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 Dialogue


    Jean Haan

 

 

 

   

   


Etat de Graz ?

 

 

Quelque dix mille chrétiens de toutes confessions se sont réunis dernièrement à Graz en Autriche. “Réconciliation” était le slogan du jour. J'ai une certaine admiration pour ces “Don Quichotte” de l'œcuménisme. Cependant, j'ai l'impression que ces braves gens sont menés en bateau. Car il ne se passe plus rien de positif. Les institutions se sont de nouveau renfermées sur elles-mêmes. Cependant, comprenant le danger de cette situation qui les mènera à plus ou moins brève échéance à l'autodestruction, elles continuent à organiser sous la pression des laïques quelques rassemblements. Mais rien de plus qu'un os à ronger pendant que les hauts prélats se font la g.... fiers et arrogants dans leurs statuts ! Vêtus de leurs oripeaux multicolores dorés sur tranche, englués dans leurs dogmes et immuables dans leurs principes cachés sous des sourires figés et les accolades de rigueur (quand, par hasard, ils se rencontrent encore !).

Les thèmes principaux de réflexion

Les six principaux thèmes de réflexion de ce rassemblement oecuménique étaient les suivants :

- la recherche d'une unité visible entre les églises;
- le dialogue avec les religions et les cultures;
- l'engagement pour une justice sociale, surtout pour vaincre la pauvreté, l'exclusion et les autres formes de discrimination;
- l'engagement pour la réconciliation au sein des peuples et entre les peuples, surtout pour une résolution pacifique des conflits;
- une nouvelle pratique de responsabilité écologique, en pensant en particulier aux générations futures;
- un accord juste avec les autres régions du monde.

Œcuménisme = universalisme ?

C'est à tort que les chrétiens s'approprient le mot œcuménisme dont le sens et la portée sont bien plus que religieux. Œcuménisme, c'est l'ensemble de tout ce qui constitue la planète qui est plurielle du point de vue des idées, des races, des religions, des us et coutumes ... C'est également à tort que les chrétiens associent à ce nom : unité, unification; au contraire, cela devrait signifier différence, indépendance, pluralisme dans les limites d'un respect réciproque de l'homme, être humain et individu personnalisé.

Il ne s'agit pas pour les chrétiens de marcher d'un même pas, de marcher sous la crosse d'un même chef, de pleurer ensemble en disant que nous faisons honte à Dieu et aux hommes qui réprouvent nos divisions.

Je pense que si Dieu s'intéresse quelque peu à nous, ce n'est certainement pas parce que des rencontres se font ou ne se font pas entre les candidats à la papauté, aux podiums ecclésiastiques, qui vont de conciliabules en conciliabules où diplomates et théologiens coupent les cheveux en quatre, dans le but de se partager encore plus difficilement les magistères de la spiritualité que ne le font des partis politiques en quête de ministères pour la formation de gouvernement.

Seul compte l'humain

Dieu sonde les coeurs, disait le psalmiste, et il doit bien se moquer de tous ceux qui se coiffent d'un chapeau comme Saint Nicolas. Sans aucun doute, il doit tenir compte bien plus de la manière dont nous aimons les hommes que de la situation plus ou moins élevée que nous occupons dans la société et dans les églises. Les premiers seront les derniers, peut-on lire dans les évangiles ! (peut-être allons-nous rayer ce texte comme apocryphe ?).

Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur, qui hériteront du royaume, dit Jésus, mais ceux qui font la volonté de mon père. “J'avais faim, j'avais soif, j'étais sans abri, j'étais nu et vous êtes venus vers moi”.

Loin du compte

Comme protestant, il me faut assumer toutes les bêtises et surtout les innombrables querelles entre les adeptes sectaires des grandes religions monothéistes.

Je dirais volontiers à mes frères irlandais : cessez de provoquer les cathos et allez vous promener ailleurs, il y a tellement de beaux endroits en Ulster. Aux baptistes américains qui excommunient Disney, je leur dis qu'ils tuent le merveilleux de l'enfance, celle de notre tendre jeunesse.

Que les musulmans, petits-fils d'Abraham comme les juifs, quand bien même ils ne sont pas tous membres du FIS, ni des ayatollahs en puissance, respectent les femmes et les croyances des autres. Je pense à tous ces soldats qui combattaient au Koweït et qui ne purent fêter Noël parce qu'ils étaient en terre musulmane. Et vous les juifs, voilà que non seulement, jour après jour, vous grignotez les terres arabes pour en faire des terres arables, vous voulez interdire le nouveau testament en Israël, comme les nazis interdirent l'ancien testament.

Aux catholiques romains et aux orthodoxes, cessez de vous battre pour récupérer au nom de Jésus (?) les églises ainsi que les orphelins du communisme en manque de repères qui cherchent des refuges dans des nationalismes outranciers mêlés de religions orthodoxes, de rites slaves ou uniates catholiques.

Pour conclure

Sans doute, les “Don Quichotte” de Graz sont-ils loin de toutes ces horreurs. Ils en sont tout aussi dégoûtés que moi. Malgré tout ils espèrent, ils veulent une seule église pour tous. Ils se sont aimés à Graz, ils aimeraient pouvoir communier ensemble lors du prochain rassemblement. Et bien, je vous dis : faites-le dès maintenant malgré Rome, Moscou, Genève, Jérusalem et Téhéran. Quand on veut s'aimer réellement, il faut savoir sauter les barrières, les murs des institutions et balayer, s’il le faut, les dernières divisions spéciales présidentielles.

Puissent tous les hommes s'aimer dans leur diversité de croyances et d'opinions, qu'ils partagent enfin le même pain, celui de la Cène, ou du boulanger.

J.F. Haan, 1997  

 


          

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