Quelque
dix mille chrétiens de toutes confessions se sont réunis
dernièrement à Graz en Autriche. “Réconciliation”
était le slogan du jour. J'ai une certaine admiration
pour ces “Don Quichotte” de l'œcuménisme.
Cependant, j'ai l'impression que ces braves gens sont menés
en bateau. Car il ne se passe plus rien de positif. Les institutions
se sont de nouveau renfermées sur elles-mêmes.
Cependant, comprenant le danger de cette situation qui les
mènera à plus ou moins brève échéance
à l'autodestruction, elles continuent à organiser
sous la pression des laïques quelques rassemblements.
Mais rien de plus qu'un os à ronger pendant que les
hauts prélats se font la g.... fiers et arrogants dans
leurs statuts ! Vêtus de leurs oripeaux multicolores
dorés sur tranche, englués dans leurs dogmes
et immuables dans leurs principes cachés sous des sourires
figés et les accolades de rigueur (quand, par hasard,
ils se rencontrent encore !).
Les thèmes principaux
de réflexion
Les six principaux thèmes de réflexion
de ce rassemblement oecuménique étaient les
suivants :
- la recherche d'une
unité visible entre les églises;
- le dialogue avec les religions et les cultures;
- l'engagement pour une justice sociale, surtout pour vaincre
la pauvreté, l'exclusion et les autres formes de discrimination;
- l'engagement pour la réconciliation au sein des peuples
et entre les peuples, surtout pour une résolution
pacifique des conflits;
- une nouvelle pratique de responsabilité écologique,
en pensant en particulier aux générations futures;
- un accord juste avec les autres régions du monde.
Œcuménisme
= universalisme ?
C'est à tort que les chrétiens
s'approprient le mot œcuménisme dont le sens et
la portée sont bien plus que religieux. Œcuménisme,
c'est l'ensemble de tout ce qui constitue la planète
qui est plurielle du point de vue des idées, des races,
des religions, des us et coutumes ... C'est également
à tort que les chrétiens associent à
ce nom : unité, unification; au contraire, cela devrait
signifier différence, indépendance, pluralisme
dans les limites d'un respect réciproque de l'homme,
être humain et individu personnalisé.
Il ne s'agit pas pour
les chrétiens de
marcher d'un même pas, de marcher sous la crosse d'un
même chef, de pleurer ensemble en disant que nous faisons
honte à Dieu et aux hommes qui réprouvent
nos divisions.
Je pense que si Dieu
s'intéresse quelque peu à nous, ce n'est certainement
pas parce que des rencontres se font ou ne se font pas entre
les candidats à la papauté, aux podiums ecclésiastiques,
qui vont de conciliabules en conciliabules où diplomates
et théologiens coupent les cheveux en quatre, dans
le but de se partager encore plus difficilement les magistères
de la spiritualité que ne le font des partis politiques
en quête de ministères pour la formation de
gouvernement.
Seul compte l'humain
Dieu sonde les coeurs,
disait le psalmiste, et il doit bien se moquer de tous
ceux qui se coiffent d'un
chapeau comme Saint Nicolas. Sans aucun doute, il doit tenir
compte bien plus de la manière dont nous aimons les
hommes que de la situation plus ou moins élevée
que nous occupons dans la société et dans les
églises. Les premiers seront les derniers, peut-on
lire dans les évangiles ! (peut-être allons-nous
rayer ce texte comme apocryphe ?).
Ce ne sont pas ceux
qui disent Seigneur, Seigneur, qui hériteront du royaume,
dit Jésus, mais ceux qui font la volonté de
mon père. “J'avais faim, j'avais soif, j'étais
sans abri, j'étais nu et vous êtes venus vers
moi”.
Loin du compte
Comme protestant, il me
faut assumer toutes les bêtises et surtout les innombrables querelles entre
les adeptes sectaires des grandes religions monothéistes.
Je dirais volontiers à mes frères
irlandais : cessez de provoquer les cathos et allez vous promener
ailleurs, il y a tellement de beaux endroits en Ulster. Aux
baptistes américains qui excommunient Disney, je leur
dis qu'ils tuent le merveilleux de l'enfance, celle de notre
tendre jeunesse.
Que les musulmans, petits-fils
d'Abraham comme les juifs, quand bien même ils ne sont pas tous membres
du FIS, ni des ayatollahs en puissance, respectent les femmes
et les croyances des autres. Je pense à tous ces soldats
qui combattaient au Koweït et qui ne purent fêter
Noël parce qu'ils étaient en terre musulmane.
Et vous les juifs, voilà que non seulement, jour après
jour, vous grignotez les terres arabes pour en faire des terres
arables, vous voulez interdire le nouveau testament en Israël,
comme les nazis interdirent l'ancien testament.
Aux catholiques romains
et aux orthodoxes, cessez de vous battre pour récupérer
au nom de Jésus (?) les églises ainsi que les
orphelins du communisme en manque de repères qui cherchent
des refuges dans des nationalismes outranciers mêlés
de religions orthodoxes, de rites slaves ou uniates catholiques.
Pour conclure
Sans doute, les “Don Quichotte”
de Graz sont-ils loin de toutes ces horreurs. Ils en sont
tout aussi dégoûtés que moi. Malgré
tout ils espèrent, ils veulent une seule église
pour tous. Ils se sont aimés à Graz, ils aimeraient
pouvoir communier ensemble lors du prochain rassemblement.
Et bien, je vous dis : faites-le dès maintenant malgré
Rome, Moscou, Genève, Jérusalem et Téhéran.
Quand on veut s'aimer réellement, il faut savoir sauter
les barrières, les murs des institutions et balayer,
s’il le faut, les dernières divisions spéciales
présidentielles.
Puissent tous les hommes
s'aimer dans leur diversité de croyances et d'opinions,
qu'ils partagent enfin le même pain, celui de la Cène,
ou du boulanger.
J.F. Haan, 1997
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