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 Les chroniques



    Didier Estoppey

 

 

 

   

 


Mensonge collectif

 

 

« Nous ne savions pas ». Tel est en substance le système de défense de l'armée israélienne pour justifier le massacre commis dimanche à Cana, dont le monde entier s'est ému. « Tsahal a opéré en fonction d'informations selon lesquelles le bâtiment n'était pas habité par des civils et était utilisé comme cache par des terroristes », affirme un rapport d'enquête de l'armée publié hier.

L'armée israélienne ignorait aussi certainement la présence de casques bleus de l'ONU dans les bâtiments de la FINUL bombardés la semaine dernière. Tout comme il lui échappe probablement que la population libanaise soumise depuis trois semaines à un déluge de feu compte elle aussi un certain nombre de civils dans ses rangs. Environ un tiers des quelque 4.000 victimes (900 morts et 3.000 blessés) de l'offensive menée par Israël depuis le 12 juillet sont ainsi des enfants de moins de 12 ans, ont annoncé hier des responsables libanais.

Mais l'armée israélienne n'est pas seule à mentir. Le gouvernement d'Ehud Olmert ne cesse, lui non plus, de s'enfoncer dans les contrevérités en essayant de justifier la meurtrière offensive au Liban. Une aventure militaire imposée par l'état-major à une classe politique prise au dépourvu par l'enlèvement de deux soldats israéliens par le Hezbollah, expliquait hier, dans les colonnes du Temps, un ancien conseiller d'Itzhak Rabin.

Et ce que les dirigeants israéliens se sont laissé dicter par leurs officiers, ils cherchent aujourd'hui à l'imposer au monde. Tandis que la communauté internationale continue à tergiverser sur un éventuel cessez-le-feu couplé au déploiement d'une force internationale, le premier ministre israélien poursuit ses déclarations kafkaïennes, justifiant la présence de ses troupes par l'attente des troupes internationales qui devront lui suppléer. L'intérim pourrait durer: Ehoud Olmert réclame 15.000 hommes. Un contingent qu'il faudra plusieurs mois pour déployer, selon un responsable onusien cité hier par Le Monde.

Ce discours revient à renverser les responsabilités, en rendant une prétendue inaction internationale coupable de l'agression menée par Israël contre l'ensemble du peuple libanais, au mépris du droit international. Il est consternant de voir l'écho que continue à rencontrer, parmi de larges palettes de dirigeants mondiaux, la morgue avec laquelle le gouvernement Olmert cherche à justifier l'injustifiable.

Didier Estoppey, Vendredi 4 août 2006

Le Courrier
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