À propos
du féminisme
«
Mais moi, je ne suis pas féministe ! » minaudent
de nombreuses femmes, comme pour s’excuser. Comme si
c’était une tare de l’être. Ca fait
mauvais genre et surtout, elles ne veulent pas être
assimilées aux clichés liés aux pionnières
de l’émancipation : des vieilles filles moches,
aigries et hystériques, qui n’ont pas trouvé de
mari, qui sont allées trop loin dans leurs revendications,
qui n’ont réussi qu’à se mettre
les hommes à dos en cherchant de manière grotesque à les
imiter.
Elles veulent oublier que même les plus
féminines
des poupées et les mères de famille au modèle
le plus traditionnel bénéficient directement
des luttes de celles qu’elles décrient. Elles
veulent ignorer que les hôtesses de l’air, institutrices,
pasteures, entre autres, avaient l’interdiction d’exercer
leur profession après le mariage; que, si elles restaient
célibataires, c’était souvent parce que
leur métier leur tenait à cœur et qu’elles
n’avaient pas d’autre choix.
Elles oublient que
le Code Napoléon n’est pas si loin.
On peut
y lire : « Les personnes privées de droits juridiques
sont les mineurs, les femmes mariées, les criminels
et les débiles mentaux ».
Que le droit de travailler
et d’ouvrir un compte en banque sans l’accord
du mari, le droit de vote, le droit à l’avortement
sont des acquis qui ont à peine trente ans, voire
moins. Grâce aux féministes, nous sommes des
privilégiées face aux millions de femmes dans
le monde qui n’ont que le droit de se taire.
Pourquoi donc des femmes nées avec
le droit de vote tombé tout cuit dans leur vie ont-elles
la mémoire
si courte et une telle désinvolture ?
- Paresse, conformisme,
peur de devoir prendre des initiatives?
- Refus de partager
avec les hommes des tâches jusqu’ici dévolues
aux femmes?
- Souci égoïste de préserver
leur confort ?
Mystère.
Si elles ne veulent pas aller
au front, grand bien leur fasse. Elles ont reçu le
beurre et l’argent du beurre sans lever le petit doigt.
Mais qu’elles s’abstiennent au moins de critiquer
la fermière, en ayant la décence de respecter
sans ricaner les engagements de ces féministes qui
se sont battues et se battent encore – pour des choses
qui devraient aller de soi – elles ont de quoi en être
fières. Corinne Baumann, La Vie Protestante |