retour petite gazette
 Les chroniques



    Nadine de Vos

 

(*) Dossier n° 57 – Novembre 2003 – La Libre Essentielle :
« Les couples homosexuels de nationalité belge ont désormais les mêmes droits que les couples hétérosexuels sur les plans sociaux, fiscaux, en matière de patrimoine et d’héritage, mais restent exclus des droits et des devoirs liés à la filiation et à l’adoption. Cette disposition légale demeure en décalage avec la réalité des situations et des pratiques dans notre pays où, comme ailleurs, le nombre de familles homoparentales aurait tendance à croître même si aucune statistique n’existe actuellement sur le nombre d’enfants élevés en Belgique par un parent homosexuel. »

 

   

 


Coup de gueule

 

 

Une proposition de loi « modifiant le Code civil afin d’autoriser l’adoption par des couples homosexuels » a été déposée, le 7 janvier 2004, par M. Guy Swennen (Chambre des Représentants de Belgique – Doc. 51 0664/001).
Le Parlement belge devait entamer courant mars 2005 les débats à ce sujet.
Les opposants m’ont contactée… Voici ma réponse :

Bonsoir C. et F.,

J’ai bien reçu votre courriel concernant la pétition contre l’adoption d’enfants par les homosexuels mais je m’étonne que vous me demandiez de la signer et de la diffuser.

Il est en effet exclu que je signe et, a fortiori que je transmette, pareil appel à l'intolérance et à la discrimination. Car quoi que vous puissiez écrire, et malgré vos précautions et autres coquetteries de langage, il s'agit bel et bien d'intolérance.

Si j’en juge d’après une information glanée dans la presse belge (*), votre démarche me semble par ailleurs tout à fait rétrograde.

En outre, je ne vois pas de quel droit j’irais m'immiscer dans la vie privée des gens et porter un quelconque jugement sur leurs préférences sexuelles. Je ne vois pas non plus pourquoi, a priori, l’homosexualité de parents adoptifs serait contraire aux intérêts d’un enfant.

Je suis bien d’accord pour dire avec vous que « Les enfants ont le droit d’être adoptés par des couples qui présentent le plus de garanties pour leur développement affectif, psychologique et social » mais je considère que je n’ai pas l’autorité de décider que les couples homosexuels ne présentent pas ces garanties. L'argument psychanalytique avancé ne m'impressionne pas et je vous suggère de vous informer sérieusement sur cette pseudoscience avant de l'appeler à la rescousse.

En termes d’offre et de demande, nous savons bien que – pour le moment et dans notre pays – il y a plus de parents potentiels que d’enfants adoptables et nous connaissons la rigueur et le sérieux des enquêtes et des procédures préliminaires aux autorisations d’adoption. Je me demande donc bien ici quelle prétention pourrait m’inciter à vouloir écarter d’office certaines familles, parce que considérées comme « non conventionnelles » ? Si je le faisais, et toujours au nom de l’intérêt de l’enfant, je devrais également refuser les personnes économiquement moins favorisées, les célibataires, etc.

Pour ce qui concerne les adoptions internationales ayant lieu à l’étranger, l’offre – pour utiliser un terme économique choquant dans ce contexte – est beaucoup plus importante. En vertu de quels pouvoirs irais-je choisir, pour un enfant, la vie d’orphelinat alors que, peut-être, une famille est prête à l’accueillir ? Avez-vous déjà visité des orphelinats au Vietnam par exemple ? Ou en Roumanie ? Ou même dans nos pays privilégiés ? Vous êtes-vous déjà interrogés – puisqu’il est question ici du fameux argument psychologique – des troubles affectifs dont peuvent souffrir les enfants des homes ? D’où vous vient la certitude que ces enfants ne seront pas mieux épanouis dans une famille homoparentale ? Et je n’évoque même pas la sécurité matérielle et le confort qui pourraient être offerts à ces enfants.

Vous avez parfaitement le droit, comme tout le monde, d'avoir une opinion mais nullement celui de l’imposer. Par ailleurs, j’aimerais savoir sur quoi se fonde cette opinion. Je ne vous ferai pas l’injure de croire que vous suivez aveuglément les conseils de Radio Vatican mais je n’oserais imaginer non plus que vous vous basiez sur l’idée indécente et gratuite qu’il y aurait plus de risques d’abus dans une famille homoparentale que dans une autre famille. Des études sérieuses ont été menées à ce sujet et ont démontré l’absurdité de ce genre d’allégations.

Vous parlez du « bien de l’enfant » mais il faudrait veiller à ne pas en faire un mésusage en l’utilisant comme bouclier pour faire normaliser et entériner des préjugés homophobes. Car si je regarde plus loin, je comprends que, selon vous, les homosexuels devraient être privés du bonheur immense d'aimer un enfant et de le rendre heureux. Les croiriez-vous incapables d'amour ? Et l’amour n’est-il pas essentiel ?
J’ose espérer que vous prendrez le temps de vous pencher un peu plus gravement sur cette question.

Nadine de Vos, Bruxelles le 9 juin 2005