la Bible. Il faut faire ici une place à part aux études juives: les commentateurs médiévaux (Rachi, QimHi, Ibn Ezra’…) sont des savants du Moyen-Age que nul exégète moderne ne devrait ignorer, tant l’acuité de leur lecture paraît, aujourd’hui encore, étonnante. Pour longtemps, ceux que Renan appelle: «les rabbins» vont exercer une sorte de monopole (largement méconnu) sur les études bibliques.

Mais dès les débuts des temps modernes, l’humanisme donne l’impulsion: la mode gréco-latine entraînait l’étude critique des textes anciens. Pourquoi les textes bibliques ne seraient-ils pas étudiés de la même manière ? Dans la mouvance de l’humanisme d’abord sont élaborés les premiers dictionnaires, les premières concordances, les premières études savantes de textes bibliques.

Bientôt (dès le 17ème siècle), des savants catholiques et protestants se spécialisent dans l’étude des textes bibliques. D’ailleurs, l’Europe savante se passionne pour certaines discussions qui portent sur le texte, sa canonicité, sa transmission, ses manuscrits. Bref, sur son histoire et l’histoire de ses interprétations. Les sciences bibliques se constituent de manière autonome par rapport aux pouvoirs ecclésiastiques, non sans combats parfois. La raison critique et les méthodes universitaires vont peu à peu s’emparer de l’étude des textes.

De ce point de vue, les études bibliques sont un bon témoin de l’histoire des idées de notre Occident. Pour le meilleur et pour le pire. Car cette indispensable libération oriente aussi les études bibliques dans une direction particulière dont les études actuelles sont encore dépendantes.

Ainsi, au 19ème siècle, on croit généralement qu’il faut rechercher la forme «originelle», «primitive», laquelle est supposée «naïve». Il arrive encore que, dans le études bibliques, les recherches sur les sources prennent plus de place que l’étude sur le texte lui-même. Nous ne sommes pas pour rien les héritiers de la critique historique et de son obsession des «origines» chronologiques. Il arrive que la recherche d’une forme «originelle» hypothétique prenne le pas sur la lecture du texte dans sa forme actuelle.

Certes, il ne saurait être sérieusement question de revenir à un stade «pré-critique», pas plus qu’à la médecine de Molière ou à la physique d’avant Newton. De ce point de vue, certaines positions intitulées «post-critiques» sont en fait simplement pré-critiques. Il n’existe pas de semblable alternative. L’étude ne peut pas être remplacée. Pourtant, il ne s’agit pas de confondre étude et lecture. Les sciences bibliques ne comblent pas tous les vides ouverts par nos lectures.

Jacques Chopineau, Lire la Bible, Ed. de l'Alliance, Lillois, 1993, p.9-10