Alors que le
Conseil œcuménique des Eglises (COE) n’agrée
que les Eglises qui affirment sans ambiguïté que
Jésus est réellement le Fils de Dieu, au sens
où il est l’incarnation de Dieu le Père
(engendré et non pas créé), les unitariens, à la
suite des anti-trinitaires du XVIème siècle,
pensent que Jésus est homme, d’une nature humaine
et non divine. Cette position, qui se rapproche de la tradition
des judéo-chrétiens, celle par exemple des
Eboniens après la destruction du Temple, anté-nicéenne
(antérieure au concile œcuménique de Nicée
qui se tint en 325) comme aimait le dire Théodore
Monod, a débouché dans un premier temps sur
un christianisme moins dogmatique, sinon a-dogmatique. Sur
ce terrain, les unitariens furent rejoints à partir
du XIXème siècle par les protestants libéraux
qui affirmèrent la relativité historique des
dogmes (le dogme énonce la foi à une époque
donnée et dans un contexte culturel donné)
et leur hiérarchisation (des dogmes sont plus importants
que d’autres). Dans un second temps, l’unitarisme
a nourri un christianisme d’ouverture où la
voie chrétienne n’a plus été présentée
comme la seule valable, où elle s’est trouvée
partagée avec d’autres expériences spirituelles.
Déjà aux Etats-Unis à partir du milieu
du XVIIIème et en Europe depuis le début du
XIXème siècle, des communautés chrétiennes
unitariennes ont ainsi glissé vers l’unitarisme-universalisme
où les chrétiens unitariens ne revendiquent
plus le christianisme comme dénominateur commun. C’est
ce second développement de l’unitarisme qui,
aujourd’hui, interpelle le plus les chrétiens
d’autres confessions.
Dès lors que le couple
Dieu le Père – Dieu le Fils se trouve dissocié par
l’anti-trinitarisme, le croyant est invité à se
positionner d’une part vis-à-vis de Dieu, d’autre
part vis-à-vis de Iéshoua. Il en résulte
un élargissement considérable des possibilités
au sens structuraliste du terme qui, à mon avis, n’ont
pas été encore toutes explorées.
Dieu « libéré » de
son Fils, c’est la possibilité pour nous de
ne plus rester enfermés dans une seule représentation
de Dieu, celle qui nous a été léguée
par la Bible : un dieu transcendant, providentiel (qui est
le maître de l’histoire, des grands et des petits évènements),
gardien de la morale et justicier, etc. Et si Dieu était
immanent à la Nature selon la pensée panthéiste
? Une énergie spirituelle qui circulerait dans la
Création comme une sève et qui pousserait (de
l’intérieur) les êtres à plus d’intelligence, à plus
d’amour, à plus d’universalité selon
une dynamique esquissée par Teilhard de Chardin. Et
si Dieu, comme le pense le bouddhisme, coïncidait avec
la totalité d’un univers où tous les
vivants sont entraînés avec leurs ego, avec
lui et par lui, dans un vaste tourbillon gravitationnel pour
accéder à la sérénité ?
La connaissance et la reconnaissance de toutes les religions
comme expériences spirituelles nous invitent à sortir
de notre seule tradition judéo-chrétienne-islamique,
pour une représentation plus universelle de Dieu,
même si celle-ci consiste surtout en points d’interrogation.
Mais aussi Iéshoua appréhendé pour
lui même. On peut dès lors être chrétien,
admirer l’enseignement et la vie du rabbin Ièshoua,
sans pour autant acquiescer à toutes ses croyances,
dont certaines relèvent de son époque, de sa
religion et de sa culture. Certes, son expérience
spirituelle nous enrichit, nous féconde, nous interpelle,
mais il n’est plus un dieu infaillible qu’il
faut croire sans discuter, ni un gourou que l’on suit
aveuglément. Récepteur et admirateur de son
message, nous avons à le traduire avec intelligence
et cœur pour notre siècle et nos divers milieux.
Jean-Claude Barbier,
Bordeaux, le 5 janvier 2005 |
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