Les chroniques | 15|01|2001 |
La patience des maîtres | Imprimer |
Devant de telles paroles, et dans un tel lieu, les “bien-pensants”
me diront, ou ne me le diront pas, que mes propos manquent à deux
vertus essentielles: la prudence et la circonspection ou l’entregent.
La prudence n’est pas sagesse ni force ni courage. Et la circonspection
n’est pas rectitude ni probité. Revenons à la patience. Comme la foi (en Dieu ou
l'homme), la patience a été pervertie par les puissances
religieuses, idéologiques, politiques et économiques. Nietzsche,
à juste titre, a dénoncé cet homme à genoux,
supportant l’épreuve avec patience (la croyance -ou l’idéologie-
appelant la patience et la patience appelant la croyance). Cet homme attendant
le salut venant d’un Dieu. Acceptant son humiliation pour gagner
son ciel dans l’au-delà ou espérer un avenir radieux
qui ne manquerait pas de venir, demain, bientôt, combler les souffrances
d’aujourd’hui. Ne pensez pas que je méprise ceux qui croient en
Dieu ni ceux qui “ont juré devant Dieu” qu’ils
ne croient pas en Dieu. Je méprise ceux qui incluent ou excluent
Dieu pour des raisons idéologiques. Je méprise ceux qui
utilisent les bannières religieuses ou idéologiques pour
mieux contrôler et diviser les masses. Je méprise ceux qui,
alors qu’ils sont tout puissants,
sous le couvert des deux vertus relevées plus haut (prudence et
circonspection) taisent leur opinion. J’avoue aussi ne pas trop
apprécier ces grenouilles de bénitier qui prétendent
avoir accédé à la perfection et à la pureté,
ces surdoués des rubans qui savent par cœur les questions
et les réponses, qui ont dans leur attaché-case un smoking
dogmatique, toujours bien repassé, et dont les joues ruissellent
de ferveur huileuse. Ces surdoués qui gardent, bien au chaud, leurs
préjugés, leur appétit d’autorité, ne
pensent qu’à briller et séduire. Par leur faiblesse
morale, ils sont des pierres d’achoppement pour ceux qui, fidèles
à leur idéal ou leur foi, humblement et dans le silence,
parfois aussi avec médiocrité, cherchent à cheminer
avec les mal doués de l’existence. Pierre Bailleux 15|01|01 |