Laurent
Gagnebin réagit
à la thèse du "consensus responsable"
que l'Eglise Réformée de France privilégie
et recherche comme aboutissement des débats. Cette
situation est récente chez nos voisins français.
Elle est aussi malheureusement de rigueur chez nos voisins
belges depuis deux décennies.
Un consensus responsable
Cette poursuite du consensus
me semble discutable, dans le meilleur sens du mot. Le
consensus exprime un accord
sans les différences. Il serait cependant préférable
de le faire avec elles. Le consensus conduit à l'érosion
des points de vue divergents; il les gommes et conduit ainsi
à l'appauvrissement. Le consensus semble dire que nous
pensons tous la même chose. Or, c'est inexact.
Ce trompe l'œil est le résultat
d'une harmonisation souvent artificielle qui fait doublement
problème. D'une part les minorités, comme les
personnalités atypiques, y disparaissent. La démocratie,
pourtant, n'est-elle pas, surtout, le respect de la minorité
? D'autre part, le consensus donne parfois l'impression de
clore un débat, là où il devrait rester
largement ouvert. Tout compte fait, il n'exprime plus le débat,
il finit en effet par l'enterrer. D'où le reproche
de plusieurs fidèles et pasteurs estimant qu'aujourd'hui
il n'y a, apparemment, pas de vrai débats théologiques
dans notre protestantisme.
Pour une diversité responsable
Ne conviendrait-il pas
plutôt de favoriser
et faire apparaître nos différences, notre diversité,
de militer pour une diversité responsable ? Et cela
dans des textes qui les montreraient sans complexes ? On privilégierait
alors non pas l'unité (ce que fait le consensus),
mais l'union.
La volonté du consensus et de l'unité
relève d'une démarche de type catholique, là
où celle de l'union d'une démarche de type
protestant.
Des textes d'union qui
montrent nos complémentarités
et nos différences, voire des oppositions, ne peuvent
pourtant être produits que si l'on respecte deux principes;
ces règles participent d'une sorte d'éthique
du débat authentique, d'une dynamique nécessaire
à la discussion.
Premièrement, il faut toujours se rappeler
que mon point de vue existe par rapport à l'autre,
voire grâce à lui.
Deuxièmement, il faut accepter que mon
point de vue puisse être changé, qu'il ne saurait
être présenté comme figé ou définitif.
La Réforme a-t-elle forcément
été un consensus (Luther, Melanchton, Zwingli,
Calvin, Bucer, Menno Simons, John Smith, Castellion, etc.)
? Ne peut-on pas dire que nous avons trop souvent peur des
conflits, que nous les étouffons ? Nous n'avons probablement
pas le courage de nos différences, voire des oppositions,
parce que l'institution ERF se sent peut-être trop fragile:
trop peu de gens, trop peu d'argent. Comme si nous ne pouvions
plus nous autoriser cela, ce luxe. Mais une institution qui
se méfie de ses différences a-t-elle encore
confiance en elle-même ?
Laurent Gagnebin,
Evangile et Liberté n° 151 - janvier 2002
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