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 Dialogue


    Jean-Claude Barbier

 

 

 

   


Séparer Dieu et son Fils
pour plus d’universel ?

 

 

Alors que le Conseil œcuménique des Eglises (COE) n’agrée que les Eglises qui affirment sans ambiguïté que Jésus est réellement le Fils de Dieu, au sens où il est l’incarnation de Dieu le Père (engendré et non pas créé), les unitariens, à la suite des anti-trinitaires du XVIème siècle, pensent que Jésus est homme, d’une nature humaine et non divine. Cette position, qui se rapproche de la tradition des judéo-chrétiens, celle par exemple des Eboniens après la destruction du Temple, anté-nicéenne (antérieure au concile œcuménique de Nicée qui se tint en 325) comme aimait le dire Théodore Monod, a débouché dans un premier temps sur un christianisme moins dogmatique, sinon a-dogmatique. Sur ce terrain, les unitariens furent rejoints à partir du XIXème siècle par les protestants libéraux qui affirmèrent la relativité historique des dogmes (le dogme énonce la foi à une époque donnée et dans un contexte culturel donné) et leur hiérarchisation (des dogmes sont plus importants que d’autres). Dans un second temps, l’unitarisme a nourri un christianisme d’ouverture où la voie chrétienne n’a plus été présentée comme la seule valable, où elle s’est trouvée partagée avec d’autres expériences spirituelles. Déjà aux Etats-Unis à partir du milieu du XVIIIème et en Europe depuis le début du XIXème siècle, des communautés chrétiennes unitariennes ont ainsi glissé vers l’unitarisme-universalisme où les chrétiens unitariens ne revendiquent plus le christianisme comme dénominateur commun. C’est ce second développement de l’unitarisme qui, aujourd’hui, interpelle le plus les chrétiens d’autres confessions.

Dès lors que le couple Dieu le Père – Dieu le Fils se trouve dissocié par l’anti-trinitarisme, le croyant est invité à se positionner d’une part vis-à-vis de Dieu, d’autre part vis-à-vis de Iéshoua. Il en résulte un élargissement considérable des possibilités au sens structuraliste du terme qui, à mon avis, n’ont pas été encore toutes explorées.

Dieu « libéré » de son Fils, c’est la possibilité pour nous de ne plus rester enfermés dans une seule représentation de Dieu, celle qui nous a été léguée par la Bible : un dieu transcendant, providentiel (qui est le maître de l’histoire, des grands et des petits évènements), gardien de la morale et justicier, etc. Et si Dieu était immanent à la Nature selon la pensée panthéiste ? Une énergie spirituelle qui circulerait dans la Création comme une sève et qui pousserait (de l’intérieur) les êtres à plus d’intelligence, à plus d’amour, à plus d’universalité selon une dynamique esquissée par Teilhard de Chardin. Et si Dieu, comme le pense le bouddhisme, coïncidait avec la totalité d’un univers où tous les vivants sont entraînés avec leurs ego, avec lui et par lui, dans un vaste tourbillon gravitationnel pour accéder à la sérénité ? La connaissance et la reconnaissance de toutes les religions comme expériences spirituelles nous invitent à sortir de notre seule tradition judéo-chrétienne-islamique, pour une représentation plus universelle de Dieu, même si celle-ci consiste surtout en points d’interrogation.

Mais aussi Iéshoua appréhendé pour lui même. On peut dès lors être chrétien, admirer l’enseignement et la vie du rabbin Ièshoua, sans pour autant acquiescer à toutes ses croyances, dont certaines relèvent de son époque, de sa religion et de sa culture. Certes, son expérience spirituelle nous enrichit, nous féconde, nous interpelle, mais il n’est plus un dieu infaillible qu’il faut croire sans discuter, ni un gourou que l’on suit aveuglément. Récepteur et admirateur de son message, nous avons à le traduire avec intelligence et cœur pour notre siècle et nos divers milieux.

Jean-Claude Barbier, Bordeaux, le 5 janvier 2005  

 


             

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