lJean-Paul II s'éteint
comme il a vécu. Sous les
feux des projecteurs. Habile communicateur, il aura su, jusqu'à son
dernier souffle, utiliser, pour ne pas dire abuser, les médias,
afin de transmettre son message: «L'Eglise, c'est moi
et gare à tous ceux qui le contestent!» Au début
de son pontificat, le pape se présentait volontiers
comme un sportif, offrant un vernis de modernité à une
Eglise rétrograde. Ses longs voyages, ses grand-messes
attirant des dizaines de milliers de jeunes servaient à diffuser
une théologie toujours aussi conservatrice. Puis est
venue l'époque de la souffrance et de la maladie, qu'il
s'agissait d'accepter comme une fatalité et d'en faire
une donnée universelle. A ce stade, la catharsis papale
délivrait un message sinistre: la misère fait
partie du monde, même le pape ne peut que la subir.
Or,
en dépit des images d'Epinal, des bains de foule
et du visage marqué par la douleur, le pape a-t-il entrepris
quoi que ce soit pour sortir le Vatican de son carcan obscurantiste?
Imperméable à de nombreux enjeux de société,
il s'est toujours farouchement opposé à l'ordination
des femmes, a défendu avec acharnement le célibat
des prêtres, a prêché – en pleine
pandémie du sida –, l'abstinence plutôt
que la contraception, a condamné l'homosexualité et
l'avortement.
On disait Jean-Paul II ouvert et à l'écoute.
Mais ils sont nombreux ceux qui, pour avoir voulu modifier
les pratiques et les discours de l'Eglise, ont été réduits
au silence. Et les paroisses qui oeuvraient en faveur d'un
dépoussiérage ont été rappelées à l'ordre
vertement.
Il se montrait certes sensible à la pauvreté.
Mais pourquoi a-t-il fait preuve de tant d'intransigeance à l'égard
de la théologie de la libération? Il a donné l'image
d'un pape dont la conception de la justice sociale ne dépassait
pas le stade de la charité.
Une bonne partie de l'aura
de Jean-Paul II provient de son action, que l'on a dite décisive,
pour faire chuter les dictatures communistes en Europe de l'Est.
La portée
de son activisme demeure difficile à définir.
Une certitude toutefois, son attachement à la démocratie était à géométrie
variable. Sans concession pour dénoncer des régimes
d'obédience marxiste. Très accommodante lorsqu'il
devait se rendre, comme en 1987, au Palais présidentiel
du dictateur chilien Augusto Pinochet.
Il sont d'ailleurs nombreux ceux qui, de George
W. Bush à Vladimir
Poutine, ont fait le voyage au Vatican pour trouver, auprès
de Jean-Paul II, un semblant de respectabilité. Ses
appels – sincères – à la paix y perdaient
en crédibilité.
Cet homme au destin hors du commun, comme on
ne manquera pas de nous présenter Carol Wojtyla, a
en tout cas pris des décisions peu ordinaires au sein
même de l'Eglise.
Alors que le Concile Vatican II, au début des années
soixante, montrait que l'Eglise pouvait se réformer,
Jean-Paul II n'a pas hésité à raffermir
les liens avec la très réactionnaire Opus Dei.
Point culminant de ces relations: la sanctification en octobre
2002 du fondateur de cette congrégation, José Maria
Escrivà de Balaguer, fervent partisan du général
Franco et soutien inconditionnel des régimes réactionnaires
latino-américains des années septante et quatre-vingt.
Il faut dire que l'Opus Dei n'a pas son pareil
pour faire du lobbying et tenter de répandre le dogme
ecclésiastique.
D'ailleurs, ce soldat de Dieu qu'a été Jean-Paul
II n'a reculé devant aucun voyage, visitant des pays
parmi les plus pauvres de la planète. Là où d'autres
se seraient révoltés, il s'est le plus souvent
contenté de transmettre la parole biblique. Comme quelqu'un
qui voulait évangéliser le monde, mais n'a pas
essayé de le changer. Marco Gregori, Samedi, 02 avril 2005
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