Le paradoxe
de Noël
Le paradoxe de Noël est ce qui nous occupe ici. C’est,
bien sûr, la fête de la naissance de Jésus.
Nul ne connaît, en fait, ni le jour, ni l’année,
mais la tradition fait que cette fête est célébrée
le 25 décembre.
Fête « oecuménique » -non au sens
d’un oecuménisme chrétien, mais en ce
sens que le solstice est le solstice pour tout le monde !
Mithra, Dieu solaire (le « sol invictus », ce « soleil
invaincu », titre repris par la liturgie romaine et
appliqué au Christ) naissait également le 25
décembre.
En tant que fête de la lumière, Noël est
analogue à la fête juive de Hanouka. Après
le solstice, la lumière renaît, et avec elle –symboliquement-
la vie.
Image universelle que celle du solstice d’hiver….
Il ne s’agit donc guère d’une fête « chrétienne » à l’origine
(la grande fête était celle de Pâque -fête
liée à l’équinoxe de printemps),
mais c’est une fête qui a connu un grand développement –surtout
en Europe du nord, à partir du Moyen-âge.
Noël est, au fil du temps, devenu la grande fête
chrétienne. Au point qu’aujourd’hui, le
sapin de Noël (création récente !) est
de coutume en des lieux où il n’a jamais fait
partie de la tradition et parfois doit être importé à grands
frais, selon une coutume semblable à celle de tel
grand voisin développé (cas du Mexique, par
exemple).
Le paradoxe consiste en ceci que cette fête qui célèbre
l’humble naissance de Jésus est, en même
temps la fête de la consommation –et donc, aussi,
la fête des vendeurs. A aucun moment de l’année,
dans les pays qui en ont les moyens, on ne dépense
autant pour consommer.
Bien sûr, dans notre monde marchand,
toute fête
a ces deux visages : une occasion de vente (d’où ces « fêtes » toujours
plus nombreuses, au fil des ans) et une motivation familiale
et festive. Un visage heureux et un visage commercial.
«
Il y a une demande », dirait un vendeur. Parents et
enfants ont besoin d’une occasion de réjouissances.
Il faut donc répondre à la demande.
Il reste qu’à Noël, nous célébrons,
officiellement, la naissance de Jésus. Lequel est
né, dit-on, non dans un palais, mais dans une étable
! En même temps, il s’agit bien, chez nous, de
la fête de la grande consommation.
Mais il se trouve que la consommation est
très
inégalement
répartie dans ce monde…. Rien n’est plus
conforme à l’esprit du christianisme que de
penser à cette misère du monde dans lequel
Jésus est né, pauvre entre les pauvres.
La
fête de la lumière
Cependant, Noël est aussi la fête des enfants,
et donc des familles. Si Noël n’existait pas,
il faudrait certainement l’inventer. Même la
Russie soviétique –athée en diable- a
fêté le « père Gel » afin
de rester dans l’orbe d’une pratique populaire
ancienne.
Pourtant, dans beaucoup de pays du monde,
une telle fête
est inconnue. Soit parce qu’elle ne fait pas partie
des coutumes, soit parce que sa célébration
est hors de la portée de ceux qui n’ont rien.
Beaucoup, sur cette terre, ne savent rien
de cette ancienne fête du solstice. Et –parmi ceux qui savent-
beaucoup, ici et là, n’ont aucun moyen d’accéder
aux grandes réjouissances. D’ailleurs, le cœur
de l’hiver est funeste aux sans-abris.
D’autre part : qu’en est-il, aujourd’hui,
du Noël des enfants palestiniens ? Qu’ils soient
chrétiens ou musulmans, la fête est loin !
On songe aux paroles de la chanson (connue
dans tout le monde arabe), chantée par la grande Fairûz (« madînatu
s-salâT » : « la ville de la prière » –qui
est Jérusalem):
«
L’enfant dans la grotte
Et sa mère Maryam
Leurs deux visages pleurent »
La suite de la chanson est tragique. Elle
reflète
bien la situation actuelle. Que ceux qui ont la chance de
se réjouir durant cette fête, aient une pensée
pour la misère de ce monde où Jésus
est né. Le paradoxe de Noël est là. Une
fête de la lumière en un temps de grande obscurité.
Une célébration de l’humble naissance
de Jésus et une fête de la grande consommation.
Jacques Chopineau, Genappe, le 27 novembre
2004 |