Les chroniques    03|02|2003

Les medias et leurs "coups de cœur"  Imprimer


À Puerto Alegre, Le président brésilien Luis Ignacio «Lula» da Silva, déclarait qu'il dirait aux participants de Davos que l'«on ne peut pas continuer à vivre dans une logique économique où des peuples peuvent manger cinq fois par jour et d'autres une fois tous les cinq jours». En effet, dans l'anonymat le plus total, chaque jour sur la planète environ 100.000 personnes meurent de faim ou des suites immédiates de la faim (1).

Sept astronautes (six américains et un israélien), volontaires pour cette mission, meurent dans un accident d'une navette spatiale, et l'Amérique pleure à nouveau ses héros et le monde est frappé au cœur. Toutes les chaînes télévisées ont solennisé l'accident, le transformant en catastrophe mondiale.

"L'émotion, diffusée sans relâche, depuis samedi, à travers les petits écrans a un goût voisin de celui qui accompagne la «guerre contre le terrorisme» : un mélange de fierté et de consternation. Sur les plateaux des télévisions, les présentateurs ont d'ailleurs du mal à ne pas prononcer le mot «terrorisme», tant l'explosion de la navette, avec son colonel israélien à bord, semble faire écho aux attentats du 11 septembre." (2)

Laisser mourir des millions de gens de la faim et du sida, n'est-ce pas aussi un acte "passif" de terrorisme ?

Que faire pour que les médias, et le public des chaînes télévisées, ressentent la même émotion que pour cet épisode de "Star Trek" ?

Je termine aujourd'hui en vous invitant à lire une bien agréable histoire pour enfants (3) :

"Mais Papa, est-ce qu'on va gagner ?
– Bien sûr, mon enfant. Ce sera fini avant même que tu te réveilles.
– Pourquoi ?
– Parce que, sinon, ça va énerver les électeurs de M. Bush et ils risqueraient de ne pas voter pour lui, finalement.
– Mais est-ce qu'il y aura des morts, Papa ?
– Personne que tu connaisses, mon chéri. Rien que des étrangers.
– Je pourrai tout regarder à la télévision ?
– Seulement si M. Bush est d'accord.
– Et après, tout redeviendra normal ? Personne ne fera plus jamais de choses horribles ?
– Chut, mon enfant. Dors."

Pierre Bailleux. 03|02|2003

(1) FAO, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, World Food Repoort, 2000, Rome, 2001.
(2)
Libération, lundi 03 février 2003, Les Etats-Unis frappés au cœur, Pascal Riche
(3) Le Monde, édition du 18/01/2003,
Point de vue Confessions d'un terroriste, par John Le Carré