Les chroniques    29|02|2004

Les faiseurs de remontrances  Imprimer


L'histoire est apocryphe.
Vers un passant, deux hommes eurent l'attention attirée par une remarque : voilà l'agneau de Dieu. Ceux-ci se mirent à le suivre et lui dire: Rabbi (ce qui signifie maître), où demeures-tu ? Le passant leur montra où il demeurait et leur impartit son enseignement. Le Sermon sur la montagne chatoie de tous ces feux, joyaux unique où cette perle de sagesse est sertie :

Ne jugez point, afin de ne pas être jugés. Car on vous jugera du jugement dont vous jugez et l'on vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez; Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère, et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ?

Cette maxime dévoile le caractère d'un être et ses desseins que voile le rideau des apparences.

Sa pertinence est telle qu'elle fit dire à un scribe : Maître, je te suivrai partout où tu iras ! Les collègues du scribes lui demandèrent les raisons de son enthousiasme.
Le scribe en énonça trois.

D'abord, cette maxime exhorte à la patience

Dans sa vie de scribe, il a souvent croisé ces faiseurs de remontrances. Car le monde n'est pas seulement peuplé d'êtres débonnaires, ceux qui hériteront la terre, selon le langage du Rabbi.

Le scribe n'entend ni sonder les causes secrètes du comportement des faiseurs de remontrances ni les juger. Et s'il doit essuyer leurs incivilités ou leurs propos désobligeants, il se réjouit désormais - ayant compris le maître - de cette aubaine inespérée : l'occasion d'exercer sa patience et de pratiquer la vertu.

Ensuite, cette maxime désigne un repoussoir

Les faiseurs de remontrances donnent le mauvais exemple en stigmatisant la paille qui est dans l'œil du prochain, tout en étant oubliant de la poutre qui est dans le leur. Leur déportement instruit du mal que l'on peut causer à autrui. Ils donnent l'exemple à ne pas suivre.

Le Rabbi a même ajouté : ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l'œil de ton frère.

À l'hypocrisie, le maître préfère l'honnêteté, à la malfaisance la bienfaisance.

Enfin, cette maxime valorise la mansuétude

Aux faiseurs de remontrances, le scribe répond par la pitié. Le scribe pourrait se revancher ou se claquemurer dans sa peine. Se revancher, c'est montrer un esprit étriqué et mesquin. Se claquemurer, c'est oublier la charité. En tendant la main, le scribe adoucit la peine qu'il ressent et fait un don noble et généreux au faiseur de remontrances.

Pour le faiseur de remontrances, le scribe devient sa chance : la chance de pouvoir entrer dans le sillon de la charité plutôt que de continuer à s'embourber dans le marais de la malignité.

La mansuétude du scribe ouvre le registre du maître de sagesse et permet à un nouveau disciple de s'inscrire !

Jean-Loup Seban, 29 février 2004