Les chroniques | 18|03|2004 |
Secret de famille | Imprimer |
Que vont faire les enfants de cette valise ? Soit ils la jettent et respectent le désir du défunt. Mais toute leur vie, ils peuvent se poser la question "qu'avaient-ils donc à nous cacher ?" Alors ils continuent à entretenir le secret. Soit ils l'ouvrent et lisent au risque de découvrir
l'inattendu. Mais la santé de la famille peut être à ce
prix. Secrets de famille ! Le secret souvent est nommé,
mais il doit être oublié. dans des familles, on se rappelle,
par exemple qu'il ne faut pas souhaiter un anniversaire parce qu'il y
a une date à ne pas découvrir.On parle de cet acte commis
par le petit cousin dont personne ne parle, mais dont chacun sait et
dit qu'il ne faut pas en parler. On se rappelle des clés de la
malle qui sont dans le tiroir mais que personne ne doit toucher. Un secret
de famille c'est : "Je sais que je ne dois pas savoir". Le secret de famille n'est pas un non-dit, ça
n'est pas qu'une information oubliée. C'est une information cachée
parce que sa charge émotionnelle est tellement forte qu'elle pourrait
déstabiliser l'équilibre familial.Mieux vaut taire que
nuire. Au lieu de se perdre, le secret de famille se répand.
Son silence qui est nommé ou connu lui sert de haut-parleur. Moins
il se dit ouvertement et plus il se propage. Plus je sais qu'il ne faut
pas dire et plus le secret se charge d'émotion, de mystère,
d'insécurité, plus il se répand au sein du groupe
familial. Il peut se créer alors une mémoire inconsciente,
avec des syndromes de répétition, des "c'est comme
son grand-père" ou "dans la famille c'est toujours comme ça".
Comme s'il y avait là une sorte de nécessité mais
dont la logique échappe à toute la famille. J'en finis par accepter, à regrets parfois, que l'annonce de l'amour de Dieu, de la grâce ou du pardon ne sont que vent et vanité lorsqu'ils ne sont pas assortis de l'effort de nommer ce qui est caché, d'oser ouvrir les valises de nos greniers familiaux, et du courage de la parole vécue dans la relation à l'autre. J.P. Sauzède, Evangile et liberté, janvier 2000 |