LIBRE PENSÉE CHRÉTIENNE
   février 2005

Dieu, les catastrophes naturelles et l’homme


Il me semble que dans l’évolution de l’homme, celui-ci, de tous temps a toujours dû trouver un responsable aux malheurs qui lui arrivent. Et, quoi de plus facile d’accuser Dieu. Cela déresponsabilise l’humain, voire lui permet avec facilité de rejeter Dieu ou de le nier.

C’est que nous sommes les héritiers de ces croyances qui remontent à la nuit des temps où nos ancêtres vivaient dans la nature dont ils ne pouvaient rien comprendre aux fonctionnements. C’est ainsi que tout le bien ( bonnes récoltes, gibiers abondants, pluies fécondes …), comme tout le mal ( famines, sécheresses, inondations…) qui leur arrivaient, venaient, pensaient-ils, de forces qu’ils ne pouvaient contrôler et qu’ils appelaient dieux. Déjà on avait inventé des responsables ! Pour ne pas subir leurs colères mais jouir de leurs bonnes grâces, les hommes leur offraient diverses offrandes allant jusqu’aux sacrifices humains.

Aujourd’hui, un très grand nombre de chrétiens qui croient en un Dieu créateur sont d’accord pour dire que celui-ci donne la vie et la reprend quand il le veut. C’est le même concept que celui de nombreux musulmans qui disent « Dieu l’a voulu ( ainsi et maintenant ) »

Je fais partie des chrétiens pour qui le Dieu auquel nous croyons, ne donne pas et ne reprend pas la vie de chaque homme en particulier quand il l’a décidé. Je ne pourrais pas aimer un dieu pareil, ni lui chanter de louange, car, le simple fait de vivre me culpabiliserait par rapport à l’enfant qui le soir de sa naissance ne respire déjà plus, par rapport à l’enfant maltraité dés sa venue au monde, par rapport à l’enfant mourant de faim…Si Dieu en était le programmateur, quelle injustice criante! Je ne puis qu’être athée de ce dieu là.

Je fais aussi partie des gens pour qui Dieu n’est pas extérieur à eux, mais intérieur à eux. Dans cette optique, lors des catastrophes naturelles, Dieu ne rappelle pas à lui des milliers d’innocents, mais Dieu souffre et meurt avec chacun d’eux.

J’accepte que la terre soit une planète vivante, donc qu’elle se transforme et qu’elle va mourir en emportant avec elle différentes espèces dont des humains. Toutefois à la mesure de mes connaissances et de mes moyens, je peux en limiter les dégâts, car je suis responsable de cette terre que j’ai reçue gratuitement et que je léguerai à mes enfants.

Aujourd’hui la science me dit qu’aux Moluques, neuf petites îles sont complètement submergées deux fois par an aux grandes marées et que ces îles auront disparu à la fin de ce siècle. Que l’Inde aura disparu de la carte du monde dans cinquante millions d’années. Qu’allons-nous faire ?

Aujourd’hui la science nous explique toutes les conséquences tragiques pour l’homme et pour le climat dues à la déforestation. Que faisons-nous ?

Aujourd’hui la science tire la sonnette d’alarme pour nous dire qu’il est urgent de changer notre comportement face au réchauffement climatique et ses conséquences. Qu’acceptons-nous de changer dans nos vies ?

Dans le monde laïque où j’évolue de par ma profession, j’entends plusieurs personnes me dire qu’elles ne croient plus en Dieu parce qu’elles ont perdu un enfant ou parce qu’elles ont dû subir des souffrances injustes ( violence, maladie, handicap, chômage, deuils…). Pourquoi le malheur les a-t-il frappés, lors qu’elles ne le méritaient pas, se demandent-elles ? Pourquoi Dieu permet-il cela ? Pourtant, elles avaient prié avec foi, supplié Dieu de les écouter, elles avaient offert diverses offrandes ( bougies, dons, pèlerinages..) avec tout leur cœur, avec toute leur confiance et toute leur espérance.

