Les chroniques | 07|03|2004 |
Dutroux,
involontairement méchant ? |
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La méchanceté relèverait d'une absence
de volonté. Elle se passerait bien d'être choisie, il suffit
de se laisser aller à ses penchants, de laisser faire la nature.
Comme la voiture foncera toute seule dans le ravin si la volonté du
conducteur ne redresse le volant, dit Alain. Nul n'est méchant volontairement. S'il s'est "seulement" laissé aller, il
est alors "victime" (!) d'une nature mauvaise, innée, … et
dès lors - comme dirait A. Comte-Sponville - "coupable de
ses actes, mais innocent de soi". Idem pour Hitler, Staline, Franco,
Pol Pot, Pinochet, Mobutu et tous les ignobles prédateurs passés,
présents et à venir de l'histoire humaine où les
tortionnaires sans scrupules semblent plus nombreux que les âmes
charitables. Ce qui peut-être épouvante et dérange
profondément dans le déballage des sordides méfaits
de Dutroux, c'est qu'on y (re)"découvre" la plus abominable
face cachée de notre humanité, celle qu'on préférerait
ignorer. Les protestants, par exemple, préfèrent oublier
que l'horrible pasteur Pandy appartient à leur famille spirituelle. Si vous acceptez la réversibilité des mérites,
disait Jean-Paul Sartre - raillant la doctrine catholique selon laquelle
le fidèle pourrait profiter de l'abondance des bonnes œuvres
des saints -, acceptez donc aussi la réversibilité des
crimes. Autrement dit, s'il vous plaît de participer et de vous
identifier à la grandeur des héros, acceptez d'être
souillés par les plus abominables criminels. Les uns comme les
autres appartiennent à la même humanité ! Splendeur
et décadence. "Toute aventure humaine, quelque singulière
qu'elle puisse paraître, engage l'humanité entière". « Il n'en est pas un qui agisse bien, pas même
un seul » dit le Psaume 14 dans un pessimisme extrême.
Et pourtant, dans notre humanité, il y a aussi Gandhi, Martin-Luther
King, Albert Schweitzer, Sœur Emmanuelle et tant d'autres qui
outrepassent l'animalité intrinsèque parce qu'un idéal
puissant les transcende. Et encore les innombrables héroïsmes
quotidiens, discrets, à jamais anonymes de tous ceux qui sont volontairement bons. En nous l'ivraie, mais elle n'envahit
pas nécessairement le bon grain. Et, comme disait Paul Valery,
faisant appel à notre volonté, "il faut suivre sa
pente… en la remontant". |