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 Les chroniques



    Jacques Chopineau

 

- Un préalable

- Religion

- Un autre regard

 

 

   

 


Foi et croyance

 

 

Un préalable

D’abord, une précision : Toute démocratie est « laïque ». Il n’existe pas de démocratie théocratique. La démocratie est un système de gouvernement. La religion relève de la vie privée. Si l’une veut intervenir dans le champ de l’autre, la démocratie est malade. A chacune son domaine propre. Sans concurrence et sans interférence. Pour autant, la religion est une composante fondamentale des sociétés humaines. Et la laïcité n’est pas un substitut de religion.

Naturellement, il existe plusieurs formes juridiques de laïcité. De la séparation inscrite dans un texte, ou dans une forme ou l’autre de concordat. Un même pays peut d’ailleurs, pour des raisons historiques, connaître deux régimes. C’est le cas en France où la loi de séparation entre l’église et l’état n’a jamais été d’application en Alsace. Ainsi, l’université de Strasbourg comprend –comme en Allemagne ou en Suisse- des facultés de théologie. C’est là un usage local qui –quel que soit le pays- ne remet pas en question la loi générale. La laïcité n’est pas fondamentalement différente ici ou là.

Une laïcité de fait est le cas de toutes les démocraties. Un concordat est, éventuellement, une manière pour l’état de contrôler une pratique religieuse inscrite dans la vie culturelle du pays et de son histoire. Mais dans tous les cas, laïcité et démocratie sont inséparables.

Religion   

Laissons les aspects extérieurs de ce qu’on appelle « religion ». Ces aspects sont nombreux (sociaux, culturels, historiques, psychologiques,…) et peuvent avoir –en un temps et localement- une grande importance. Les études sur cet aspect formel sont nombreuses. Ce n’est pas ce qui est envisagé ici.

Pas davantage, n’est envisagée une étude sur le terme « religion ». Certaines langues n’ont d’ailleurs pas de terme « religion ». Les langues néolatines recourent évidemment au mot « religio » -lequel procéderait du verbe « religare » (« relier »). Notons que Cicéron ou Isidore de Séville n’ont pas cette interprétation et préfèrent le verbe « relegere » (« relire »). Peut importe ici.

Les discussions étymologiques ou les interprétations philosophiques sont certainement intéressantes en soi, mais elles ne touchent guère la réalité du phénomène. Car il ne s’agit pas d’un « dire », mais d’un « faire ». Et que ce « faire » n’est pas concerné par le « dire » -ni même par le « bien-dire » ou le « bien-penser ».

Un autre regard   

Peut-il exister une société humaine sans religion ? Pour le dire autrement : un athée ou un agnostique sont-ils nécessairement sans religion ? Si la religion était une manière de penser, il faudrait, sans doute, répondre par l’affirmative. « Je ne crois à rien », donc « je n’ai pas de religion ». Mais est-ce si simple ?

Sans doute, aujourd’hui, les églises sont en crise. Du moins : elles se vident. Mais cela ne signifie pas que la religion soit en crise. Cela signifie simplement qu’une confession, une institution comme telles, ainsi que leur langage, sont en crise. Le religieux se continue sous d’autres formes, sur d’autres chemins. Les croyances anciennes ne sont plus un passage obligé.

D’ailleurs, « foi » (religieuse) et « croyance » (confessionnelle) n’ont jamais été des termes synonymes. « Croire » est une manière de penser –et donc une manière de parler. « Foi » est une manière d’être –même là où les mots font défaut.

En termes protestants, ce qu’on appelle le « salut par la foi » (sola fide) réfère à autre chose qu’à une simple croyance. Aucun théologien n’a jamais parlé de « salut par la croyance ». Ce serait, d’ailleurs, penser à une sorte de salut par les mots. Un tel « salut » ne pourrait paraître crédible qu’à des esprits préparés à voir la vérité dans les mots qui en parlent. Autant penser que la réalité et le doigt qui la désigne sont la même chose !

En réalité, une foi religieuse n’est pas la croyance en ceci ou cela. Certes, elle en prend souvent la forme, pour un regard extérieur. Mais le corps n’est pas le vêtement. De même que le pot n’est pas le contenu.

Tout religieux reconnaît ce que telle religion –même très étrangère à sa culture- porte en soi. Les différences visibles sont de l’ordre du vêtement. Les rites comme les habits. Les mythes comme les langues.

Il ne s’agit évidemment pas de faire une moyenne, ni de trouver un langage commun. Il n’est pas d’esperanto spirituel ! Les « oecuménismes » de rassemblement supposent que les différences sont des « divisions ». Il n’en est pas ainsi : Les différences ont à être respectées. Toute voie particulière possède une saveur unique. Voilà le premier pas de ce qu’on appelle « religion ».

Les chemins sont différents. On ne peut en parcourir deux à la fois. Et dans tous les cas : mieux vaut un chemin long et difficile qu’une absence de chemin.

Jacques Chopineau, Genappe le 4 décembre 2006