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 Les chroniques



    Pierre Bailleux

   

 

Toujours atteint du même syndrome du "complot maçonnique", le dit cardinal a récemment accusé la maçonnerie de contrôler toute la politique européenne "à Bruxelles" et "depuis Bruxelles". Pour preuve, le texte de la Constitution européenne n'a-t-il pas été rédigé sous la responsabilité d'un maçon notoire, Valéry Giscard d'Estaing !

Une fois cette situation ainsi décrite, Ratzinger insista pour que les évêques se mobilisent, par leurs enseignements, contre cette attaque de la franc-maçonnerie. Se voulant gardien de l'orthodoxie, le cardinal allemand est persuadé que l'Espagne est pour les maçons un banc d'essai pour extirper toute influence chrétienne d'Europe : s'ils réussissent dans ce sanctuaire spirituel qu'est l'Occident, il leur sera plus facile de réussir ensuite dans le reste du continent. De toute évidence, le cardinal est alarmiste. De fait, il aida Cañizare (1) à "inspirer" le discours papal.

Rome va donc prendre très au sérieux le "problème espagnol". À Rome, on ne sait pas si José Luis Zapatero, l'actuel premier ministre de l'Espagne, est franc-maçon ; par contre les hiérarques sont persuadés, sans le moindre doute, que Rubalcaba l'est (2). Et quelle a été la première personnalité politique à rendre visite à José Luis Zapatero, seulement deux semaines après son élection ? Sinon le maçon du 33ème degré, Giscard, père de la Constitution européenne ! Et qui prépara l'entrevue ? Sinon Rubalcaba en personne ! Cela se passait le 31 mars dernier, à peine deux semaines après les élections. Voilà la thèse confirmée (3).

(1) Mgr Cañizares est l'archevêque de Tolède.
(2) Rubalcaba est le porte-parole du Parti socialiste au Parlement et considéré par beaucoup comme éminence grise du nouveau gouvernement.
(3) (source : religiondigital.com ; information transmise par Jaume de Marcos, président de la Société unitarienne d'Espagne)

[ traduction : Jean-Claude Barbier ]


Un complot maçonnique européen

 

 

L'accusation du Vatican de complot maçonnique n'est pas neuve; elle est même passablement éculée et ne fait même plus sourire les accusés. Pour rappel, de 1738 à 1884, les condamnations pontificales se succèdent à l'égard de ces "sociétés secrètes d'hommes séditieux" qui conspirent contre l'Eglise et les pouvoirs légitimes de la société civile.

L'excommunication des francs-maçons n'est levée qu'en 1983.
Tant de mansuétude a sans doute réconforté ceux qui attachent une importance au Droit canon. Quant aux autres, dont nous sommes, peut en chaut. Tout comme la "réhabilitation" de Luther par Jean-Paul II n'a pas fait coupé le souffle aux protestants.

En 1983 donc, le cardinal Ratzinger (1), le gardien de la foi, bien connu pour son antimaçonnisme primaire, avait quelque peu tempéré les largesses pontificales en déclarant : « Les fidèles qui appartiendraient à des associations maçonniques sont en état de péché grave et ne peuvent avoir accès à la communion ».

Outre le caractère paranoïaque de ces sempiternelles accusations de "complot maçonnique" (lire l'encadré), ce qui étonne et sidère, c'est l'incroyable persistance de la rumeur : Valéry Giscard d'Estaing franc-maçon. Et du 33ème degré de surcroît !

Rectifions donc.

Lorsqu'il accéda à la Présidence de la République française, V. Giscard d'Estaing convoqua à l'Elysée le Sérénissime Grand Maître d'une obédience françaises travaillant au Rite Ecossais Ancien et Accepté et lui proposa tout benoîtement l'insigne honneur de l'initier le même jour franc-maçon apprenti, compagnon, maître et, tant qu'à faire, 33ème.

Chacun sait que le ridicule ne tue pas, ce qui permit à V. Giscard d'Estaing d'être l'auteur (bel et bien profane) de la Constitution européenne.

Ainsi en va-t-il de la rumeur.

On mesure l'étendue de son caractère pernicieux au fait que des personnes, au dessus de tout soupçon et parfaitement bien intentionnées, la véhiculent en toute innocence, faute d'information adéquate.

Elles sont victimes d'un complot bien réel cette fois : celui qui prolifère dans le terreau fertile du mensonge consciencieusement entretenu par ceux qui y puisent la force de leur pouvoir dogmatique.

Pierre Bailleux, le 2 mars 2005  

(1) Patron de la Congrégation pour la doctrine de la foi, digne héritière de l'Inquisition