D’autres me disent que devant les victimes des guerres, les catastrophes naturelles, les famines…, elles ne peuvent croire en un Dieu qui envoie tous ces malheurs à ses créatures et cela malgré les milliers de personnes de par le monde qui passent leur temps à prier Dieu pour que rien de tout cela n’arrive.

En approfondissant le sujet, je découvre que toutes ces personnes croient ou ont cru en l’immédiateté de Dieu dans la vie des hommes et à la parole « Demandez et vous recevrez » Elles se sont senties trompées dans leur foi et leur espérance et victimes de Dieu. C’est lui le responsable de leurs malheurs, de la mort de leurs proches, de toutes les victimes innocentes, car Dieu n’a pas écouté les prières des hommes et n’est pas intervenu pour les sauver. Beaucoup de ces personnes me disent avoir suivi l’enseignement qui leur a été donné par l’Eglise officielle, Eglise qu’elles ont reniée ou/et qu’elles combattent suite au sentiment de tromperie qu’elles ont ressenti !

Je dois bien constater que ce comportement et ces croyances sont très semblables à ceux des premiers hommes qui dans les religions naturelles priaient, offraient et sacrifiaient à leurs dieux, car ceux–ci étaient les seuls responsables de toute leur destinée. Pourquoi malgré les progrès de l’exégèse, raisonne-t-on encore ainsi ?

Personnellement, je crois en un Dieu, source de la Vie en évolution et source d’Amour pour aider l’humain qui le désire à traverser la vie avec tous ses aléas imprévisibles d’une rive à l’autre.

J’aime faire une comparaison avec l’amour humain. Un couple qui donne la vie à son enfant, lui donne la mort. Donner la vie a un enfant, c’est obliger le fruit de son amour à prendre des risques mortels. Et, pourtant, l’humain ne cesse d’enfanter. Dès avant la naissance, les futurs parents rêvent que leur enfant évoluera dans un monde de paix, à l’abri des cataclysmes et sans perversités. Si plus tard, leur enfant devait être victime d’un accident dû à des forces naturelles incontrôlables ou à une erreur humaine, ils ne pourront que constater les faits. Ils seront dans une grande souffrance, mais la force de leur amour ne pourra pas supprimer la catastrophe dont leur enfant est la victime. Pourquoi Dieu le pourrait-il ? Pourquoi, si les parents ne sont pas responsables Dieu le serait-il ?

De même, tout parent souhaite que son enfant échappe à la maladie, aux mauvaises rencontres, au chômage, à la pauvreté, à la désespérance…. et pour cela, il va donner tout l’amour indispensable à la croissance de ce petit être en devenir. Cet amour sera aussi fait d’exemples, de règles, de conseils, de suggestions pour la traversée de la vie. Mais si l’enfant bafoue tout cela et dégringole dans la violence, la drogue, la prostitution…il ne pourra que souffrir avec lui, mais ne pourra rien faire à sa place, car c’est sa vie et sa liberté. Il ne peut qu’espérer sa guérison et rester disponible à accueillir l’enfant prodigue. Si tout son amour n’a pas pu préserver son enfant, comment l’amour de Dieu le pourrait-il ?

En choisissant cette option de la vie, je n’ai plus de problèmes avec Dieu par rapport aux vicissitudes qui jonchent le parcours humain. Mais, cela ne m’enlève pas, bien sûr, la souffrance morale. Je ressens aussi un sentiment d’absurdité devant le fonctionnement de l’univers, mais c’est certainement par un manque de connaissances

Par contre, je tiens l’humain responsable de maintes catastrophes, accidents et maladies qui pourraient être évités par un meilleur comportement au service de tous.

J’accepte la mort, même si cela ne me plaît pas, et je veux apprendre à préparer la mienne, parce que j’ai reçu la vie et que ma mort en fait partie.

Face aux catastrophes naturelles, comme face aux souffrances injustes que subissent certains hommes, nous ne pouvons que retrousser nos manches pour que le Royaume dont nous parle Jésus advienne ici et maintenant.

Christiane Janssens, 15/01/2005